« Les membres les plus influents de la profession […] ont formé une sorte de Politburo de l’économiquement correct. En règle générale – comme on pouvait s’y attendre dans un club de gentlemen –, cette appartenance les a placés du mauvais côté sur toutes les questions politiques importantes, et cela depuis des décennies. Ils prévoient des désastres qui n’ont jamais lieu. Ils excluent la possibilité d’événements qui finissent par se produire… Ils s’opposent aux réformes de bon sens les plus nécessaires, leur préférant de simples placebos. Ils sont toujours aussi surpris lorsqu’un événement fâcheux – comme une récession – se produit. Et quand ils finissent par se rendre compte que telle ou telle position est intenable, ils ne reviennent pas dessus. Ils n’imaginent pas qu’il puisse y avoir de faille dans une théorie. Ils préfèrent alors changer de sujet. Dans un tel club, on ne perd pas la face parce qu’on s’est trompé. On ne cesse jamais d’être invité dans les colloques et les congrès suivants, pour présenter ses travaux. Et le club reste toujours aussi fermé à ceux qui n’en sont pas membres » [23].Mais qui sont donc ces économistes ?
Retour sur ceux qui avaient donné l’alarme sans être entendus
par James K. Galbraith [23-02-2010]
Domaine : Économie
Mots-clés : finance | crise | régulation
http://www.laviedesidees.fr/Mais-qui-sont-donc-ces-economistes.html
La crise financière a révélé l’échec des courants de pensée dominants de la science économique, qui ne l’avaient pas vue venir. Mais ce n’est pas le cas de tous les économistes. En réaction à l’article de Paul Krugman paru dans le New York Times, James K. Galbraith revient ici sur les travaux des chercheurs qui avaient été ignorés, aussi bien par les régulateurs que par la majorité de la communauté scientifique. Ces travaux offrent aujourd’hui le cadre conceptuel d’une nouvelle régulation financière.
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• Mais qui sont donc ces économistes ? (PDF - 196 ko)par James K. Galbraith
La théorie économique en débat
Avant-propos par Wojtek Kalinowski
La crise financière a ébranlé quelques certitudes et déclenché une vague de critiques à l’encontre des économistes qui, comme on le dit souvent, n’auraient « rien vu venir ». On peut cependant s’interroger sur les résultats concrets de cette agitation médiatique : au bout du compte, quels enseignements ont été tirés ? Au tournant de l’année 2008/2009, l’échec de la théorie des marchés « autorégulateurs » était patent et ses effets désastreux décriés à l’unisson par les hommes politiques, les journalistes et les experts. Un an plus tard, la nouvelle régulation financière se fait toujours attendre, la lutte contre les paradis fiscaux s’enlise – notamment en France – et le débat économique revient à son thème de prédilection, la limitation des dépenses publiques.
C’est dans ce contexte qu’il faut situer l’article de James K. Galbraith, que nous publions dans l’espoir d’ouvrir un débat sur les fondements théoriques d’une régulation financière viable, et plus largement sur le rapport entre la macroéconomie, l’usage des mathématiques et l’analyse des acteurs économiques réels. Rarement un débat d’idées aura été à la fois si essentiel et si difficile à mettre en œuvre, bloqué par des clivages – qui, vus de l’extérieur, semblent quasiment insurmontables – entre les positions « orthodoxes » et « hétérodoxes » du champ économique universitaire. S’inscrivant dans ce contexte, l’article de James K. Galbraith est délibérément polémique ; il a été rédigé en réaction à l’essai de Paul Krugman, où le célèbre économiste diagnostiquait les erreurs de la théorie dominante mais passait rapidement – trop rapidement selon Galbraith – sur ceux qui avaient tiré la sonnette d’alarme mais qui n’avaient pas été entendus. Mais ne nous trompons pas : l’intention de Galbraith n’est pas tant de « régler des comptes » avec les courants de pensée dominants, que de montrer les approches théoriques qui auraient pu – et qui peuvent toujours – servir à bâtir une régulation effective du secteur financier. En les présentant à un public francophone, la Vie des Idées veut apporter sa contribution au débat et inciter les économistes à y participer.
« Bien entendu, il y avait quelques économistes qui contestaient l’idée d’un comportement rationnel et se demandaient si l’on pouvait réellement faire confiance aux marchés, se référant au temps long des crises financières aux conséquences économiques dévastatrices. Mais ils nageaient à contre-courant, incapables de se faire entendre face à une complaisance largement répandue, et qui rétrospectivement nous paraît stupide ».
Paul Krugman, New York Times Magazine, 6 septembre 2009.
Amen. Bien qu’il soit d’usage de placer ce mot à la fin d’une prière, il m’a semblé approprié cette fois-ci de le faire figurer en tête. En deux phrases, Paul Krugman, Prix Nobel d’économie 2008 et à certains égards l’un des plus importants économistes de notre temps, a bien résumé ce que l’on peut considérer comme l’échec d’une époque, tant sur le plan de la pensée économique que sur celui de la politique économique.
Et pourtant, le rôle de ces quelques phrases, noyées dans un essai de plus de 6 500 mots, semble pour le moins étrange. Le propos est isolé et ne débouche sur rien. À peu de choses près – une demi-phrase de plus et la mention d’une même personne à trois reprises –, rien d’autre n’est dit à propos de ces économistes qui avaient vu juste. Ils ne sont pas nommés. Leurs travaux ne sont pas cités. On ne sait rien d’eux. Bien que l’histoire leur ait donné raison sur la question économique la plus fondamentale de notre génération, ils restent les grands inconnus du récit qui nous est conté.
