Le principe de majorité : nature et limites
par Pasquale Pasquino [14-12-2010]
Domaine(s) : Politique Mots-clés : décision | constitution | théorie politique
Les cours constitutionnelles prennent dans nos vies une place de plus en plus importante. Mais quelle est leur légitimité ? Pasquale Pasquino montre que la théorie politique ne peut ignorer l’existence de ces nouveaux corps, pas plus qu’elle ne peut ignorer les limites des décisions de la majorité.
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L’existence de Cours constitutionnelles dans la plupart des pays d’Europe représente depuis la Deuxième Guerre mondiale le démenti le plus évident d’une « fixation » [1] sur le moment électoral, qui nous est présenté comme la clef de voûte unique et ultime de la légitimité des gouvernants dans nos systèmes politiques.
Voilà donc une description très simplifiée du gouvernement parlementaire anglais d’aujourd’hui ou de la Troisième et Quatrième République françaises. Malheureusement, cette doctrine ne décrit qu’une partie de la réalité institutionnelle qui caractérise des pays tels que les États-Unis, l’Allemagne, l’Italie, l’Inde, l’Afrique du Sud ou la France, dans ce dernier cas depuis les années 1970. Cette doctrine maintenant classique de la démocratie des modernes est très partielle du point de vue descriptif, tout d’abord, mais aussi du point de vue normatif – ce qui est plus gênant pour la philosophie politique, y compris pour la plus remarquable de toutes sur notre continent, celle de Jürgen Habermas.
Cette description, axée sur la légitimité électorale, est partielle du point de vue descriptif, sur lequel je vais me concentrer ici ; car, en pratique, les lois approuvées par les Parlements élus par les citoyens, avant (comme en France jusqu’en 2010) ou après leur promulgation, peuvent être cassées, entièrement ou en partie, ou peuvent être interprétées et donc modifiées par des organes juridictionnels qui ne sont ni élus par les citoyens ni responsables devant le suffrage.
Cette réalité ne cesse de scandaliser certains juristes, sans doute très attachés à la doctrine de la démocratie de Kelsen, qui est paradoxalement l’inventeur en Europe du contrôle juridictionnel de constitutionnalité [2]. Elle n’a pas fait l’objet d’une analyse adéquate et satisfaisante, en tout cas pas dans la théorie politique [3]. Elle semble, en outre, résister aux enquêtes sur les métamorphoses du système représentatif (alias démocratie), car l’existence des cours constitutionnelles échappe au principe de la responsabilité électorale, seul élément démocratique de ce « régime mixte », comme on appelle de plus en plus souvent le gouvernement représentatif.
La mixité décrite ici a une nature et une structure tout à fait différente. Un régime est mixte, d’après Thomas d’Aquin, si une partie de la cité (les citoyens ou les sujets) choisit, aux moyens d’élections, l’élément aristocratique (un sénat) et l’élément monarchique (le roi) du système. Les élections deviennent ici l’élément démocratique du régime, lequel est relié aux élections à condition que les sénateurs aussi bien que le roi soient choisis par tous les citoyens parmi eux, sans exclusion ni prérogatives spéciales. J’attire l’attention sur ce point car les élections étaient considérées dans la doctrine classique comme un mécanisme aristocratique de sélection des gouvernants. Il faut remarquer aussi que le système que Thomas prônait au XIIIe siècle ressemble beaucoup à celui que pratiquent les Américains depuis le début, et les Français depuis 1962 et qu’ils appellent démocratie tout court – et que dans le langage de Thomas on appellerait politie ou régime mixte (politie est le calque choisi par Guillaume de Moerbeke pour traduire en latin le terme aristotélicien de politeia).
Dans ces régimes mixtes que sont nos systèmes représentatifs, on ne peut plus éviter de se demander pourquoi, comment et d’où vient la légitimité des Cours ou Conseils constitutionnels, qui peuvent dire le droit et l’imposer à la volonté des majorités élues.
