miercuri, 7 septembrie 2011

Boris Souvarine. Zile sumbre (1932)

Vă rog să citiți acest text selectat de mine, în speranța că vă poate interesa. Este, cum se vede și din titlul textului antologat, un articol scris în 1932, publicat de Boris Souvarine în revista La Critique Sociale. Cine este acest Boris Souvarine? Pe numele adevărat Boris Lifschitz, născut la Kiev în 1895, mort la Paris în 1984,evreu ucrainean de orgine, a fost muncitor, ziarist, istoriograf și eseist. Militanc comunist, principal animator al Comitetului Internaționale a III-a, între 1920 și 1930, el devine un critic al stalinismului și publică o primă biografie a lui Stalin în 1935. Este membru fondator, la Paris, al Cercului comunist democratic și redactor al revistei acestui cerc, La Critique Sociale. Articolul descrie o criză de acum 80 de ani.
Cu prietenie, Dan Culcer

LCS 06a : Sombres jours
Boris SOUVARINE - N° 6 Septembre 1932 / pp. 241 - 242
11 février 2011 par julien
Il n’est plus question dans la presse mondiale que de catastrophes, de désastres et de cataclysmes. La crise économique déjoue tous les calculs, ses répercussions politiques et sociales ne confirment aucun récent pronostic. On ne peut désormais compter les krachs ni évaluer l’ampleur des banqueroutes accumulées. Le marasme atteint son comble dans la production et les échanges, en dépit des efforts du capital des monopoles pour le maîtriser. La statistique du chômage se traduit en chiffres astronomiques, à multiplier par dix pour avoir une idée approximative de la réalité. Les professionnels de l’optimisme sont à court de latin. Il devient de bon ton d’annoncer chaque jour la perdition du régime capitaliste, sans d’ailleurs rien voir au delà. Parler seulement de déclin passe déjà pour de l’opportunisme. Réserve faite de certains fossoyeurs attitrés de la bourgeoisie qui ne creusent que leur propre tombeau et dont le verbiage n’intéresse personne, les plus acharnés à prophétiser aujourd’hui la ruine finale se recrutent parmi les zélateurs d’hier du salariat américain considéré comme panacée universelle. Les derniers tenants intellectuels du capitalisme semblent réduits à la force d’inertie, laquelle n’est pas négligeable ; toute leur sagesse consiste à espérer un remède de l’excès du mal et à soutenir que la crise ayant eu un commencement, elle doit aussi avoir une fin. En attendant, nul n’est capable d’avancer une prévision sérieuse sur le plus proche avenir.
Ainsi, la civilisation bourgeoise survit à sa nécessité historique et à son rôle civilisateur. Elle tend à durer exclusivement pour l’exploitation et par l’oppression, au prix d’indicibles souffrances humaines et aux dépens d’une masse innombrable de victimes. S’il est vrai qu’« une société ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir », selon le saisissant raccourci de Marx, il est non moins certain dans la relativité des certitudes que la transition d’une société caduque à un monde nouveau exige l’intervention consciente et volontaire des classes directement intéressées au changement de régime. Or, cette conscience et cette volonté conjuguées n’existent nulle part au degré nécessaire. La multitude des exploités et des opprimés dont les intérêts s’incarnent dans des groupements politiques antagonistes et des associations corporatives rivales reste passive, désorientée, résignée. Et malgré des conditions objectives les plus favorables à la révolution socialiste, jamais le programme révolutionnaire n’a paru plus abstrait, de par la carence des partis de révolution.
L’impuissance du capitalisme à assurer un minimum de bien-être et de sécurité à l’ensemble des travailleurs n’a d’égale que l’impuissance respective des mouvements nommés par habitude socialiste et communiste à démontrer leur mouvement en marchant et à faire un de ces pas en avant qui valent mieux qu’une douzaine de programmes. L’Internationale réformiste est stérile en réformes, l’Internationale révolutionnaire incapable de révolution, et rien ne permet d’espérer leur régénération future. Au contraire, les signes se multiplient d’une dégénérescence incurable.
