sâmbătă, 2 ianuarie 2010

Les intellectuels de l'Ouest, le communisme et la CIA

LA VÉNALITÉ DES INTELLECTUELS


"Paris était une fête" : les intellectuels vendus à la CIA


Par Ernesto Carmona *
Punto Final, le 27 avril 2004


Frances S. Saunder

Une chercheuse britannique décrit comment la CIA a acheté les intellectuels du « monde libre » pour le programme de contrôle idéologique appliqué en secret dès la fin de la seconde guerre mondiale. Les 600 pages de travail historique "Who paid the piper ? The CIA and the cultural cold war : "Qui mène la danse ? La CIA et la guerre froide culturelle", de Frances Stonor Saunder [1], parcourent en détail les efforts financiers d'il y a un demi-siècle pour imposer la supériorité des Etats-Unis sur la culture et la création artistique du camp soviétique.

Saunder présente la guerre froide comme une lutte pour le contrôle des esprits entre les blocs politiques communiste versus ceux du « monde libre » qui s'opposent jusqu'à la fin des années 80. L'efficacité du lavage de cerveau expliquerait aujourd'hui la soumission européenne aux politiques impérialistes de George W. Bush.

« ...et la vérité vous rendra libres » (Jean 8-32) prient les murs du siège de la CIA à Langley, Virginia, mais l'agence a élevé la tromperie à la catégorie d'idéologie « philosophique », elle a gravé dans le marbre la doctrine du « mensonge nécessaire », apporté les dollars et la rhétorique sur « liberté » et « culture ».

Le prêche libertaire a inondé l'Europe et l'Amérique Latine quand les USA pratiquaient encore l'apartheid avec « les gens de couleur » et expérimentaient des produits pharmaceutiques de « contrôle mental » sur les patients de ses asiles d'aliénés publics. Ces années là, le FBI emmenait à la chaise électrique Ethel et Jules Rosenberg dans un jugement truqué avec de faux témoins, pendant que le maccarthysme ruinait la vie de milliers de citoyens accusés de penser pro « communiste ».


CARMONA : La vénalité des intellectuels

Saunder décrit la CIA dénonçant l'Union soviétique comme poursuivant ses artistes et ses intellectuels dissidents, alors qu'il se passait exactement la même chose aux USA, sous l'empire de la délation et de la chasse aux sorcières. Le passé qu'aborde l'écrivain est pratiquement équivalent au présent, à la différence que maintenant « le communisme » est remplacé par « le terrorisme ». L'auteur affirme que les discours sur la supériorité de l'un ou de l'autre des systèmes sociaux et politiques ont étés construits par la propagande, les médias, « la culture » et… les services d'espionnage.

Le Congrès pour la Liberté de la Culture (Congrès pour la Liberté de la Culture) a été l'instrument central de cette opération idéologique. Il était constitué comme une organisation permanente siégeant à Paris avec l'appui des services de renseignement français et britannique. Washington « paya pour la musique »… sans regarder à la dépense. Entre crimes et coups d'état, la CIA s'est donné le temps de fonctionner comme « Ministère de la Culture. »

Sartre n'est pas tombé dans le panneau

La revue Encounter – Rencontre - fut le « navire amiral », ou plutôt le transatlantique de luxe, du Congrès, puisqu'elle paya voyages, hôtels, bourses, articles, éditions de livres, concerts et expositions. Peu d'artistes et d'intellectuels ont résisté à s'afficher dans la « famille » des 50 revues « culturelles » de la CIA et du Congrès pour la Liberté de la Culture, à publier leurs textes en grand tirage, à ce que leurs pièces soient exécutées en Europe par le Symphonique de Boston ou à ce que leurs oeuvres soient montrées dans les expositions européennes du Musée d'Art Moderne de New York.

Le « mensonge nécessaire » de la CIA a dupé ou utilisé en connaissance de cause les intellectuels d'Europe et d'Amérique latine pendant plus de deux décennies. Quand le New York Times a levé le couvercle, en mai 1967, tout le monde a dit : « on ne savait pas ». Encounter s'effondra cette même année, lentement, comme le Titanic, mais… fut remis à flot en Espagne en 1996 en tant qu'Encuentro, mot qui a la même signification.