L’article de Krugman est entièrement consacré à deux groupes, tous deux solidement installés au sommet (ou ce qu’ils considèrent être le sommet) de la science économique. Ces deux groupes sont particulièrement préoccupés par leur statut et se disputent pouvoir, prestige et influence. Ces économistes, Krugman les nomme « économistes d’eau de mer » et « économistes d’eau douce » ; eux-mêmes préfèrent le label « néo-classique » pour les uns, « néo-keynésien » pour les autres – bien que les uns n’aient rien de classique, les autres rien de keynésien. On pourrait également parler d’« école de Chicago » et d’« école du MIT », en référence au lieu respectif où la majorité d’entre eux a fait ses études supérieures. La vérité est que les étiquettes sont imprécises, car les différences entre les uns et les autres sont secondaires, et pour tout dire obscures.
Ces deux groupes ont une perspective commune, une préférence partagée pour un même cadre de pensée. Krugman le décrit très bien en évoquant « la recherche d’une approche englobante, élégante sur le plan intellectuel, qui donnait en outre l’occasion aux économistes de faire étalage de leurs prouesses mathématiques ». Ce qui est tout à fait exact. Il s’agissait en partie de faire preuve d’élégance et en partie d’impressionner, mais il n’était finalement pas question… d’économie. Les problèmes, les risques, les menaces et les politiques économiques n’y étaient pas débattus. Par conséquent, ces deux groupes partagent le même échec. C’est bien cela le plus étonnant. Il ne s’agissait pas d’une guerre sans merci entre Pangloss et Cassandre qui aurait ravagé la science économique. On avait plutôt affaire à une conversation entre copains, avec Bonnet Blanc d’un côté et Blanc Bonnet de l’autre. Et si vous pensiez que Bonnet Blanc ou Blanc Bonnet n’était pas très estimable – eh bien, c’est que vous n’étiez pas vraiment un économiste.
Le professeur Krugman soutient que Bonnet Blanc et Blanc Bonnet « ont pris la beauté pour la vérité ». La beauté en question résidait dans une « vision du capitalisme comme un système parfait ou presque parfait ». Assurément, accuser un scientifique – ou, pire encore, une discipline tout entière – d’avoir confondu la beauté et la vérité n’est pas anodin. On peut néanmoins se demander ce qu’il y avait de beau dans cette idée. Krugman ne le dit pas vraiment, mais il note que le recours aux mathématiques pour décrire la prétendue perfection était « impressionnant » (impressive-looking) – elles permettaient de « rendre plus séduisante » (gussied-up) la démonstration au moyen « d’équations sophistiquées » (fancy equations). Le choix des termes est révélateur : « impressionnant » ? « Séduisant » ? Ce n’est pas dans ces termes qu’on décrit normalement la Vénus de Milo...
Certes, les mathématiques ont quelque chose de beau, ou du moins peuvent avoir quelque chose de beau. J’aime particulièrement les géométries complexes générées par les systèmes non linéaires simples. Mais les démonstrations maladroites que l’on retrouve dans les articles des revues d’économie mainstream n’ont rien à voir avec cela. Elles font plutôt penser à de laborieux exercices de lycéens. On a le sentiment que l’objectif est d’intimider plutôt que d’éclairer. Il y a une raison simple à cela : une idée qui passerait pour simpliste lorsqu’elle est exprimée avec des mots devient « impressionnante » dès qu’on y attache pléthore de symboles grecs. Surtout s’il s’agit d’une idée comme celle-ci : « Le capitalisme est un système parfait ou presque parfait » – qui aurait bien du mal, énoncée de cette façon, à résister à l’épreuve du rire.
Il se trouve que John Maynard Keynes, celui-là même que Krugman évoque en des termes élogieux dans son article, avait sa propre vison du triomphe de la vision des économistes – et notamment du triomphe de David Ricardo, que l’on peut considérer comme le premier apôtre d’une politique économique déduite des prémisses théoriques, sur Thomas Robert Malthus. Voici ce qu’écrit Keynes :
« Une victoire aussi décisive que celle de Ricardo a quelque chose de singulier et de mystérieux. Elle ne peut s’expliquer que par la concordance de sa doctrine avec le milieu où elle a vu le jour. Le fait qu’elle aboutissait à des conclusions tout à fait différentes de celles qu’attendait le public profane ajoutait, semble-t-il, à son prestige intellectuel. Que son enseignement, appliqué aux faits, fût austère et désagréable lui conférait de la grandeur morale. Qu’elle fût apte à supporter une superstructure logique, vaste et cohérente, lui donnait de la beauté. Qu’elle présentât beaucoup d’injustices sociales et de cruautés apparentes comme des incidents inévitables dans la marche du progrès, et les efforts destinés à modifier cet état de fait comme susceptibles de produire en définitive plus de mal que de bien, la recommandait à l’autorité. Qu’elle fournît certaines justifications aux libres activités de l’individu capitaliste, lui valait l’appui des forces sociales dominantes groupées derrière l’autorité » [1].
