luni, 8 martie 2010

Jean-Christophe Attias et Esther Benbassa. Dictionnaire des mondes juifs

Dictionnaire des mondes juifs

Conception graphique : François Junot

© Larousse 2008

Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de la nomenclature et/ou du texte contenusdans le présent ouvrage, et qui sont la propriété de l’Éditeur, est strictement interdite.

ISBN : 978-2-03-583332-7

Jean-Christophe Attias et Esther Benbassa

Dictionnaire des mondes juifs



Les auteurs

Jean-Christophe Attias et Esther Benbassa sont directeurs d’études à l’École Pratique des Hautes Études, en Sorbonne, où ils sont respectivement titulaires des chaires de pensée juive médiévale et d’histoire du judaïsme moderne. Auteurs de nombreux ouvrages sur le judaïsme traduits à l’étranger et devenus des classiques, ils sont aussi des intellectuels présents dans le débat public et leur engagement citoyen leur a valu le Prix Françoise Seligmann contre le racisme, l’injustice et l’intolérance (2006). Parmi leurs publications les plus récentes : E. Benbassa, La Souffrance comme identité (Fayard, 2007, Prix Guizot 2008 de l’Académie française) ; J.-C. Attias & E. Benbassa (éds), Des cultures et des dieux. Repères pour une transmission du fait religieux (Fayard, 2007).

Préface

Chacun souhaiterait trouver facilement, réuni et classé, à sa disposition,consultable à la demande, tout le savoir du monde. Jusqu’ici encyclopédie et dictionnaire étaient précisément là pour cela, même si l’on avait bien conscience qu’aucune encyclopédie et qu’aucun dictionnaire ne seraient jamais ni complets, ni éternels. Ainsi en fut-il, du moins pendant deux ou trois siècles, tant que la production de tels outils, oeuvre titanesque s’il en fut, releva d’une utopie, de cet esprit si caractéristique des hommes et des femmes des Lumières qui, d’en haut, si l’on peut dire, souhaitaient éclairer le monde par une diffusion à la fois libre, exhaustive et maîtrisée de la science.

Internet a bouleversé tout cela. Mais contrairement à une illusion répandue, il n’a nullement contribué à une démocratisation du savoir, pas plus que la pratique du micro-trottoir n’a démocratisé la réflexion… La démocratie érige des cadres, réglemente, endigue l’anarchie, elle a pour horizon, même lointain, l’égal accès des hommes et des femmes aux biens de ce monde, y compris les biens culturels. Or ce qui se passe sur Internet, ultime bastion de l’individualisme postmoderne, arène dont s’emparent les plus puissants et les plus bruyants, est souvent le contraire de la démocratie. Seuls les mieux armés intellectuellement et culturellement sauront en faire l’usage à la fois le plus rationnel, le plus sûr et le plus productif. Dans ce simulacre de démocratie, les perdants sont toujours les mêmes. Ils auront aussi perdu leur temps. La connaissance citoyenne, offerte à tout le monde et produite par chacun, est un mensonge moderne, qui érige l’amateurisme en norme.

Il est une chose, surtout, qu’Internet n’enseigne pas suffisamment : le doute
et l’art de la saine critique. Il déverse des flots d’informations, le plus souvent
non triées, sources de désespoir, tant il est ardu, voire impossible, de se frayer un chemin sur cet océan soumis au mouvement perpétuel d’une houle inconstante, une vague chassant l’autre. S’il répond à la boulimie de l’instantané, à la fringale du détail et de l’anecdotique, saura-t-il rassasier



Dictionnaire des mondes juifs

Préface



Celui qui cherche à apprendre dans l’ordre, à mieux connaître, à mieux
comprendre ?

Vouloir mettre l’Internet à l’index serait certes aussi réaliste que de vouloir inverser le sens de la rotation de la terre. L’Internet est. Que l’Internet soit ! Surfeurs invétérés nous aussi, nous en avons mesuré les dangers et côtoyé les écueils. Nous n’avons pas été moins séduits que d’autres, et à raison, par sa puissance, ses énormes potentialités, nombre de ses bienfaits. Et ce dictionnaire n’a pas été conçu pour le contrer et moins encore pour rivaliser avec lui. Il ne remplace pas Internet et Internet ne le remplace pas. Il est avant tout le fruit du travail de « trieurs » professionnels du savoir, à qui il arrive certes de se tromper, mais qui ont appris à le tamiser, pour le restituer dans sa plus grande plasticité et pour le rendre effectivement utilisable. Refusant de jouer les attrape-tout, hiérarchisant, mettant en forme une matière complexe, il porte clairement la griffe de ses auteurs.