Or, avant d’étudier ce qui ne va pas dans la règle de majorité – ce qui fait qu’on ne peut plus dire que « nous avons juridiquement raison car nous sommes politiquement majoritaires » – et avant de voir ce qui ne va pas dans ce principe qui relie élections et majorité (la décision de la majorité est bonne ou en tout cas doit être obéie car c’est la majorité d’une assemblée élue et responsable devant le suffrage), il faut se demander d’où vient cette idée et pourquoi on y tient tant.
C’est donc à cette question de la règle de majorité, à ses propriétés et à ses limites d’application que je consacre l’essentiel de cet essai. Il s’agit, en d’autres termes, de montrer les limites intrinsèques de la démocratie majoritaire, une tâche que Ronald Dworkin a mise sur le métier il y a quelques années (dans son Freedom’s Law) sans être allé très loin dans son projet.
Il faut distinguer pour commencer ces deux questions qu’on a tendance à confondre : celle de la règle de majorité en tant que principe de décision collective et celle de son rapport à la démocratie. Remarquons que cette distinction est gommée, non dans la théorie politique d’Aristote, mais dans la pratique institutionnelle de la démocratie athénienne. Dans ses institutions publiques les plus importantes, la règle de majorité était systématiquement appliquée. Aussi bien dans l’ekklesia (l’assemblée des citoyens) que dans les dikasteria (les cours formées d’un grand nombre de jurés populaires tirés au sort avant chaque procès), on pratiquait comme règle de décision le vote à la majorité absolue. Il faut noter par ailleurs que les techniques de vote utilisées dans ces deux institutions étaient tout à fait distinctes [4]. Dans l’ekklesia, on utilisait la cheirotonia, le vote public à main levée, dont le résultat, étant donné le nombre des membres de l’assemblée (6000 personnes à peu près), n’était pas compté mais jaugé par dix officiers publics, les proèdres. En revanche le vote se faisait dans les cours populaires par pséphophoria, c’est-à-dire en plaçant, sans être vu, des petits disques de bronze dans une machine, que décrit Aristote dans sa Constitution des Athéniens, et qui donnait le résultat numériquement exact de la votation. Ce résultat crucial était maintenu secret. Pour conclure sur ce point, le principe qui justifiait la règle de majorité à Athènes est certainement en relation avec l’idée d’égalité – en grec les concepts d’isegoria et d’isonomia, à savoir l’égal droit pour les citoyens de faire des propositions à l’assemblée et de participer sous différentes formes au gouvernement de la cité.
Dans les démocraties modernes, en revanche, le principe de majorité est utilisé normalement dans un double contexte. Il est utilisé dans les assemblées représentatives, en tant que règle de décision (sauf s’il existe un veto de l’exécutif qui peut arrêter la volonté majoritaire, comme aux États-Unis), mais aussi dans l’algorithme électoral (la règle arithmétique qui transforme le grand nombre de bulletins de voix en un nombre réduit de sièges à pourvoir). Or, une loi électorale se définit exactement ainsi. C’est un mécanisme de transformation de nombres en nombres. Dans ce dernier cas, il s’agit en fait d’une règle d’autorisation, d’un mécanisme de choix des gouvernants qu’il faut analyser par opposition à d’autres mécanismes du même type tels que concours publics, tirage au sort etc. On ne peut prétendre que, par le vote, les citoyens choisissent des politiques et ce pour deux raisons. Tout d’abord, toute constitution libérale-démocratique interdit les mandats impératifs. En outre, la science politique ne dispose pas d’une doctrine claire expliquant pourquoi les électeurs choisissent les candidats et les partis pour lesquels ils votent. En somme, il serait abusif de voir dans les élections compétitives, qui caractérisent nos systèmes politiques, l’équivalent d’un referendum populaire où les électeurs sont interrogés sur une question spécifique. Les élections sont surtout une forme d’autorisation « d’en bas » qui caractérise les régimes politiques dans lesquels les gouvernants n’ont pas une autorité sui juris, ce qui est, par contre, le propre des monarchies et des gouvernements aristocratiques.
On ne peut pas confondre l’autorisation avec la règle de décision majoritaire qui, en tant que telle, est sans rapport avec la démocratie des anciens ni avec celle des modernes. Cette règle de décision – celle de la majorité simple ou absolue – peut être adoptée par n’importe quel groupe d’individus, même très restreint, pour prendre une décision qui lie le groupe tout entier. Une oligarchie peut tout à fait utiliser la règle de majorité pour prendre des décisions politiques. La Cour suprême américaine décide, comme toute cour fédérale collégiale américaine, à la majorité simple. Cela n’en fait pas un organe démocratique.
Il ne faut par conséquent pas faire l’amalgame entre le principe de majorité en tant que règle de décision collective et la démocratie comme forme de gouvernement ou en tout cas comme composante du régime mixte aristo-démocratique qu’est la démocratie des modernes.
On peut par conséquent se demander ce qui justifie le principe de majorité en tant que mécanisme de prise de décision, que ce soit dans une aristocratie ou à la Cour suprême américaine, ou encore dans le système de vote d’un parlement. La thèse de Pufendorf aussi bien que les travaux de Edoardo Ruffini vont dans la même direction : cela se justifie par une forme spécifique de l’égalité, qui n’implique en elle-même ni l’égalité économique ni celle des opportunités [5]. Elle est en rapport avec l’isonomie athénienne déjà mentionnée : cette égalité consiste dans l’égal poids des décideurs lors de la décision collective. Si l’on vote et qu’on utilise le principe de majorité pour compter les voix, on fait peser de manière égale les préférences ou les opinions de chacun dans l’agrégation de celles-ci. Bonnes ou mauvaises, réfléchies ou irrationnelles, quelles qu’elles soient, ces préférences ont un poids égal. Différentes à maints égards, ces préférences perdent donc, grâce au principe de majorité, toute qualité et ne retiennent que la plus abstraite : l’impact égal sur la décision finale, qui s’imposera à tous. Les membres du corps décideur, tout en n’étant pas équivalents entre eux à plusieurs égards, décident que leurs volontés, choix ou préférences seront comptés comme ayant la même valeur, ou, comme je viens de le dire, qu’elles auront dans le décompte un poids égal. Il s’agit de ce que Sieyès appelait le caractère métaphysique de l’égalité et ce à quoi s’opposait John Stuart Mill, qui, quant à lui, voulait attribuer deux voix à chacun des membres de l’élite intellectuelle de son pays. L’isonomie des modernes se traduit donc en réalité par une « isobarie » – un égal poids des décideurs sur le choix collectif.
Commençons par énumérer les règles possibles pour la décision collective. Sans prétention d’exhaustivité, nous pouvons considérer l’acclamation, le vote, et dans ce cas les principes alternatifs de la sanior pars, de major pars, l’unanimité, la pluralité, et le consensus (je reviendrai sur ce dernier et sur ses formes). Le vote et l’acclamation sont deux mécanismes d’agrégation des préférences : le premier est numérique, le second est sonore. Dans le deuxième cas, l’acclamation, on peut prendre en compte aussi l’intensité des préférences : cent personnes qui ont une préférence intense comptent plus, font plus de bruit, que deux cents dont les préférences sont faibles. Le vote égal ne peut jamais tenir compte de cette intensité [6]. Il modère et aplatit, si je puis dire, l’impact des préférences qui sont de la sorte encore une fois égalisées.
Dans le cas du vote, on peut choisir en principe entre plusieurs règles d’agrégation, de l’unanimité à la pluralité (la minorité la plus grande l’emporte – comme c’est le cas dans nos « triangulaires » et dans le système électoral majoritaire anglais – first-pass-the-post) [7]. Le principe de la sanior pars en revanche sélectionne avant le vote un certain nombre d’individus dans le groupe et ce plus petit groupe est défini a priori comme étant capable par ses qualités d’imposer au groupe tout entier sa décision – partie supposée être la meilleure grâce aux qualités intrinsèques de ces décideurs spéciaux (sagesse, âge, culture, position hiérarchique, etc.).