Notons que Keynes n’en oublie pas pour autant l’importance du facteur esthétique. Mais il l’insère dans un tableau plus riche associant l’opportunisme, la vénalité et l’apologétique. Aujourd’hui, les effets de séduction produits par la méthode déductive sont connus – de certains économistes du moins – sous le nom de « vice ricardien ». Keynes écrivait également :
« Jusqu’à une date récente la doctrine elle-même n’a jamais été contestée par les économistes orthodoxes, mais son inaptitude remarquable à servir à la prédiction scientifique a fini par diminuer grandement le prestige de ses adeptes. Car depuis Malthus les économistes professionnels paraissent avoir été insensibles au désaccord entre les conclusions de leur théorie et les faits d’observation. Le public au contraire n’a pas manqué de relever ce désaccord… [2] »
Les choses n’ont guère changé depuis et il est intéressant de se demander pourquoi.
On ne peut invoquer, pour expliquer cette situation, l’absence de travaux sur la nature et les causes des désastres financiers. Ces travaux existent, mais les auteurs et les approches qui abordent ce genre de questions ont été relégués aux marges du système universitaire. Leurs articles ne sont publiés que dans des revues de second rang, voire dans des lettres d’information ou des blogs. Les chercheurs qui trahissent leur scepticisme en s’intéressant à ce type de publications sont dissuadés de poursuivre une carrière universitaire. S’ils sont suffisamment tenaces, il ne leur reste plus qu’à s’exiler dans une petite université ou dans les écoles d’enseignement supérieur (liberal art colleges [3]), où ils seront sûrs de passer inaperçus.
Aventurons-nous dans ces contrées oubliées de la science économique, et risquons-nous à une rapide présentation de ces auteurs et courants de pensée qui ont vu juste. Je ne prétends pas être exhaustif ; je me suis seulement appuyé sur mes lectures habituelles et celles qui m’ont été suggérées par de nombreux collègues – dont presque aucun n’appartient à ces prétendus « départements d’élite ». Parmi les exemples donnés plus loin, de nombreux proviennent des auteurs eux-mêmes ou de leurs admirateurs. D’autres exemples, qui auraient également pu être cités, ne doivent leur absence qu’au manque de place [4].
1. Les éternelles Cassandre : le point de vue marxiste
Depuis plus d’une génération – telle une relique des mouvements radicaux des années 1960, quand le keynésianisme tenait le haut du pavé –, la seule dissidence symbolique autorisée dans de nombreux départements d’économie est une forme américanisée du marxisme, développée pour une bonne part à l’université du Massachusetts à Amherst dans les années 1970, après l’expulsion des radicaux de Harvard. Au regard de cette tradition, la lutte des classes et les relations de pouvoir demeurent au cœur de l’analyse économique, et la crise est inévitable.
En 2004, l’économiste sud-africain Patrick Bond a identifié deux approches relevant de ce courant. L’une est représentée par Robert Brenner, qui a fait de la compétition sans merci son principal thème de recherche. L’autre, qui s’intéresse plus particulièrement aux phénomènes de suraccumulation du capital, est portée par Ellen Wood et David Harvey, avec plusieurs versions discordantes ou concurrentes, y compris celle de Giovanni Arrighi. Dans un article qui revient sur le déroulement de la récente crise, Brenner estime que celle-ci « révèle d’énormes problèmes au cœur de l’économie réelle, des problèmes non résolus qui ont été masqués par l’endettement durant des décennies, ainsi que par une crise financière sans précédent depuis l’après-guerre » [5].
En mettant l’accent sur l’« économie réelle », ce courant marxiste ne fournit pas de véritable théorie des crises financières. Sur ce plan, ses représentants ne sont pas si éloignés que cela du courant dominant : à leurs yeux, la finance n’est qu’un voile qui masque des forces plus profondes. Les spécificités de la crise, et ses modalités, ont donc une importance relativement secondaire (la crise pronostiquée par Bond en 2004 devait être déclenchée par un effondrement du dollar, dû à l’ampleur des déficits courants et à l’échec de la politique « impériale » menée en Irak ; c’est l’exemple d’une crise qui aurait pu se produire mais qui n’a finalement pas eu lieu). Les néo-marxistes ne s’intéressent pas non plus aux questions d’ordre politique, dans le sens où ils ne croient pas que le système actuel puisse fonctionner.
2. L’art de détecter les bulles
Une seconde approche consiste à identifier les bulles financières, signes avant-coureurs d’un crash imminent. Dean Baker, du Center for Economic and Policy Research à Washington, en est un des spécialistes incontestés, pouvant se targuer d’avoir anticipé la bulle immobilière quand le monde académique, dans sa grande majorité, l’ignorait encore. Dès 2002, Baker écrivait :
« Si les prix des logements redeviennent conformes au niveau général des prix, comme cela s’est toujours produit par le passé, 2 000 milliards de dollars partiront en fumée, rendant encore plus grave la récession. L’éclatement de la bulle immobilière compromettra également la survie de Fannie Mae et Freddie Mac et de nombreuses autres institutions financières » [6].
Cette prévision, qui s’est avérée exacte [7], s’appuyait sur une méthode simple. Celle-ci consiste à identifier des indicateurs économiques – généralement, le rapport entre deux variables sous-jacentes – qui brusquement dévient de leurs niveaux historiques, d’une façon qui suggère un état temporaire et instable. Il pouvait s’agir du rapport entre le cours de bourse d’une société et son bénéfice net après impôts ramené à une action [8], par exemple dans le secteur des nouvelles technologies dans les années 1990. Parmi les exemples plus récents, la méthode peut s’appliquer aux ratios prix / loyers sur le marché immobilier, aux ratios mesurant l’évolution des prix des logements par rapport à l’inflation, aux taux de logements vacants, et à bien d’autres choses (c’est l’ampleur de l’écart, associée à la taille du parc de logements, qui permet de mesurer l’ampleur de la bulle elle-même – dans le cas du marché immobilier [américain], Baker l’avait évaluée à 8 000 milliards de dollars).