Ce dictionnaire, dont c’est ici la troisième édition, refondue et considérablement
augmentée, est à notre connaissance le premier ouvrage de ce genre entièrement conçu et réalisé en France même, et son esprit comme son contenu ont l’ambition de répondre à l’attente spécifique du lectorat français, et plus largement européen. Située, en Europe, au carrefour d’influences multiples, la collectivité juive de France occupe, de par son histoire, une place à la fois emblématique et originale dans le paysage du judaïsme mondial. Ashkénazes « autochtones » (Alsaciens et Lorrains) ou issus de l’immigration en provenance d’Europe orientale y côtoient aujourd’hui une majorité de Sépharades de tous horizons (Orientaux et Nord-Africains). Pratiquants ou laïcs, traditionalistes et/ou intégrés, dépositaires d’une mémoire culturelle spécifique et/ou enracinés dans l’histoire de la République, diversement attachés à l’existence de l’État d’Israël, les Juifs de France offrent de l’identité juive une image plurielle, contrastée
– et parfois contradictoire. Loin d’être une exception, le cas français n’est que l’illustration d’une diversité qui a marqué de son empreinte l’ensemble du devenir historique du peuple juif. C’est précisément de cette diversité que ce livre entend porter témoignage, et son titre au pluriel, Dictionnaire des mondes juifs, dit clairement son ambition.

Aucune des grandes branches du peuple juif n’y a été ignorée. Ashkénazes et Sépharades, l’Orient et l’Occident, le Nord et le Sud, la diaspora et Israël, le monde et bien sûr la France, les femmes, enfin, non moins que les hommes, y sont, nous l’espérons, équitablement représentés. Nous n’avons de même voulu négliger aucun des grands courants qui traversent le judaïsme, et, s’il fait leur part à ses formes orthodoxe, néo-orthodoxe ou ultra-orthodoxe, ce dictionnaire n’en néglige nullement les variantes libérales, conservatrice, réformée ou laïque. De même, loin d’être simplement un dictionnaire du judaïsme, et même s’il accorde toute leur place aux dimensions rituelle, mystique ou philosophique, et aux traditions textuelles canoniques, il n’omet rien de ce qui, dans la civilisation juive, aux époques anciennes comme à l’ère contemporaine, a plus ou moins échappé à l’emprise du religieux : littératures profanes en langues juives et occidentales, art, musique, cinéma, danse, cuisine, etc.

Par ailleurs, autant que faire se pouvait, notre approche s’est aussi voulue historienne. Le judaïsme, en effet, n’est pas une essence, et le peuple juif a une histoire. Cette histoire est présente en chacune des entrées thématiques, car les idées, les usages et les littératures aussi naissent, se développent et meurent dans le temps. Elle l’est encore en chacune des notices biographiques, consacrées à un choix, nécessairement restreint, de personnages anciens et modernes, les uns célèbres, les autres moins, et que peut-être on ne s’attendrait pas à trouver ici, mais dont le parcours éclaire toujours une époque ou une situation. Elle l’est enfin et surtout dans les grandes rubriques historiques intégrées au corps même du dictionnaire, et dans la partie « Temps forts » (p. 42-83) de ses chapitres d’ouverture.

L’impératif de concision ne nous a pas conduits à sacrifier systématiquement la périphérie au centre et le mal connu au trop connu. Qu’un sujet n’eût été que peu étudié jusqu’ici, ou qu’il parût marginal à certains, ne pouvait a priori justifier qu’on le passât sous silence. Qui plus est, le bouillonnement actuel des études sur les Juifs a fait émerger de nouvelles interrogations, suscité de nouveaux intérêts. Sans oublier certains débats brûlants de l’actualité sociale, politique et internationale la plus immédiate. Nous nous devions d’en tenir compte. Ainsi, loin de simplement viser à
l’informatif, nous avons aussi souhaité pointer les problèmes, ouvrir des pistes de réflexion, aussi bien dans « Les mondes juifs en questions » (p. 13-41) que dans nombre de notices thématiques.

En assumant nous-mêmes l’intégralité du travail de recherche et de rédaction,
dans le cadre d’une concertation étroite, nous nous sommes efforcés de conférer à l’ensemble unité de style et d’inspiration. Dégagé de tout a priori apologétique, ce dictionnaire est ainsi bien notre dictionnaire, à savoir une certaine façon de voir et de donner à voir les mondes juifs. Au lecteur de se forger la sienne, en toute liberté.