A l'exception de Jean-Paul Sartre, Albert Camus et quelques rares autres, « l'Europe pensante » tomba dans les filets de la façade culturelle ourdie par l'agent Michael Josselson. Les intellectuels se montrèrent prêts à ingérer le discours de la liberté culturelle et à rejeter tout ce qui sentait l'Union Soviétique lorsqu'elle communia avec la supériorité de l' « american way of life. » Depuis le philosophe pacifiste Bertrand Russell jusqu'à l'idéologue démocrate chrétien Jacques Maritain, les esprits de l'élite du Vieux Monde se mirent au service des USA. La croisade culturelle fut financée avec des fonds secrets du Plan Marshall et de l'argent public blanchi par la CIA en tant que « donations » au travers d'une douzaine de fondations américaines. En dernière instance, « la musique » fut payée par le contribuable des Etats Unis.

Les acteurs

Russell présida la toile d'araignée du Congrès pour la Liberté de la Culture international. Il démissionna quatre fois, jusqu'en 1956 date à laquelle il s'éloigna définitivement. L'organisme de Paris a eu aussi des succursales dans d'autres pays d'Europe, d'Amérique Latine et d'Inde, en plus du American Comitee for Cultural Freedom, qui fut dissout à New York en 1957, après de grands procès internes entre « durs » et « mous ».

Le Congrès pour la Liberté de la Culture a accueilli comme directeurs, participants actifs ou sympathisants, Igor Stravinsky, Benedetto Croce, T.S. Elliot, Karl Jaspers, André Malraux, Ignacio Silone, Isaiah Berlin, Ezra Pound, Jean Cocteau, Claude Debussy, Laurence Oliver, Manès Sperber, Salvador de Madariaga et beaucoup d'autres. Son leader au Chili fut Jaime Castillo Velasco [2], idéologue démocrate-chrétien et défenseur des droits de l'homme durant la dictature (1973-1990).

Quand le Congrès pour la Liberté de la Culture s'est constitué à Berlin en 1950, la CIA « paya la musique » pour 200 délégués et 4000 assistants qui ont entendu le maire Ernest Reuter, un ex-communiste qui avait connu Lénine. Parmi beaucoup d'autres, étaient présents Arthur Koestler, Arthur Schlesinger Jr. (« théologien de la guerre froide », puis conseiller de J. F. Kennedy), Sydney Hook (ex-gauchiste radical), James T. Farrel, Tennessee Williams, l'acteur Robert Montgomery, David Lilienthal (chef de la Commission d'Energie Atomique des USA), Sol Levitas (éditeur de New Leader), George Schuyler (noir, éditeur du Pittsburgh Courier) et le journaliste, noir lui aussi, Max
Yergan. La présence de « gens de couleur » s'opposait aux critiques européennes concernant la ségrégation raciale.

De même ont participé les Britanniques Hugh Trevor-Roper (qui s'est avéré critique et a soupçonné depuis le début l'ingérence de la CIA), Julian Amery, A.J. Ayer, Herbert Read, Harold Davis, Christopher Hollis, Peter Mendessohn. De France arrivèrent Malraux, Jules Romain, Raymond Aron, David Rousset, Rémy Roure, André Phillip, Claude Mauriac et Georges Altman.
Pour l'Italie, Ignacio Silone, Guido Piovene, Altiero Spinelli, Franco Lombardi, Muzzio Mazzochi et Bonaventura Tecchi. Durant le festival « culturel » Berliner Festwochen, organisé en 1964 par le maire de Berlin Willy Brand, le Congrès pour la Liberté de la Culture finança la participation de Günther Grass, Jorge Luis Borges, Langston Hughes, Roger Caillois, Wolé Soyinka, Cleant Brooks, Robie Macauley, Robert Penn Warren, James Merrill, John Thompson, Ted Hughes, Herbert Read, Peter Russel, Stephen Spender, Pierre Emmanuel, Derek Walcott et de beaucoup d'autres, parmi eux, Keith Botsford, l'agent CIA- Congrès pour la Liberté de la Culture pour l'Amérique Latine.

La Fondation Fairfield fut la couverture principale de la CIA pour dissimuler les frais. Sous la rubrique « Voyages-études » une multitude de bénéficiaires apparaissent, entre autres Mary McCarthy (pour préparer une anthologie de la nouvelle littérature européenne), le peintre chilien Víctor Sánchez Orgaz ( ?), le poète Derek Walcott (pour des voyages aux USA) futur prix Nobel, Patricia Blake, Margarite Buber-Neumann, Lionel Trilling (pour un voyage en Pologne, à Rome, Athènes et Berlin) et Alfred Sherman, collaborateur du The Spectator, pour un voyage à Cuba.