Il ne s’agit pas là de phénomènes fortuits ou épisodiques : toute une époque s’en trouve profondément caractérisée. La division du prolétariat en deux Internationales concurrentes n’est pas la cause de cet état de choses mais une conséquence, d’origine bien connue. L’unité politique ne sera jamais possible entre organisations inspirées d’intérêts incompatibles, alors que l’une et l’autre Internationales sont aux mains d’une bureaucratie professionnelle ayant des intérêts distincts de ceux de la classe ouvrière. Entre meneurs et suiveurs, la solidarité s’avère assez forte pour résister aux manœuvres réciproques visant à les dissocier : il faudrait l’équivalent d’un 4 août 1914 ou d’un 7 novembre 1917 pour l’ébranler. Rien ne sert donc de se payer de mots et d’attendre de mouvements corrompus et abâtardis le salut.
L’honnête constatation des faits n’implique pas nécessairement de s’y soumettre. Elle est par contre indispensable à qui ne désespère pas de les changer. À certaine échelle historique, il n’y a pas d’issue fatale, mais dans les limites d’une perspective restreinte, il est des solutions prédéterminées. L’avenir imminent ne peut réserver que des défaites à un prolétariat assez inconscient pour servir aveuglément de matière première électorale à l’Internationale ci-devant socialiste ou de chair à mitrailleuses à l’Internationale ci-devant communiste. Cependant, les générations se succèdent et ne se ressemblent pas. L’adversité instruira l’élite des survivants et la descendance des vaincus. L’évolution organique du monde capitaliste s’accomplit au grand jour dans le sens inéluctable du socialisme. Et à moins d’une irrémédiable décadence de l’humanité dans la misère et sous le poids des guerres futures, analogue au déclin des civilisations antiques, l’heure viendra d’un nouveau parti révolutionnaire, d’une nouvelle Internationale socialiste ou communiste.
Mais un parti ne saurait être une création artificielle, le pur produit de l’esprit. La démonstration en a été faite une fois de plus par la prompte déchéance de la IIIe Internationale, née avant terme sous l’influence de Lénine. L’initiative des précurseurs ne vivra que dans la mesure où s’y refléterait un mouvement réel spontanément élaboré dans la masse. Cela ne commande pas de rester sur l’expectative dans l’attente d’une renaissance naturelle de la pensée et de l’action révolutionnaires. Toute grande œuvre collective a ses pionniers qui n’ont pas besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. Il importe de travailler sans trêve à préparer des jours meilleurs au prolétariat en détresse : c’est ce que font plus ou moins consciemment les cercles et groupes constitués hors des deux Internationales et qui le feront avec plus d’efficacité s’ils renoncent à se griser de paroles et savent regarder la réalité en face.
Cette réalité d’aujourd’hui n’offre aux marxistes conséquents que de sombres perspectives immédiates de labeur ingrat et d’isolement pénible. Rien ne servirait de se tromper soi-même, ni d’idéaliser les obstacles. Pas plus que les classes dominantes, les peuples subjugués n’ont pu se libérer en quinze ans des effets de la dernière guerre. Mais les Internationales périmées connaîtront des secousses ouvrant brusquement des perspectives nouvelles. Ni l’une, ni l’autre ne sont aptes à assumer les responsabilités que l’histoire leur assigne et chacune à sa manière se voue à la faillite définitive. L’Allemagne, où se résument au mieux les insolubles contradictions de la société contemporaine, montre comment leurs voies différentes conduisent à la même paralysie devant la pire réaction à l’heure décisive. Partout ailleurs, sous les aspects originaux des particularités nationales, la tournure des événements se dessine dans un sens identique. L’ère n’est donc pas révolue des ruptures, des scissions et des regroupements.
L’Internationale socialiste, peu à peu adaptée et parfois incorporée aux États bourgeois, perdra toute attraction sur la jeune génération révoltée. L’Internationale communiste, instrument de l’État soviétique, devra disparaître avec la fin de l’actuelle dictature bureaucratico-terroriste ou se réformer en toute indépendance. Les leçons de l’expérience ne seront pas perdues pour tous. Après les années de stagnation apparente viendra l’étape du rassemblement des forces dispersées et du retour offensif de la révolution en marche. Pour l’instant, l’essentiel est de dire la vérité, quoi qu’il en coûte, et de prendre conscience des défaites du présent pour préparer les revanches de l’avenir.
Boris Souvarine.

Niciun comentariu: