« Jean Monnet n’avait pas seulement
établi des réseaux en Europe mais surtout aux États-Unis, principalement
dans les milieux financiers et politiques. Grâce à ces contacts, les
États-Unis, fidèles à la « méthode Monnet », ont influencé, voire dirigé
l’intégration européenne. Monnet avait vécu aux États-Unis pendant
plusieurs décennies ; il avait été vice-président d’une grande banque et
avait été lui-même propriétaire d’une banque. Pendant la Seconde Guerre
mondiale, il avait joué un rôle capital dans l’économie de guerre
américaine et il fut l’ami intime du futur Secrétaire d’État américain
John Foster Dulles. En d’autres termes, Monnet fut aussi un instrument
de la politique extérieure des États-Unis. »
20 décembre 2011
On peut lire aujourd’hui d’innombrables
articles dont les auteurs tentent d’expliquer la crise de l’euro.
Cependant, beaucoup de choses restent dans l’ombre. En particulier, on
ne sait toujours pas comment on a pu en arriver là. L’article qui suit
tente de donner une réponse en remontant aux origines, aux sanctuaires
de l’UE, d’après la devise : « back to the roots ». La Suisse, bien que n’appartenant pas à l’UE, y joue un rôle particulier.
Chaque pays a ses sanctuaires et ses
symboles : pour la Suisse, c’est le Grütli et le Pacte fédéral, pour la
France, c’est le Panthéon où des personnalités d’importance nationale
ont trouvé leur dernier repos, etc. L’UE aussi a ses sanctuaires.
Probablement que peu de personnes savent que ces sanctuaires ne se
trouvent pas à Bruxelles, mais dans un pays non membre, la Suisse, où
ils sont bien gardés et protégés. Jean Monnet a sans aucun doute marqué
de façon essentielle l’histoire européenne de l’après-guerre. Il
développa en 1950 l’idée de la Communauté du charbon et de l’acier,
précurseur de la CEE et de la future UE. Les pays d’Europe occidentale
devaient gérer ensemble leur industrie du charbon et de l’acier.
Cependant l’objectif principal poursuivi par Monnet était les « États-Unis d’Europe »
sur le modèle américain. Il élabora ce projet au printemps 1950 en neuf
ébauches qu’il présenta à Robert Schumann, ministre français des
Affaires étrangères de l’époque. Celui-ci en discuta avec son
gouvernement et avec le Chancelier fédéral allemand Adenauer. Au soir du
9 mai 1950, Schumann le rendit public. C’est à peu près ainsi que
comcommença l’histoire de l’actuelle UE. Depuis lors, le 9 mai, on
célèbre dans de nombreux pays la « journée de l’Europe ». En 1952, Jean Monnet fut nommé premier chef de la « Haute Autorité »
de la Communauté du charbon et de l’acier, dont le siège était au
Luxembourg. En 1955 déjà, il quitta ce poste pour poursuivre son
véritable objectif, la création des États-Unis d’Europe. Cette année-là,
il fonda un Comité d’action pour gagner à sa cause de nombreux
représentants des partis politiques et des syndicats des six pays de la
Communauté du charbon et de l’acier. Quelques jours avant la signature
du Traité de Rome, le 15 mars 1957, Jean Monnet vint en Suisse et y
installa un bureau pour son Comité d’action pour les États-unis d’Europe
fondé juste avant à Lausanne. Peu après, on y ajouta un Centre de
documentation.
C’est là que sont déposés tous les
projets et documents fondateurs de la Communauté du charbon et de
l’acier, de la CEE, future Union européenne, avec ses différents
traités.
En 1957, Jean Monnet fonda à Lausanne
une société à laquelle il confia l’administration de son Comité
d’action. La Fondation Ford, aux États-Unis, rendit possible la création
d’un Centre de recherches européennes, et l’université de Lausanne créa
la première chaire Monnet de l’intégration européenne occupée jusqu’aux
années 1990 par son ami intime, le professeur Henri Rieben. A l’heure
actuelle, il existe environ 200 chaires comparables dans les universités
européennes. A Lausanne, d’innombrables étudiants venant de Suisse et
de l’étranger, ont été initiés à « l’esprit Monnet ».