Derrière cette méthode, on retrouve l’idée que les relations et les institutions de marché sont généralement stables, au sens où il existerait quelque chose comme un niveau « normal ». Ce qui veut dire que, lorsque les prix décrochent de leurs valeurs habituelles, un retour brutal à la situation initiale finira toujours par se produire : cela commence par une bulle et finit par un crash. Ceux qui ont acheté au prix fort devront vendre au plus bas et se retrouveront ruinés. Pendant six ans, Baker a multiplié les mises en garde contre ce scénario.
Détecter les bulles en train de se former a une vertu capitale : la plupart du temps, cette méthode fonctionne. Mais il s’agit d’une méthode sans fondements théoriques solides. À chaque fois, il y a un risque qu’elle échoue : les relations entre les institutions du marché en question – comme le ratio « normal » prix / loyer ou le PER – peuvent évoluer. Mais peut-être qu’un nouveau paradigme est en train de voir le jour, après tout.
3. De Keynes à Godley
L’œuvre de Keynes est étroitement liée au cadre de la comptabilité nationale, ce que nous appelons [aux États-Unis] National Income and Product Accounts (NIPA). Le produit total est le flux des dépenses qui alimentent l’économie, et ce que nous appelons croissance économique est la mesure des variations de ce flux. Les dépenses sont de plusieurs ordres : on peut schématiquement distinguer les dépenses de consommation, d’investissement, les dépenses de fonctionnement de l’État et les exportations nettes. Chacune de ces dépenses fait l’objet d’une théorie spécifique permettant d’en analyser les mécanismes [9].
Les relations comptables décrivent le monde dans des termes relationnels. La notion de Produit national brut, en particulier, qui définit la dépense totale par la somme des dépenses qui la composent [10], présuppose l’existence d’une relation de réciprocité et de compensation entre les déficits budgétaires et l’épargne privée. Plus précisément, le solde du secteur privé (l’excès de l’épargne nationale sur l’investissement national) doit toujours être égal à la somme du déficit budgétaire et des excédents nettes d’exportation. Ainsi, à balance commerciale inchangée, un creusement des déficits publics se traduit par une hausse de l’épargne privée. Et inversement, un accroissement de l’épargne privée augmente le déficit budgétaire.
C’est en s’inspirant de cette idée que Wynne Godley, l’économiste de Cambridge (Grande-Bretagne), et une équipe du Levy Economics Institute ont consacré une série d’analyses à l’économie américaine, mettant en garde à plusieurs reprises contre l’évolution inquiétante de la balance courante et surtout contre la dégradation du solde du secteur privé [11]. Ils montraient que les surplus budgétaires de la fin des années 1990 (et les déficits légers des premières années de la décennie suivante) correspondaient à un accroissement de l’endettement privé (l’investissement prenant le pas sur l’épargne). Ils faisaient valoir que, pour financer ces dettes, les ménages seraient tôt ou tard contraints de réduire leurs dépenses, ce qui provoquerait à son tour un ralentissement de l’activité, un effondrement du prix des actifs correspondants, et une baisse des revenus de l’impôt. En conséquence, le déficit budgétaire allait encore s’accroître et finirait par crever le plafond. Là encore, c’est à quelques nuances près ce qui s’est produit sur le plan économique.
La méthode de Godley ressemble à celle de Baker : un état est considéré comme instable dès lors qu’un indicateur (ou ratio) s’écarte de ses valeurs antérieures. La différence est que Godley s’appuie sur un cadre comptable ; son approche est donc structurée et permet de comprendre ce qui peut et ce qui ne peut pas être supporté par le système. C’est un progrès très net.
Par exemple, jusqu’à une date récente les surplus du secteur public étaient rendus possibles par l’accumulation de la dette privée. Cela soulève une question cruciale : un tel endettement peut-il être supportable, et que se passe-t-il quand il ne l’est plus ? La question peut être retournée en période de crise. Le secteur privé se remettant à épargner, il est inévitable que les déficits publics se creusent. Mais jusqu’où les hommes politiques, peu familiers de ces relations, seront-ils prêts à tolérer de tels déficits ? La question mérite d’être posée, car le jour où ils ne le seraient plus pour des raisons politiques, l’économie pourrait s’effondrer.
Sur la scène internationale, la volonté de nombreux pays étrangers de détenir des bons du Trésor américain fournit une contrepartie à notre dette publique : les déficits seront inévitables tant que le monde entier continuera de voir une valeur refuge dans ces obligations d’État. Mais cela soulève encore une autre question : pour quelles raisons les banques centrales cherchent-elles à constituer de telles réserves ? La démarche de Godley a donc le mérite de focaliser notre attention sur l’essentiel : sur ce que nous savons et sur ce qu’il faudrait que nous sachions.
4. De Minsky aux dynamiques financières non linéaires
Les travaux de Hyman Minsky abordent le problème de l’instabilité financière sous un autre angle. Une idée centrale chez lui est que la stabilité engendre l’instabilité [12]. Durant les périodes de calme et de croissance soutenue, les opérateurs de marché se lassent de plus en plus des rendements modérés. Pour augmenter la rentabilité de leurs placements, ils commencent à prendre des risques de plus en plus importants, et se lancent dans des paris aux effets de levier de plus en plus élevés. Des positions financières jusqu’alors viables, au regard des cash-flows passés – des positions de couverture (hedge positions) – font alors place à d’autres, dont on sait d’avance qu’à terme elles devront être refinancées. Ce sont des paris spéculatifs. Ce qui suit est une transition en douceur, imperceptible, où les positions spéculatives se transforment en positions qui ne peuvent plus être refinancées que par des nouveaux emprunts toujours plus importants. C’est la dernière étape, la chaîne de Ponzi, qui s’effondrera une fois découverte.
