Vă rog să citiți acest text selectat de mine, în speranța că vă poate interesa. Cu prietenie, Dan Culcer
Il y a tout juste six ans, le Centre d'analyse et de prévision (CAP [2]) du ministère des Affaires étrangères rédigeait une note qui annonçait largement les événements actuels dans le monde arabe. Elle est restée lettre morte. De quoi alimenter les critiques de certains diplomates sur le mépris dont fait preuve l'exécutif à l'égard du travail d'expertise.
Ce document de deux pages, daté du 24 février 2005, a été rédigé par le chercheur Olivier Roy [4]. Il nous indique que le directeur du CAP jusqu'en 2010, Pierre Lévy, l'a approuvé avant de le transmettre à sa hiérarchie. Mais ni le ministre des Affaires étrangères Michel Barnier, ni l'Elysée de Chirac n'en ont tenu compte.
Ces avertissements visionnaires du CAP n'ont pas plus été écoutés par la suite. Titre de la note d’Olivier Roy [3] : « La démocratisation du Moyen-Orient est incontournable, malgré la montée des islamistes. »
« Nous risquons de nous trouver en décalage »
Roy rappelait d'abord les trois motifs de réticence française face à la politique de démocratisation soutenue par Washington. Les deux premiers sont toujours pertinents pour expliquer le fiasco actuel.
En substance : les régimes autoritaires sont le meilleur rempart contre l'islamisme ; le principe de souveraineté interdit de les remettre en cause ; la politique américaine est impopulaire dans l'opinion publique de la région, et masque une volonté de puissance. Puis il livrait en une phrase son analyse, avant de la développer :
« Or les événements récents au Moyen-Orient remettent de plus en plus en cause ce schéma et nous risquons de nous trouver en décalage par rapport à l'évolution de la situation. »
C'est exactement ce qu'il s'est passé. Le chercheur écrivait que « les régimes autoritaires ont failli » et « ne sont plus un rempart contre l'islamisation », il notait « la corruption des élites dirigeantes ».
« Des intellectuels (parlent) avec les ambassades américaines »
« Le concept d'Etat islamique n'est plus à l'ordre du jour », ajoutait Olivier Roy, « sur le long terme, c'est la voie turque qui se profile. » Encore plus accablant au regard du fiasco de la diplomatie française, le paragraphe sur les Etats-Unis :
« Bien des intellectuels nationalistes prennent au Maghreb le chemin du dialogue avec les ambassades américaines. »
La diplomatie française, elle, avait pour consigne de ne pas fréquenter l'opposition. Cette note donne raison aux diplomates anonymes du « groupe Marly » qui s’exprimaient cette semaine dans Le Monde [5].
Elle accable encore un peu plus Michèle Alliot-Marie, qui semblait ignorer début février [6] l'existence, au sein du ministère dont elle avait la charge, du CAP (créé en 1973), déclarant à Munich, en marge d'une conférence stratégique :
« Nous avons besoin d'une vraie capacité d'analyse et d'expertise stratégique au ministère des Affaires étrangères, ce qui n'existait pas. »
MAM : « La fonction prospective de la diplomatie s’était étiolée »
Acculée, la ministre (qui devrait quitter le gouvernement [7] ce dimanche) s'est encore plus embourbée dans son incohérence, ce vendredi dans Le Monde, en réponse au groupe de diplomates contestataires Marly :
« Aujourd'hui, la diplomatie a de nouvelles et passionnantes missions. Son rôle est d'anticiper pour aider à la décision du politique. Sa fonction prospective qui s'était peu à peu étiolée doit redevenir majeure.
Non, en janvier il n'y avait pas dans les notes et télégrammes de quoi anticiper ce qui se passe aujourd'hui dans le monde arabe.
La France n'a pas su comprendre ce qui était en train de se produire. Pas plus qu'aucun autre pays d'ailleurs. Est-ce que cet aveuglement général nous excuse ? Evidemment pas.
Cela nous oblige à réfléchir sur les causes profondes de ce manque de discernement qui ne date pas d'hier. »
Sur ce dernier point, la ministre a raison.
Les chercheurs méprisés ou muselés
Sur le reste, elle se trompe ou elle trompe l'opinion : de nombreux télégrammes diplomatiques avertissaient des signes d'un bouleversement à venir ou du moins des raisons de la colère, même récemment, comme l'a exprimé dernièrement un ancien ambassadeur de France en Tunisie, Yves Aubin de la Messuzière, à la retraite et donc à la parole libérée.
Engoncé dans sa vision politicienne et obsolète, l'exécutif, et en particulier l'Elysée qui prend les décisions du « domaine réservé » de politique étrangère en méprisant les rouages traditionnels de la diplomatie, les a ignorés. Une autre diplomatie, celle des Etats-Unis, avait pressenti le changement, même si elle n'en avait pas prévu l'imminence.
Et ne parlons pas des chercheurs. Ils ne sont pas écoutés, comme cette note le montre. Ils sont aussi muselés, comme ceux du Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales [8] (Cedej) du Caire. Ce qui évite d'entendre un discours accablant pour nos gouvernants.
Augustin Scalbert
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