L’un des étudiants les plus célèbres en a été le futur conseiller
fédéral Jean-Pascal Delamuraz qui rapprocha la Suisse de l’UE comme
personne ne l’a fait avant ou après lui. Jean Monnet venait souvent en
Suisse. En 1978, peu avant son décès, il créa la « Fondation Jean Monnet pour l’Europe ».
Le capital important de cette Fondation consiste – outre le grand
nombre de documents d’archives – en un vaste réseau de relations.
Plus de 300 personnalités de toute
l’Europe, dont beaucoup d’hommes politiques et de hauts fonctionnaires,
sont membres du Conseil d’administration de la Fondation. Le président
actuel est l’ancien président du Parlement européen José Maria
Gil-Robles. En font partie aussi des hommes politiques et des
économistes suisses. Le Vice-président est le Suisse Jakob Kellenberger,
qui, en tant que secrétaire d’État, mena les négociations des
Bilatérales I et fut nommé par la suite président de la Croix-Rouge
internationale. L’économiste et journaliste bien connu Stephane Garelli,
qui a été pendant de longues années directeur général du Forum
économique mondial, est membre du Comité directeur. Chaque année, la
Fondation décerne une médaille d’honneur à des personnalités de toute
l’Europe qui se sont investies en faveur de l’objectif de la Fondation,
les « États-Unis d’Europe ». Mentionnons notamment l’ancien Conseiller fédéral Adolf Ogi et l’ancien chancelier fédéral allemand Helmut Kohl.
C’est la présidente de la Confédération
Micheline Calmy-Rey qui a prononcé le discours d’éloge. L’ex-chancelier
fédéral Helmut Schmidt, Jean-Claude Juncker, Jacques Delors et Romano
Prodi figurent aussi parmi les lauréats. Le Centre est financé par la
Confédération helvétique, le canton de Vaud et la Fondation Ford. Des
subsides viennent aussi de Bruxelles. En 2003, le président de la
Commission européenne Romano Prodi, le président de la Confédération
Jean-Pascal Delamuraz, le président du Grand Conseil vaudois et le
président de la Ville de Lausanne signèrent une déclaration commune
exprimant leur volonté de perpétuer la Fondation Jean Monnet pour
l’Europe. Le Centre de la « Ferme de Dorigny » devra être agrandi et son budget sera doublé. Le Saint-Graal de l’Europe à Lausanne doit rester un « lieu de réflexion et de rencontre ». [1]
La « méthode Monnet »
Quiconque s’intéresse à la personnalité
de Jean Monnet se pose des questions. Qu’est-ce qui caractérise la
personnalité et la politique de cet homme qui fut nommé en 1979 premier
« citoyen d’honneur de l’Europe » bien que, en
dehors de ses fonctions dans la Communauté du charbon et de l’acier, il
n’occupa jamais une fonction politique importante telle que ministre ou
président d’un État ? Quel est le secret de l’« esprit Monnet »
qui, sans aucun doute, marqua profondément le cours de l’histoire
européenne ? Pourquoi y a-t-il aujourd’hui, dans les universités
d’Europe (et aussi en Suisse, pays non-adhérent) plus de 200 chaires
Jean Monnet ? Pourquoi sa dépouille repose-t-elle au Panthéon auprès de
génies comme Voltaire et Rousseau ou d’hommes politiques de mérite et de
personnalités de la Résistance comme Jean Moulin ?