Les leaders du Comité Américain furent Sidney Hook, Irving Kristol - plus tard fervent partisan de R. Reagan - et Sol Stein un trio d'hommes de gauche repentis qui ne venaient pas de Yale mais de l'éducation publique du City College de New York. Parmi les « mous » de New York figurent Schlesinger, Koestler, Reinhold Niebuhr, Henry Luce - propriétaire du Time-Life -, James T. Farrel, Richard Rovere - du The New Yorker -, Norman Thomas - ex président du parti Socialiste et candidat à la Maison Blanche à six reprises - et Phillip Rahv, directeur de Partisan Review.

Le Congrès pour la Liberté de la Culture préférait des intellectuels de gauche non communistes ou au moins des anticommunistes modérés du genre de Russell. Mais à New York les « durs » se sont imposés, comme Lionel et Diana Trilling, et la connexion sioniste de Jason Epstein, James Burnham, Arnold Beichmann, Peter Viereck, Clement Greenberg, Elliot Cohen, directeur de Commentary, et les hommes de gauche Mark Rothko et Adolph Gottlieb.

Quelques écrivains et artistes des USA ont ignoré les appels du Congrès pour la Liberté de la Culture, entre autres, Arthur Miller, Norman Mailer, Erskine Caldwell, Upton Sinclair, Howard Fast, Ben Shahn, Ad Reinhart, Paul Robeson, George Padmore et John Steinbeck, qui plus tard succomba au pouvoir, à la fin de sa vie, en soutenant la guerre du Vietnam.

La CIA a payé la musique

Les USA ont estimé que la musique pénétrait l'esprit et la sensibilité européenne plus rapidement que les autres arts. C'est pourquoi le grand lavage de cerveau commença avec de grands concerts, organisés par l'agent Nicolas Nabokov, un compositeur russe médiocre et frustré - cousin de l'auteur de Lolita, qui orchestra concerts et festivals en enrôlant des chefs d'orchestre, des compositeurs et des musiciens allemands, sans être rebuté par leur passé nazi.
En échange de beaucoup de dollars, ont participé le Symphonique de Boston et la soprano noire Leontine Pryce, étoile favorite de l'action musicale en Europe occupée. Yehudi Menuhin, son maître roumain Georges Enesco et les nazis Herbert Von Karajan et Wilhelm Furtwängler ont reçu des bourses et de l'argent pour des concerts en Europe et aux USA.

Dès son premier festival musical en 1951, Nabokov a obtenu des oeuvres et des représentations d'Igor Stravinsky, Aaron Copland, Samuel Barber, le New York City Ballet, le Boston Simphony Orchestra, le Musée d'Art Moderne de New York, James T. Farell, W.H. Auden, Gertrude Stein, Virgil Thompson, Allen Tate, Glenway Westcott et beaucoup d'autres.

De même Cocteau, Debussy, Malraux, de Madariaga, Oliver, William Walton, Benjamin Britten, l'Opéra de Vienne, l'Opéra du Covent Garden, la Troupe Balanchine, Czeslaw Milosz, Ignacio Silone, Denis de Rougemont et Guido Piovene ne refusèrent pas leur participation. La compagnie de 70 artistes noirs de l'opéra Porgy and Bess a monté ce spectacle qui a duré presque 10 ans.


De même ont participé Dizzy Gillespie, Maria Anderson, William Walfield, la Martha Graham Dance Troup et une multitude d'artistes sélectionnés par un Comité Secret de Sélections Culturelles coordonné par le département d'Etat.

Promotion du livre et de la lecture

La CIA n'a pas négligé les livres. Elle publia à des millions d'exemplaires plus de 1000 titres. De plus elle lança derrière « le rideau de fer » 10.000 ballons, avec des centaines de milliers de bibles, accomplissant ainsi le Bible Balloon Project approuvé par le Congrès des USA en juin 1954. Dieu aussi fut gagné par la guerre froide dans un pays que Camus voyait dominé par des « formes religieuses et morales de la pensée politique ».

« Les livres sont différents de tous les autres moyens de propagande - a écrit un des chefs de l'Equipe d'Actions Cachées CIA-, fondamentalement parce qu'un seul livre peut changer de manière significative les idées et l'attitude du lecteur jusqu'à un degré qui ne peut être comparé avec l'effet des autres médias [c'est pourquoi] la publication de livres est l'arme de propagande stratégique (de longue portée) la plus importante » [3].