L’analyse de Minsky montre que l’instabilité financière du capitalisme n’est pas seulement inévitable mais qu’elle lui est intrinsèque : l’instabilité vient de l’intérieur, sans que des causes externes ou des « chocs » ne soient nécessaires. Il n’y a pas de croissance équilibrée qui puisse perdurer indéfiniment. À moins de changer le système, la responsabilité des pouvoirs publics est donc de réguler les pratiques financières, de limiter la spéculation et d’allonger ainsi au maximum la phase d’expansion du cycle.Ces réflexions trouvent leur prolongement dans des études plus récentes des systèmes dynamiques non linéaires. On songe notamment aux travaux de Peter Albin, de Barkley Rosser Jr. et de Ping Chen [13]. Une des propriétés des systèmes non linéaires est la succession de différentes phases de transition, de la situation d’équilibre aux cycles qui se répètent deux, quatre ou huit fois de suite pour finalement aboutir au chaos déterministe. Ces phases de transition, semblables à celles de l’eau passant de l’état solide à l’état liquide puis à l’état gazeux, sont qualitativement distinctes, intrinsèquement stables, et aux frontières bien délimitées. Le passage de frontière, nous explique-t-on, ne constitue en rien un « changement de paradigme » ; c’est simplement le même système intégré qui passe d’un état à un autre. Réguler le système consiste par conséquent à le maintenir dans une de ses phases de stabilité – celle de couverture ou celle de spéculation – bien à l’écart de la frontière où commence la transition associée aux schémas de type Ponzi, où l’effondrement devient inévitable.
C’est une idée simple. Et pourtant, elle n’a pas été prise en compte par le courant dominant dans sa réflexion sur les mesures à prendre pour faire face à la crise. Ping Chen cite sur ce point – pour le réfuter – Robert Lucas, l’économiste phare de l’école de Chicago :
« “La leçon principale qu’il nous faut retenir de l’hypothèse de l’efficience des marchés, écrit Lucas, est qu’il est vain de chercher à mettre fin à une crise ou à une récession en confiant à des banquiers centraux et à des régulateurs la tâche d’identifier et de neutraliser les bulles. Si de telles personnes existaient, le prix de leurs services serait très au-dessus de nos moyens”. Cela pourrait s’appeler le théorème de Lucas de l’impossible gestion des crises. Le problème est que ce théorème présente […] des failles évidentes. Nous avons montré dans notre théorie du marché viable qu’il existait des méthodes pour se prémunir contre les bulles. Par exemple, de brusques variations dans le volume des échanges à Wall Street signalent une intense activité spéculative de la part de gros investisseurs, et des comportements mimétiques de la part des “noise traders” [14]. Une agence de régulation pourrait facilement prendre des mesures contracycliques, par exemple en renforçant les exigences de fonds propres, en limitant les effets de levier ou en augmentant le taux d’imposition des transactions » [15].
Au sein du courant dominant, en revanche, l’insouciance et le fatalisme se sont combinés pour justifier l’inaction. Cela explique l’empressement pathologique de certains économistes – Lawrence Summers par exemple – à apporter leur caution au démantèlement de règles qui, à l’instar du Glass-Steagall Act, avaient permis de tenir le système à distance de la phase de Ponzi. On se souvient aussi – pour rappeler un exemple grotesque – des propos d’Alan Greenspan encourageant la généralisation des crédits immobiliers spéculatifs. D’évidence, ce serait un grand progrès si la pensée de Minsky pouvait inspirer les pratiques de régulation. Une question demeure cependant en suspens : comment déterminer très concrètement le type de régulation qu’il nous faut adopter ?
5. De John Kenneth Galbraith à la nouvelle criminologie
Dans ce domaine, le point de départ de la réflexion est donné dans l’œuvre majeure de John Kenneth Galbraith, Le Nouvel État industriel [16]. Énorme succès de librairie au moment de sa sortie en 1967, ce livre n’a cessé d’être critiqué par les économistes du courant dominant – non sans succès, puisqu’il a fini par être totalement oublié sous l’effet de la montée en puissance du néo-libéralisme. Il faut dire que ce livre représentait une menace de taille pour tout ce courant de pensée, car il visait, au moins partiellement, à remplacer une économie des marchés par une économie des organisations – des entreprises, des gouvernements, des syndicats et d’autres organisations – mettant l’accent sur les structures de gouvernance, les contre-pouvoirs (countervailing powers) et l’efficacité des efforts entrepris collectivement en vue d’objectifs communs.
Dans L’État prédateur [17], je soutiens qu’après 1970 les grandes entreprises américaines ont été précipitées dans la crise par des politiques de « stop and go », une compétition internationale intense, le changement technologique, et surtout par un affaiblissement des procédures de contrôle interne visant à les protéger contre les abus de la part de leurs dirigeants. Dans l’industrie financière, c’est précisément cet affaiblissement – voire la corruption – des instruments de contrôle, aussi bien internes que ceux imposés par les régulations externes, qui a mené au désastre.