Cette question est si importante que les
politologues doivent s’y intéresser. Et ils le font. Dans le présent
article, je me réfère à l’étude « Jean Monnet – Mensch und Methode. Überschätzt und überholt ? » [2]
rédigée par le professeur Wolfgang Wessels, titulaire de la chaire Jean
Monnet de l’université de Cologne. Chez les politologues, le terme de
« méthode Monnet » est une référence. Cette étude
date d’il y a dix ans mais le lecteur d’aujourd’hui a l’impression
qu’elle a été écrite hier. Nous allons en relever les points les plus
importants. Wessels reconnaît l’importance politique de Jean Monnet en
tant que « communiquant par excellence » et « acteur travaillant en coulisse ».
Monnet a agi comme inspirateur d’idées
pour des hauts fonctionnaires, en particulier pour le ministre français
des Affaires étrangères Schumann pendant la phase préparatoire de la
création de la CEE en 1957. Il est considéré comme le créateur et
l’animateur de comités d’action situés au-dessus des partis ainsi que de
réseaux transnationaux comme le « Comité d’action pour les États-Unis d’Europe », qui avait son siège en Suisse et est devenu au cours des années le véritable centre de l’« esprit Monnet ».
Beaucoup d’hommes politiques, en particulier des sociaux-démocrates
allemands, comme Willy Brandt et Helmut Schmidt, ont été initiés ici au
« Saint-Graal » (Wessels) de l’Europe. Sa manière de
travailler était marquée par l’entretien d’un grand réseau d’intenses
contacts personnels.
Il apporta son soutien aux sommets
réguliers du Conseil de l’Europe. Avant tout, il créait et promouvait
des actions concrètes en mettant l’accent sur l’objectif d’une
fédération européenne sur le modèle américain. Il faisait peu de cas des
discussions de « coups de maître » comme le projet d’une Constitution
pour la CE. Il cultivait soigneusement ses réseaux et préparait avec
minutie ses démarches aux divers plans des États. Il n’avait pas la
réputation d’un grand orateur. Sa force résidait dans les entretiens en
tête-à-tête et les discussions en petits groupes. Il ne pensait pas
selon les catégories de l’économie de marché.
Les tenants de l’économie sociale de
marché comme Walter Eucken, Wilhelm Röpke, Ludwig Erhard et Friedrich
August von Hayek ne figuraient pas parmi ses « lectures de chevet ». Ses propositions étaient plutôt « pragmatiques, mais aussi technocratiques et interventionnistes ».
En ce qui concerne les utopies et les visions, il restait consciemment
flou. Son apport aux modèles européens consistait dans sa méthode.
Durant les années où de Gaulle fut président de la République, Monnet
n’eut pratiquement pas d’influence sur la politique car de Gaulle
poursuivait sa vision d’une « Europe des patries ». L’antagonisme entre de Gaulle et Monnet était de notoriété publique. [3]
François Mitterrand, futur président
socialiste, s’efforça de corriger ce manque d’égards. En 1979, il fit
transférer la dépouille de Monnet au Panthéon. Wessels tire la
conclusion suivante : « Vraisemblablement, son héritage
consiste, en plus du Plan Schumann, surtout dans l’établissement et
l’élargissement de ses réseaux. Il a ouvert l’espace politique européen à
de nouveaux acteurs et créé ainsi la base de décisions de plus longue
portée. » Les points principaux de l’étude de Wessels se résument ainsi :
1. « Solidarité dans l’action »
Jean Monnet n’était pas amateur de longues
discussions portant sur des projets de Constitution
ou des déclarations de principes. Il
préférait s’attaquer à des projets concrets
communs qui faisaient avancer le processus
d’intégration, également à des moments
où l’issue en paraissait incertaine. Voici une
citation de Jean Monnet : « L’homme n’accepte
le changement que sous l’empire de la nécessité
». [4]
En d’autres termes : Les crises font partie
de la méthode. Nos politiques diraient : « Il
n’y a pas d’alternative. »
2. Politique des petits pas
Monnet était opposé au transfert de souveraineté
au niveau européen qu’aurait entraîné
un grand projet ou une Constitution. Il préférait
la politique des petits pas. Les compétences
nationales devaient être transférées à
Bruxelles par petites étapes concrètes. Pour
lui, les États-Unis d’Europe, représentaient
le but final d’un processus comprenant une
multitude d’étapes durant de longues années.