Un des objectifs de la CIA était de « faire publier ou distribuer des livres à l'étranger sans qu'apparaisse l'influence des USA, en subventionnant de manière cachée les publications étrangères ou les éditeurs » et de « faire publier des livres qui n'étaient pas entachés » d'un lien public quelconque avec le gouvernement des USA, spécialement si la posture de l'auteur est « sensible » » [4]. Les livres ne devaient pas avoir un fumet gauchisant.

Four quartets (Quatre quartets), de T.S. Elliot, fut jeté comme des grains de riz sur les pays socialistes, pendant que The waste land (La terre en friche) était publié encore et encore. Il y a eu des versions cinématographiques des livres de George Orwell, on produisit "Retour d'URSS" et "Le zéro et l'infini" d'Arthur Koestler ainsi que "Le livre blanc de la révolution hongroise", de Melvin Lasky.

On publia aussi des titres de Herbert Lüthy, Patricia Blake, Max Hayward, Leopold Labedz, Bertrand de Jouvenel, Nicolo Tucci, Luigi Berzini, Boris Pasternak, Nicolo Maquiavelo, André Gide, Louis Fischer, Richard Wright, et... Anton Tchekhov, traduit et publié par la Tchekhov Publishing Co., maison d'édition subventionnée en secret.

La CIA publia aussi des romanciers-agents de ses propres rangs, comme John Hunt, Peter Matthiessen, Charles McCarry, James Michener, Howard Hunt et William Buckley, à qui l'agence a recommandé « d'aider un autre intellectuel, le marxiste chilien Eudocio Ravines, lorsqu'il finit son livre également influent, The Yenan Way [5]. La politique éditoriale de CIA-Congrès pour la Liberté de la Culture a aussi donné lieu à La nouvelle classe, de Milovan Djilas, une étude sur la nomenklatura, et d'autres textes "significatifs" publiés par Frederick A. Prager Inc. Les "intellectuels maison" publiaient dans tous les médias sous influence ou contrôlés.

« Compagnons de voyage »

La CIA appelait « Compagnons de voyage » les « amis » des communistes,
mais enrôla aussi les siens pour les engager dans le Congrès pour la Liberté de la Culture, de préférence des intellectuels progressistes neutres et bien vaccinés contre le communisme. William Donovan, un des « pères fondateurs » de la CIA, devint ami en Europe d'Antoine de Saint-Exupéry et d'Ernest Hemingway, quand il fut proconsul de l'occupation (1941-1945) à la tête du tout puissant Bureau de Services Stratégiques (OSS), prédécesseur de la CIA. Bien que son fils John fasse partie de l'OSS, « Papa » Hemingway ne s'intéressa jamais au Congrès pour la Liberté de la Culture et finit par être espionné par le FBI pendant 25 ans, jusqu'à sa mort en 1961. Edgard Hoover était au courant lorsque le Nobel s'est fait hospitaliser, sous un faux nom, dans une clinique du Minnesota pour traiter la dépression qui allait le conduire au suicide.

Parmi les « compagnes de voyage » notoires du Congrès pour la Liberté de la Culture-CIA figurent Hanna Arendt, ex compagne ou maîtresse du philosophe Martin Heidegger - qui ne s'entendait pas mal avec les nazis - et son intime Mary McCarthy, participante active mais un peu « ingrate » : ses « ragots » par correspondance avec Arendt furent une précieuse source de « vacheries » pour Saunder.

D'autres personnalités ont été impliquées, ont participé et ou bénéficié comme Alberto Moravia, qui assista à un événement « culturel » monté par Nabokov en 1960 dans l'île vénitienne de San Giorgio, avec John Dos Passos, Julian Huxley, Mircea Eliade, Thornton Wilder, Guido Piovene, Gerbert Read, Lionel Trilling, Robert Penn Warren, Stephen Spender, Isak Dinesen, Naum Gabo, Martha Graham, Robert Lowell, Robert Richman, Franco Venturi, Iris Murdoch, Daniel Bell, Armand Gaspard, Anthony Hartley, Richard Hoggart et l'hindou Jaya Praksash Narayan.