Dans ce domaine, une observation attentive des faits nous en apprend parfois plus que les statistiques. Le travail que Gary Dymski a consacré en 2005 au marché des subprimes en est une bonne illustration. Il montre lui aussi qu’il était tout à fait possible de prévoir la crise. Il suffisait d’ouvrir les yeux :
« Il est probable que les emprunteurs potentiels se scinderont en deux groupes : ceux dont les actifs et la position offrent des garanties solides, et ceux dont les niveaux de richesse sont si faibles que leurs contrats seront rédigés dans le seul espoir d’en extraire suffisamment de gains de court terme pour compenser la situation d’insolvabilité qui se déclarera inévitablement (pour la plupart d’entre eux) à plus long terme… La crise financière que nous connaissons des travaux de Minsky se caractérise par l’effondrement des attentes et des possibilités de refinancement sur le marché formel... Il existe cependant un second type de crise, où cet effondrement se produit également sur le marché informel… Cela ne signifie pas que les personnes concernées disparaîtront ou cesseront d’emprunter : elles n’auront pas d’autre choix que de s’enfoncer toujours plus profondément dans l’endettement. Quand la valeur de l’actif aura été épuisée et qu’il n’y aura plus la moindre possibilité d’aménagement de la dette, leur vie finira par se confondre avec la crise financière » [18].
Les travaux de Dymski ont également bien décrit, et cela très tôt, les stratégies des grandes banques et d’autres acteurs du prêt immobilier vis-à-vis des populations pauvres et des minorités ethniques, ainsi que les pièges qu’ils leur ont tendus pour capter le peu d’actifs dont ces populations disposent. Cela pose inévitablement la question de leur responsabilité et nous amène à un autre important courant de recherches, consacré au comportement économique et au respect de la loi, et plus spécifiquement aux conditions d’émergence des « épidémies » de fraude.
Dans ce domaine, la principale référence est l’étude que William K. Black [19] a consacrée à la crise des Savings and Loans [20], où il développe la notion de « fraude du contrôleur » (control fraud) – une fraude au détriment d’une organisation, commise par ceux-là mêmes qui sont chargés de la contrôler [21]. Le même effort d’attirer l’attention des économistes mainstream sur ces phénomènes est visible dans les travaux d’Akerlof et Romer [22], eux-mêmes profondément inspirés par l’expérience de Black en tant qu’enquêteur et « lanceur d’alerte » dans l’affaire des Savings and Loans.
Dans la crise actuelle, les traces de fraude et de corruption sont partout : des termes du contrat du prêt immobilier et/ou hypothécaire à l’estimation des biens sur laquelle il était fondé, en passant par l’évaluation des collatéraux adossés à ces prêts, la grossière négligence des régulateurs et l’idée que les risques pourraient être neutralisés grâce à l’invention des credit default swaps – le substitut d’un contrat d’assurance auquel il manquait l’essentiel, à savoir des réserves en cas de pertes. Rien de tout cela n’a été anticipé par les économistes du courant dominant, qui considèrent généralement la criminalité comme un sujet indigne de leur talent. En découvrant aujourd’hui la vérité, souvenons-nous que le scandale des Savings and Loans s’était soldé par plus de mille inculpations et condamnations à des peines de prison. De toute évidence, à la croisée de l’économie et de la criminologie, de vastes espaces restent à explorer pour des chercheurs souhaitant aller de l’avant.
6. Conclusion
Paul Krugman a rendu un fier service en pourfendant les échecs d’un club dont il a été, durant de nombreuses années, un membre éminent. Je suis donc tenté de pardonner au rédacteur du New York Times Sunday Magazine d’avoir repris pour l’occasion, presque mot pour mot, le titre d’un de mes articles publié neuf ans plus tôt. Je ne résiste cependant pas à la tentation de citer mes propos de l’époque :
« Les membres les plus influents de la profession […] ont formé une sorte de Politburo de l’économiquement correct. En règle générale – comme on pouvait s’y attendre dans un club de gentlemen –, cette appartenance les a placés du mauvais côté sur toutes les questions politiques importantes, et cela depuis des décennies. Ils prévoient des désastres qui n’ont jamais lieu. Ils excluent la possibilité d’événements qui finissent par se produire… Ils s’opposent aux réformes de bon sens les plus nécessaires, leur préférant de simples placebos. Ils sont toujours aussi surpris lorsqu’un événement fâcheux – comme une récession – se produit. Et quand ils finissent par se rendre compte que telle ou telle position est intenable, ils ne reviennent pas dessus. Ils n’imaginent pas qu’il puisse y avoir de faille dans une théorie. Ils préfèrent alors changer de sujet. Dans un tel club, on ne perd pas la face parce qu’on s’est trompé. On ne cesse jamais d’être invité dans les colloques et les congrès suivants, pour présenter ses travaux. Et le club reste toujours aussi fermé à ceux qui n’en sont pas membres » [23].
Voilà le problème principal. Comme je l’ai montré à travers ce rapide état des lieux – qui demeure incomplet –, il existe un corpus très riche de littérature et de travaux économiques permettant d’étudier l’économie réelle et ses problèmes. Cette littérature est pertinente d’une façon que le courant dominant, y compris dans ses nouvelles approches à la mode comme l’« économie comportementale », n’est tout simplement pas. Mais quelle est la place de ces travaux dans les débats académiques ? Elle est à peu près nulle.