Pour Wessels, le choix conscient d’étapes
mena aux agendas appréciés de la politique
de la CEE et de la future UE : « Ce qui commence
à un niveau modeste, interne, avancera
forcément, selon une certaine logique, vers
un but qui n’est pas fixé d’avance ». Wessels
parle d’une « dynamique de développement
inévitable ». […] Ce n’est pas le projet total
institutionnel qui est au premier plan, mais
seulement les étapes qui construisent pas à
pas une fédération. »
3. Instruments économiques servant de
levier.
Jean Monnet utilisait des instruments économiques
comme levier pour avancer politiquement
vers l’intégration. Des projets concrets
de politique économique devinrent ainsi
les instruments stratégiques d’un processus
menant à un système politique qu’il appelle
de façon imprécise une « union toujours plus
étroite ». Wessels admet qu’« une base économique
commune sape de plus en plus le
noyau de souveraineté politique des Etats
nations en faveur d’une évolution vers une
politique inter- et transnationale. » Le profit
économique seul n’est pas décisif pour Monnet ;
il y va du choix fondamental d’une autre
forme de vie communautaire européenne.
4. Décisions d’une élite
Ici, Wessels émet une critique : « Les décisions
prises unanimement par les élites ne sont pas
considérées comme « proches des citoyens ».
Les parlements nationaux et les citoyens
restent à l’écart. Les référendums ne font pas
partie de la méthode Monnet. »
5. L’alliance franco-allemande, cheville
ouvrière de la politique d’unification
Pour Monnet, l’entente franco-allemande est
indispensable. Elle sert de « coups de fouet »
pour les États opposés à l’intégration. D’où
les termes de « noyau dur de l’Europe », de
« centre de gravité », de « groupe de pionniers »,
d’« Europe à deux vitesses », etc.
A l’heure actuelle, Merkel et Sarkozy
prennent pratiquement seuls toutes les décisions
fondamentales de l’UE. Tous les autres,
y compris la plupart des médias, acceptent
tacitement que les institutions de l’UE et les
25 autres Etats membres soient mis sur la touche.
Wessels tire la conclusion suivante : Depuis
le Plan Schumann, la « méthode Monnet » a
été poursuivie avec des variantes et s’est avérée
une formule efficace. « En revanche, des
concepts différents de nature constitutionnelle
(modèles fédéraux ou intergouvernementaux)
ont échoué ».
Ce que Wessels ne dit pas
Wessels montre que l’établissement et l’entretien de réseaux est de la plus haute importance dans la « méthode Monnet ».
Cependant, il ne précise pas que Jean Monnet n’avait pas seulement
établi des réseaux en Europe mais surtout aux États-Unis, principalement
dans les milieux financiers et politiques. Grâce à ces contacts, les
États-Unis, fidèles à la « méthode Monnet », ont
influencé, voire dirigé l’intégration européenne. Monnet avait vécu aux
États-Unis pendant plusieurs décennies ; il avait été vice-président
d’une grande banque et avait été lui-même propriétaire d’une banque.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il avait joué un rôle capital dans
l’économie de guerre américaine et il fut l’ami intime du futur
Secrétaire d’État américain John Foster Dulles. En d’autres termes,
Monnet fut aussi un instrument de la politique extérieure des
États-Unis. Aujourd’hui, les archives de cette époque peuvent être
consultées. Les documents prouvent de façon indubitable que les
États-Unis ont influencé directement, peut-être même dirigé
l’intégration européenne, également par l’intermédiaire de Monnet. En
voici deux exemples suisses. [5]
1. Le 9 septembre 1960, lors de la
Journée des ministres, le délégué aux traités de commerce Weitnauer
prononça un discours sur la question européenne. Il déclara notamment :
« Au début de l’année, les Américains ont fait usage de
leur droit de veto contre la fusion des « Six » (CEE) et des « Sept »
(AELE) dans une zone européenne de libre-échange. » Il parla d’un petit groupe de « managers »
de la pensée européenne déterminés, dont faisait partie Monnet, qui
essayaient d’atteindre leur objectif consistant à créer une nouvelle
puissance en Europe occidentale par le biais des institutions
supranationales de la Communauté. Il dit de façon très claire que les
États-Unis et Monnet avaient fait échec au projet de zone européenne de
libre-échange (CEE et AELE), bien que tous les gouvernements des pays
européens y aient déjà consenti. [6] A l’époque, la diplomatie suisse s’était beaucoup investie en faveur de ce projet.