L'argent

Ford fut la fondation la plus significative pour le blanchiment de l'argent des contribuables ou comme source de fonds pour les activités « culturelles », bien que la CIA fabriqua ses propres couvertures - sures -, comme la Fondation Farfield dont l'« homme de paille » fut Junkie Fleischmann, un folklorique millionnaire ignare et mesquin qui finit par se prendre pour un vrai « mécène », à renfort d'argent d'autrui. On utilisa aussi les fondations et/ou les fonds Andrew Hamilton, Bacon, Beacon, Bair, Borden Trust, Carnegie, Colt, Chase Manhattan, Edsel, Florence, Gotham, Hobby, Hoblitzelle, Kentfield, Josephine et Winfield Baird, J.M. Kaplan, Lucious N. Littauer, M.D. Anderson, Michigan, Rockefeller, Ronthelyn Charibable Trust, Shelter Rock, Price, etc...

L'argent circulait dans un enchevêtrement de réelles académies et sociétés culturelles, où au sein des conseils on trouvaient les même noms de directeurs de fonds, fondations, banques et jusqu'à des agents directs de la CIA. L'agence acquit une réelle maîtrise dans la défiscalisation grâce à ses « donations » cachées, rendant difficiles les enquêtes menées dans les années 60 par le congressiste Wright Patman et, dans les années 80, par le sénateur Frank Church.

Les magazines

Les magazines Congrès pour la Liberté de la Culture-CIA donnèrent du travail à une multitude de collaborateurs médiocres et parfaitement inconnus. Le plan était de « faire naviguer en première classe des figures de seconde » en compagnie d'intellectuels éminents, informés ou non de qui étaient leurs employeurs. Les agences de nouvelles Forum World Features et les radios Europe Libre et Liberty ont employé une multitude de journalistes intellectuels.

La première revue fut Der Monat, fondée à Berlin en 1949 comme « pont idéologique » avec les écrivains européens, dirigée par Lasky, membre du trio qui forgea ces réseaux, avec Nabokov et Joselsson. Lasky est un gauchiste du City College de New York qui traînait dans le Kominform, la contrepartie soviétique du Congrès pour la Liberté de la Culture. En fin de compte, la CIA n'a rien fait de plus que de répondre à ce qu'avaient fait d'abord les Soviétiques, comme pour la course à l'espace qui a commencé en 1957 avec le Spoutnik.

Encounter est parvenue à être la plus importante, elle était aussi dirigée par Lasky, grand censeur d'articles critiques des USA et d'auteurs qui croyaient réellement faire du « journalisme de libre opinion. » Preuves fut fondée à Paris en 1951 comme antagoniste des Temps Modernes de Sartre et Simone de Beauvoir. Paris Review parut en 1953 animé par George Plimton et l'agent de la CIA Peter Matthiessen. C'est là que travaillait Frances Fitzgerald, fille du chef de la CIA chargée de planifier l'assassinat de Fidel Castro. En Italie parurent Libertà della Cultura et Tempo Presente (1956), encouragées par Silone et Nicola Chiaromonte comme un défi à Nuovi Argomenti (1954), fondée par Alberto Moravia. Nuova Italia, dirigée par Michael Goodwin, reçu seulement des subventions. Un autre groupe, où Silone figurent aussi, anima à Londres Censorship (1964-67), qui réapparut en 1972 comme Index on Censorship, cette fois directement financé par la Fondation Ford.

Le journal de gauche français Franc-tireur reçut des dollars du Congrès pour la Liberté de la Culture quand il était dirigé par George Altman, de même que le Figaro Littéraire. En langue arabe Hiwar est apparu en 1962 ; Transition, en Ouganda, 1968 ; Quadrant, en Australie - il existe encore -; Quest en Inde, 1955 ; et Jivu au Japon. Il y en a eu d'autres qui intégrèrent le vaste écheveau, comme Forum, National Review, Science and Freedom et Soviet Survey. La CIA appuya des revues et des organisations « parallèles » au radicalisme, bien qu'elle n'en ait pas eu totalement le contrôle.

Dans la branche des revues des Etats-Unis, il y a eu des publications propres et d'autres subventionnées par le moyen de l'achat d'exemplaires que la CIA - Congrès pour la Liberté de la Culture distribuait en Europe et dans le reste du monde. 3000 copies de chaque édition de Partisan Review étaient achetées, de même pour Daedalus (500), Hudson (1500), Kenyon (1500), Poetry (750), Sewanee (1000) et The Journal of the History of Ideas (500).