De fait, le dictionnaire encyclopédique – et c’est peut-être la mutation du siècle – a de nos jours une fonction à la fois plus modeste et plus cruciale que celle qui lui était dévolue autrefois. Un ancien adage rabbinique exhortait l’étudiant à se doter d’un maître (rav), de qui apprendre, et d’un condisciple (haver) avec qui apprendre. Façon de reconnaître que, seul, au fond, on apprend mal. La chose est plus vraie que jamais. On apprend mal, seul, devant son écran d’ordinateur. Mi-maître, mi-condisciple, le
dictionnaire est là pour inspirer et guider cette solitude. Le papier a ainsi peut-être encore quelques années de vie devant lui, et il se trouvera encore, espérons-le, quelques mains pour en triturer fiévreusement les pages.
Jean-Christophe Attias et Esther Benbassa


Pour l’essentiel, notre transcription, sans prétention scientifique, vise seulement à permettre au lecteur francophone de lire à peu près correctement les termes hébreux et araméens. Les géminées n’ont pas été redoublées, le alef et le ayin n’ont pas été distingués, et le he et le het ont tous deux été transcrits h. Kh, qui transcrit le khaf, se lit comme j dans l’espagnol Juan ou ch dans l’allemand Buch. Chaque lettre doit être prononcée (ainsi pardes doit-il être lu pardesse, Sanhédrin se lit Sanhédrine, chabat se
prononce chabate). À la fin des mots, ch doit être prononcé ch et non k ou kh (midrach se lit midrache).
Les noms de personnes ont été transcrits selon les mêmes principes sauf lorsqu’une forme particulière s’en est imposée en français (personnages bibliques, hommes politiques, auteurs ou artistes connus, etc.).
En hébreu, le pluriel est marqué par les terminaisons -im ou -ot. Lorsque, dans le corps du texte, un terme apparaît au pluriel suivi du signe*, l’entrée correspondante doit être recherchée au singulier (pour midrachim*, on cherchera midrach; pour sefirot*, sefira).



Sommaire

Les mondes juifs en questions 13

Commencements : la Torah contre Darwin ? 14

Est-il bien vrai qu’il y ait eu un Moïse ? 18

Le Messie ne serait-il pas déjà venu ? 20

Juifs, chrétiens et musulmans croient-ils au même Dieu ? 23

Jérusalem, « capitale » du judaïsme ? 27

Quelle condition pour les femmes en Israël ? 32

Qui sont les « post-sionistes » ? 35

Juifs et Arabes en France : rupture d’une ancienne coexistence ? 37

Temps forts .42

586 et 538 avant J.-C.
L’exil à Babylone et le retour en Judée 44

164 avant J.-C.
Restauration du service du Temple de Jérusalem par Judas Maccabée 45

70 apr. J.-C.
Destruction du Second Temple .47

499
Clôture du Talmud de Babylone .48

1040
Naissance de Rachi 49

1096
La première croisade 51

1204
Mort de Moïse Maïmonide et diffusion du Guide des égarés .53

1492
Expulsion des Juifs d’Espagne .54

1565
Première impression, à Venise, du Choulhan Aroukh de Joseph Caro 57

1648-1649
Les persécutions cosaques 58

1665-1666
L’explosion sabbatéenne 59

1790-1791
L’émancipation des Juifs de France .61

1830
Conquête de l’Algérie par la France .63

1879
Naissance de l’antisémitisme moderne 64

1939-1945 et l’après-guerre
Réponses juives à l’extermination 67

Après-guerre
Juifs et communistes en Europe centrale et orientale 69

1948
Fondation de l’État d’Israël .72

1956 —1967
Vagues de départ des Juifs d’Afrique du Nord en France .74

1965
Publication de Nostra Aetate n° 4.
Évolution des relations judéo-chrétiennes.76

1989
Chute du mur de Berlin, nouvelles identités juives à l’Est ..78

1995
Jacques Chirac reconnaît la responsabilité
de la France dans la déportation des Juifs.81

Années 2000
Nouvelles turbulences 82

Dictionnaire 84

Annexes 602

Orientations ibliographique 603

Index 628



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Photo de couverture : Chagall Marc, Entrée à Jérusalem, 1964-1968. Détail d’une
tapisserie du Hall de la Knesset, parlement d’Israël, Jerusalem.
Ph. © Lauros / Giraudon / The Bridgeman Art Library © Adagp, Paris 2008.

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