2. Le 23/7/1963, Paul Jolles, chef du
Bureau de l’Intégration, rapporta au Conseil fédéral suisse, dans un
document hautement confidentiel, son entretien avec le directeur du Policy Planning Board du Département d’État américain sur l’intégration européenne : « Mon
interlocuteur défend sans réserve l’idée américaine bien connue selon
laquelle l’existence d’États nations en Europe est historiquement
dépassée et que l’unification politique semble inévitable si l’Europe
veut continuer à jouer un rôle dans la politique mondiale. De Gaulle est
considéré comme un cas isolé ».
On aurait pu faire autrement
A l’époque, pendant de longues années,
la politique extérieure des États-Unis et Jean Monnet ont, en Europe,
préparé le terrain pour l’avenir de l’intégration européenne. La
coopération des pays aurait pu se développer librement, comme c’est le
cas aujourd’hui pour les pays de l’ASEAN en Asie. Ces pays qui, en
1997/98, se trouvaient en pleine « crise asiatique »,
ont mis de l’ordre dans leurs budgets et leur endettement de façon
autonome sans instruments supranationaux problématiques comme le FESF ou
le MES. L’Europe est dans le pétrin et risque de perdre du terrain dans
la concurrence mondiale. L’« esprit Monnet », souvent évoqué, est devenu un esprit malfaisant.
La « méthode Monnet », une clé pour comprendre la crise actuelle
Comme nous l’avons indiqué ci-dessus,
Wessels a écrit son analyse il y a dix ans. En considérant les
événements des derniers mois et des dernières années, nous constatons
que la « méthode Monnet » est toujours d’actualité.
Et même plus : Elle est la clé permettant de comprendre la politique
passée et présente de l’UE. Qui prend en compte la « méthode Monnet »
comme fil conducteur peut interpréter les événements actuels autour de
l’euro autrement que la plupart des observateurs politiques le font
aujourd’hui. Je voudrais l’expliquer en prenant l’exemple d’Helmut Kohl,
ancien chancelier fédéral allemand. Il a joué un rôle central lors de
la création de la monnaie commune.
On peut être sûr que ses conseillers lui
ont indiqué que cela poserait des problèmes de créer une union
monétaire entre des pays qui étaient aussi différents en ce qui concerne
leurs structures économiques, leurs capacités industrielles, leurs
mentalités et leurs façons de vivre que les 17 pays de la zone euro.
Beaucoup d’économistes ont formulé des mises en garde à l’époque (bien
que la plupart ne l’aient pas fait publiquement). Ceux qui ont
intériorisé la « méthode Monnet », comme l’a fait
vraisemblablement Helmut Kohl, lauréat de la médaille d’honneur de la
Fondation Jean Monnet, n’ont pas reculé. Lui et les autres responsables
de ce projet auront pensé que ce serait certainement très difficile,
mais qu’ils étaient prêts à l’accepter parce que cela les aiderait à
atteindre leur objectif des États-Unis d’Europe. Les inévitables
turbulences politiques nécessiteraient, voire imposeraient d’autres pas
vers l’intégration. Plusieurs politiques auront pensé de même.