La CIA a apporté les plumes de Kostler, Chiaramonte, Mary McCarthy, Alfred Kazin et d'autres, pour le compte de l' American Commitee. New Leader, dont Levitas était responsable, recevait des subventions de Times Inc. En l'échange d' « informations sur les tactiques et les personnalités du communisme du monde entier »

Livre non terminé

Cuadernos a été lancé à Paris en 1953 pour pénétrer le monde intellectuel de l'Amérique Latine. Son premier directeur fut Julián Gorkin, dramaturge et romancier hispanique, co-fondateur en 1921 du parti Communiste de Valence, en Espagne, et ex activiste du Kominform. Après que Cuba ait popularisé la revue Casa de las Americas dans les lettres latino-américaines, Cuadernos se transforma en Mundo Nuevo dans les années 60 [6], sous la direction de l'Uruguayen Emir Rodríguez Monegal. Les grands de la littérature régionale, comme l'argentin Julio Cortázar, refusèrent de publier dans ses pages.

Le Congrès pour la Liberté de la Culture n'existe plus, mais la CIA n'abandonne pas sa mission. En 1996 est lancée à Madrid la revue Encuentro, dirigée par le Cubain Jesús Díaz, avec un financement de la Fondation Ford et du Fond National pour la Démocratie, le National Endowment for Democracy (NED), « organisation privée à but non lucratif » créée en 1983 « pour promouvoir la démocratie à travers le monde. » Il finance aussi au Venezuela les organisations d'entreprises qui conspirent contre le gouvernement Hugo Chávez.

"Il existe toujours la possibilité qu'un livre de fiction jette quelques lumières sur les choses qui furent auparavant comptées comme des faits" écrivit Hemingway, dans le prologue de Paris est une fête. Saunder fit le contraire : elle a rapporté des faits véridiques pour montrer une fiction qui concerne aussi le présent. Une fois de plus, la réalité dépasse la fiction. Comme le jeu sale n'est pas terminé, l'histoire laisse ouverte la fin. La défense de la « liberté » continue. La CIA est plus vivante que jamais, l'affaire n'est pas terminée.

L'Espagnol Javier Ortiz s'est posé une question incontournable : « Qui sont les professionnels de la communication espagnols qui travaillent pour la CIA ? » Je ne fais pas référence à des gens qui le font sans le savoir, car de ceuxlà, il peut y en avoir des tas, mais de ceux qui le font en connaissance de cause, parce qu'ils en font partie ». Les doutes d'Ortiz sont valables pour toute la planète et toutes les professions liées à la « culture ».

La CIA y la guerra fría cultural a été publié en espagnol par l'Editorial de Ciencias Sociales de Cuba, avec une préface de Ricardo Alarcón de Quesada et traduit par Rafael Fonte, "Who paid the piper ? The CIA and the cultural cold war" (Qui paya la musique ? La CIA et la guerre froide culturelle), est paru pour la première fois en langue anglaise en 1999, édition de Granta Books, Londres.

* Ernesto Carmona est un journaliste chilien Traduction pour el Correo : Carlos Debiasi et Jean di Tommasso

Notes :

[1] Qui mène la danse ? La CIA et la guerre froide culturelle.
Frances Stonor Saunders.
Paris : Denoël, 2003. 506 p. 24,50 euros.
[2] Castillo s'est désengagé quand il a su que le Congrès pour la Liberté de la
Culture était une couverture de la CIA
[3] Page 341, Chief of Cover Action Staff, CIA, cite dans Final Report of the
Church Committee, 1976.
[4] ibid.
[5] Ravines est un péruvien qui arriva au Chili en tant qu'agent de la Tercera
Internacional pour « superviser » le Frente Popular (le Front Populaire) vers la
fin des années 30. El camino de Yenán (le chemin de Yenan) décrit sa trahison
au parti communiste.
[6] Saunder n'a pas abordé l'Amérique Latine. Sur le Congrès pour la Liberté de
la Culture dans cette région, voir : "Mundo Nuevo, cultura y guerra fría en la
década del '60" (Nouveau Monde, culture et guerre froide dans les annèes 60),
de María Eugenia Mudrovcic, professeur à l'Université du Michigan, Beatriz
Viterbo Edition, Rosario, Argentina, 1997. ISBN : 950-845-047-9.
http://www.elcorreo.eu.org/article.php3?id_article=2130

Un comentariu:

dorufish spunea...

Inca un produs al unei stangi infierbantate de infrangerile suferite. Nu-i de mirare ca a fost scris de un Chilian (probabil comunist - altfel nu s-ar fi publicat in Cuba)