Il est donc inutile d’enfermer la discussion dans le cadre étroit d’une science économique conventionnelle. L’urgence est bien plus d’élargir le champ académique et de donner de la visibilité à des travaux qui nous sont réellement utiles pour faire face aux terribles problèmes économiques de notre époque. Il faut qu’on puisse faire carrière académique dans des domaines et avec des approches qui ont fait la preuve de leur utilité. Cette tâche ne doit manifestement pas être confiée aux départements d’économie concernés, mais aux conseils d’administration, aux organismes de financement, aux fondations, aux étudiants et peut-être même à leurs parents. L’idée n’est pas de se disputer indéfiniment avec Bonnet Blanc et Blanc Bonnet, mais de dépasser leurs querelles et d’avancer vers le champ qui doit être là quelque part, qui en effet est bien là.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuel Fournier, revu par Aurore Lalucq et Wojtek Kalinowski.
Cet article est paru en anglais dans la revue Thought & Action (automne 2009), sous le titre « Who Are These Economists, anyway ? ». Version française publiée en partenariat avec l’Initiative internationale pour repenser l’économie (www.i-r-e.org).
par James K. Galbraith [23-02-2010]
Aller plus loin
Sur le web :
• L’article de Paul Krugman, The New York Times, 2/09/2009.
• Une des multiples recensions de l’article de Krugman, par Gilles Raveaud, L’économie politique, 4/09/2009.
• La réponse de Martin Baily, Brookings, 8/09/2009. Martin Baily soutient que la nouvelle théorie macroéconomique si décriée par Krugman n’a pas été si influente qu’il le dit sur les praticiens de la politique économique. Le manque d’intérêt pour les signes avant-coureurs de la crise s’explique moins par les courants académiques fustigeant Keynes que par une certaine complaisance issue d’un faux sentiment de sécurité : après 20 ans sans crise majeure dans le monde développé, les responsables de la politique économique étaient devenus sûrs d’avoir tout prévu.
• Barry Eichengreen, dans The National Interest, a un point de vue différent de celui de Krugman. Pour lui, ce n’est pas la théorie économique qui s’est révélée insuffisante, mais sa réception dans le monde de la politique et de la finance. De larges pans de la théorie économique moderne traitent des faiblesses structurelles et des conflits d’intérêts inhérents au modèle capitaliste, mais ces aspects n’ont pas été appliqués.
• Un autre papier influent sur un thème proche, le dossier de The Economist en juillet dernier :
◦ l’édito
◦ le dossier lui-même se divise en deux parties. Un premier article de fond examine sans complaisance les insuffisances de la macro des années 1980, et en particulier du populaire modèle DGSE. Il présente ensuite le débat actuel entre ceux qui veulent modifier totalement le paradigme, ceux qui, comme Krugman, appellent à un retour de Keynes et ceux qui veulent enrichir les modèles modernes. Le deuxième article fait le point sur le statut de l’hypothèse d’efficience des marchés à la lumière de la crise.
◦ une réponse de Robert Lucas deux semaines plus tard défend l’intérêt de la macroéconomie moderne. Il voit les critiques actuelles comme opportunistes : il s’agit à ses yeux de courants existant depuis longtemps et qui font simplement feu de tout bois pour avancer leurs idées. A contrario, il défend la profession en arguant que son rôle est de toute façon modeste : les macroéconomistes savaient qu’une crise était possible, mais ce n’est pas pour autant qu’il était raisonnable de prendre préemptivement des mesures drastiques. En revanche, l’action en réponse à la crise montre à ses yeux que les politiques économiques informées par les théories des vingt dernières années autant que par les courants plus anciens (y compris keynésiens) ont permis d’éviter une crise aussi grave que celle de 1929.
Références bibliographiques :
• George Akerlof, Paul M. Romer, « Looting:The Economic Underworld of Bankruptcy for Profit », Brookings Papers on Economic Activity, Economic Studies Program, The Brookings Institution, vol. 24, 1993.- Peter S. Albin, Barriers and Bounds to Rationality, Princeton, Princeton University Press, 1998.
• Giovanni Arrighi, « The Social and Political Economy of Global Turbulence », New Left Review, mars-avril 2003.- Dean Baker, « The Run Up in Home Prices : Is It Real or Is It Another Bubble ? », 5 août 2002 (www.cepr.net/documents/publications/housing_2002_08.htm).
• William K. Black, The Best Way to Rob a Bank is to Own One, Austin, University of Texas Press, 2005.- Patrick Bond, « Crunch Time for US Capitalism ? », Z-Net Commentary, 4 décembre 2004.
• Robert Brenner, The Boom and the Bubble, New York, Verso, 2003.- Robert Brenner, « The Origins of the Present Crisis », 2009 (www.sscnet.ucla.edu/issr/cstch/).
• Jing Chen, James K. Galbraith, « A Biophysical Approach to Production Theory », University of Texas Inequality Project Working Paper, 55, février 2009.
• Ping Chen, Micro Interaction, Meso Foundation, and Macro Vitality, à paraître.- Jane D’Arista, « The Overheated Mortgage Machine », Flow of Funds Review & Analysis, décembre 2002.
• Paul Davidson, Financial Markets, Money and the Real World, Londres, Edward Elgar, 2003.- Gary Dymski, « Financial Globalization, Social Exclusion and Financial Crisis », International Review of Applied Economics, 19, n° 4, octobre 2005, p. 439-457.
• James K. Galbraith, « How The Economists Got it Wrong », The American Prospect, février 2000.
• James K. Galbraith, The Predator State, New York, Free Press, 2008.