L’idée courante aujourd’hui selon
laquelle les responsables d’alors étaient incapables de se rendre compte
des problèmes engendrés par leurs actions n’est pas convaincante.
Aujourd’hui, nous retrouvons quotidiennement la « méthode Monnet »
dans des articles et des discours de politiques. La chancelière
fédérale Merkel et le président de la République Sarkozy déclarent en
permanence que « la solution, c’est plus d’Europe ».
Ils serinent presque quotidiennement à la population qu’il faut
transférer à Bruxelles encore plus de compétences nationales, surtout
dans le secteur budgétaire (ce qui mènera forcément à une union
politique).
Au Congrès du parti social-démocrate,
Helmut Schmidt, dans un discours très remarqué, s’est fait le chantre de
l’Union européenne et a appelé à d’autres pas vers l’intégration
européenne. « Les discours sur la crise de l’euro ne sont que du verbiage ».
Il n’y a pas d’autre solution que l’endettement commun des pays de la
zone euro. Schmidt est lui aussi lauréat de la Fondation Jean Monnet.
L’actuel président de celle-ci, José Maria Gil-Robles, ancien président
du Parlement européen, a déclaré récemment dans un entretien : « Jean
Monnet, un des bâtisseurs de l’Europe unie, a conçu une méthode simple,
valable encore aujourd’hui : effectuer des réalisations concrètes qui
créent des solidarités de fait. […] La crise grecque a réveillé les
Européens qui ont pris des mesures de solidarité sans précédent dans
l’intérêt général. […] Il importe de placer le pouvoir décisionnel réel
où il peut s’exercer le plus efficacement. »
Il invite à aller de l’avant car les « nationalistes »,
comme il appelle les avocats d’une coopération libre de nations
souveraines, ne disposent pas de plus de 20% des voix dans les
parlements. (www.jean-monnet.ch) •
Werner Wüthrich, docteur ès sciences politiques, Zurich
n°50 de l’hebdomadaire zurichois "Horizons & Débats", 19 décembre 2011.
n°50 de l’hebdomadaire zurichois "Horizons & Débats", 19 décembre 2011.
Source :
Horizons et debats, hebdomadaire suisse, numéro 50
http://www.horizons-et-debats.ch/index.php ?id=3035
Horizons et debats, hebdomadaire suisse, numéro 50
http://www.horizons-et-debats.ch/index.php ?id=3035
(Un second article sur le sujet sera consacré au
conseiller fédéral suisse Hans Schaffner. On l’appelle souvent le père
de l’AELE. Il faisait partie de ces hommes politiques qui avaient une
autre vision de l’intégration européenne que Jean Monnet et qui se sont
pleinement investis. Il voyait l’avenir de l’Europe dans une union libre
d’États souverains.)
[1] Cf. www.jean-monnet.ch et Martin Arnold, Urs Fitze, Steffen Klatt, Mitten drin – aussen vor, Die Schweiz und Europa, 2007.
[2] Wolfgang Wessels, Jean Monnet – Mensch und Methode. Überschätzt und überholt ? Institut für höhere Studien, Vienne, mai 2001.
[3]
Pendant la Seconde Guerre mondiale, de Gaulle avait intégré Monnet dans
son gouvernement provisoire à Alger. Après la guerre, il le nomma
commissaire au Plan, un poste important. Quand, en 1958, de Gaulle
devint président de la République et qu’il réalisa la vision d’une
« Europe des patries », leurs relations se refroidirent. Cf. également
« Jean Monnet, envoyé spécial du président Roosevelt », Horizons et
débats no 25 du 27/6/11.
[4] Eric Roussel, Jean Monnet, Paris, 1996, p. 68, ISBN 978-2-213-03153-8
[5] Documents diplomatiques de la Suisse (dodis.ch).
[6] Cf. également le message du Conseil fédéral sur la participation de la Suisse à l’AELE.
Toutes les versions de cet article :
- Die Methode Monnet als Schlüssel zum Verständnis der Euro-Krise
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