• John Kenneth Galbraith, The New Industrial State, Princeton, Princeton University Press, 2007 [1967].
• Wynne Godley, « Prospects for the United States and the World : A Crisis That Conventional Remedies Cannot Resolve », Levy Economics Institute Strategic Analysis, décembre 2008 (www.levy.org).
• David Harvey, The New Imperialism, Oxford, Oxford University Press, 2005.
• John M. Keynes, The General Theory of Employment Interest and Money, Londres, MacMillan, 1936.
• Paul Krugman, « How Did Economists Get it So Wrong ? », New York Times Sunday Magazine, 6 septembre 2009.
• Hyman P. Minsky, Stabilizing an Unstable Economy, New York, McGraw-Hill, 2008.- Philip Mirowski, More Heat Than Light, New York, Cambridge University Press, 1991.
• Barkley Jr. Rosser, Mauro Gallegati, Antonio Palestrini, « The Period of Financial Distress in Speculative Markets : Interacting Heterogeneous Agents and Financial Constraints », Macroeconomic Dynamics, à paraître (disponible sur : http://cob.jmu.edu/rosserjb).
• Janine Wedel, Collision and Collusion. The Strange Case of Western Aid to Eastern Europe, Londres, Palgrave-MacMillan, 2001.
• Ellen Meikskins Wood, Empire of Capital, New York, Verso, 2005.
Notes
[1] John Meynard Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936 (NdT : les références bibliographiques complètes sont données en fin d’article).
[2] Ibid.
[3] NdT : Les Liberal Art Colleges sont des établissements d’enseignement supérieur qui ne possèdent pas de laboratoire de recherche et qui ne délivrent ni de diplômes de troisième cycle, ni de diplômes professionnels. Ils servent souvent comme une préparation généraliste aux étudiants qui souhaitent ensuite se spécialiser dans une discipline précise.
[4] Je passe sur les travaux des économistes d’entreprise, comme Nouriel Roubini, dont je ne parviens pas clairement à discerner les méthodes, ou Nassim Taleb dont le nihilisme me paraît excessif lorsqu’il dit que rien ne peut être prédit ; en l’occurrence, la présente crise a été prévue par certains. Je ne traite pas non plus des travaux des grands théoriciens comme Paul Davidson (voir la bibliographie) ou Joseph Stiglitz. Tous les deux ont présenté des raisons d’ordre général de s’attendre à une crise, mais ont beaucoup moins décrit les raisons spécifiques qui allaient mener à la crise.
[5] Bond, « Crunch time for US Capitalism ? », 2004 ; Brenner, The Boom and the Bubble, 2003 ; Wood, Empire of Capital, 2005 ; Harvey, The New Imperialism, 2005 ; Arrighi, « The social and political economy of global turbulence », 2003 ; Brenner, « The origins of the present crisis », 2009.
[6] Baker, « The run up in home prices », 2002.
[7] Tout comme celle de Jane D’Arista, dans un de ses travaux sur les mouvements de capitaux : « L’éclatement de la bulle hypothécaire pourrait déclencher des bouleversements financiers importants, aux conséquences macroéconomiques bien plus profondes que celles engendrées par le remue-ménage consécutif à la crise des S&L des années 1980 » (voir bibliographie).
[8] NdT : soit le PER – Price Earnings Ratio – ou le coefficient de capitalisation des résultats.
[9] Comme Mirowski l’a montré, on peut considérer que, chez Keynes, les dépenses totales constituent l’étalon de valeur dont l’équivalent dans les théories précédentes pouvait être l’or, le travail ou le bien être psychologique.
[10] C+I+G+X-M=Y. Avec Y pour le revenu, C pour la consommation, I pour l’investissement, G pour les dépenses de l’État, X pour les exportations, et M pour les importations. La seconde relation nous donne (S-I) = (G-T) + (X-M) où S est défini par Y-C-T avec T pour les taxes.
[11] Godley, « Prospects for the United States and the World », 2008.
[12] Minsky, Stabilizing an Unstable Economy, 2008.
[13] Albin, Barriers and Bounds to Rationality, 1998 ; Rosser et al., « The period of financial distress in speculative markets », à paraître ; Chen, Micro Interaction, à paraître.
[14] NdT : dans la théorie financière, le « noise trader » est un investisseur qui n’est pas pleinement rationnel et dont la demande d’actifs financiers est affectée par d’autres mobiles – émotions, mimétisme, etc. – que l’analyse des « fondamentaux » économiques.
[15] Chen, Micro Interaction, à paraître.
[16] John Kenneth Galbraith, Le Nouvel État industriel, 2007.
[17] James K. Galbraith, The Predator State, 2008 (tr. française : L’État prédateur, Seuil, 2009).
[18] Dymski, « Financial globalization, social exclusion and financial crisis », 2005.
[19] Black, The Best Way to Rob a Bank is to Own One, 2005.
[20] NdT : crise bancaire qui, entre 1986 et 1995, vit disparaître plusieurs centaines de caisses d’épargne (les Savings and Loans) spécialisées dans les prêts hypothécaires.
[21] Il existe de nombreux parallèles entre l’étude du « pillage des organisations » (organizational looting) dans les économies développées de l’Ouest et celle des économies dévastées de l’Europe de l’Est (voir bibliographie).
[22] Akerlof, Romer, « Looting : the economic underworld of bankruptcy for profit », 1-74.
[23] Galbraith, « How The Economists Got it Wrong », 2000.
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