L’unanimité a, quant à elle, des effets de blocage, mais observons qu’elle peut être utilisée dans le cas où le nombre de décideurs est très réduit. Par exemple, aux États-Unis, une proposition de loi est approuvée seulement si elle trouve l’accord unanime des deux Chambres du Congrès et du Président [8] – c’était aussi le cas du King in Parliament dans l’ancienne constitution anglaise. Ici, le principe unanimiste a la fonction classique d’éviter des décisions précipitées et motivées par la passion et/ou l’émotion. Certes, au fur et à mesure que le nombre de décideurs se multiplie, l’effet de blocage explose, pour ainsi dire, et conduit à l’impossibilité de décider autre chose que le maintien du statu quo. Car le principe d’unanimité attribue à chaque membre du groupe un droit de veto sur la décision. Or, depuis Montesquieu, on s’est souvent demandé si le pouvoir de faire est la même chose que le droit/pouvoir d’empêcher – question qui reviendra au cœur des débats en 1789 sur la sanction royale. Reste que le principe d’unanimité, à l’exclusion des tout petits groupes de décideurs, est plutôt une règle pour empêcher qu’une règle pour faire.
Une forme faible d’unanimité ou une forme spéciale de majorité est la règle de la majorité qualifiée, qui nous intéresse au premier chef car elle préside aux décisions sans doute les plus importantes dans toute démocratie constitutionnelle : celles qui consistent à modifier une « constitution rigide ». Tous les pays du monde, à quelques exceptions près (la seule importante étant le Royaume-Uni), ont aujourd’hui des constitutions rigides ; à savoir des constitutions qui ne peuvent pas être modifiées par la majorité simple des représentants élus. C’est dans ce sens qu’on peut dire que le premier mécanisme anti-majoritaire de nos systèmes politiques réside dans les constitutions rigides elles-mêmes.
Il s’agit manifestement d’un problème capital qui a pourtant rarement fait l’objet d’une réflexion politique explicite. D’où vient cette idée de limiter de manière drastique le pouvoir des majorités élues et responsables devant le suffrage ? Une réponse articulée et un tant soit peu satisfaisante demanderait un très long argument. Mais on peut sans doute s’approcher d’une première réponse en réfléchissant à une limitation importante du principe de majorité. Si la décision majoritaire doit s’imposer à tous les membres du groupe, il semble légitime que la majorité ne puisse pas décider de tout et sur tout. Si la majorité qui décide du taux d’imposition, de la politique internationale, des politiques sociales, etc., pouvait également décider de mes croyances, de mes préférences politiques, religieuses, morales, sexuelles, la règle de majorité serait purement et simplement un pacte suicidaire. Un choix qui ne me rend pas simplement égal à tous les autres, mais un être sans qualités, sans personnalité, sans nom, en butte à la volonté somme toute arbitraire d’un certain nombre d’autres individus qui peuvent décider de tout. En fait, depuis Hobbes, et malgré Rousseau, la théorie moderne de l’État de type libéral a fait valoir et défendu l’idée qu’il ne peut pas y avoir d’aliénation totale à la base du pacte social. Le droit à la vie est pour Hobbes non seulement inaliénable, aussi bien que la vente de soi-même dans un contrat d’esclavage, mais la garantie de ce droit à la vie est le but même de l’État et le fondement de sa légitimité : sans protection de la vie, pas d’obéissance au pouvoir politique. Le souverain démocratique, la majorité simple, ne pourrait pas sans contradiction être plus puissant que le souverain absolu. Un certain nombre de choix sont ainsi soustraits à la décision majoritaire, et bloqués, pour ainsi dire, par la constitution rigide.
La règle super-majoritaire représente une première garantie contre le pacte suicidaire de l’aliénation totale en faveur de la majorité. Plus exactement cette dernière – la règle de majorité qualifiée – soustrait à la majorité simple le pouvoir de transformer le système des institutions publiques en une machine au service de la majorité elle-même, l’empêche d’abolir la séparation des pouvoirs, et essaie de défendre l’idée que la constitution est un bien commun et non une propriété de ceux qui ont gagné les élections et qui sont destinés un jour, par le principe démocratique de l’alternance, à se retrouver dans l’opposition. En somme, si la constitution est la règle de tous, elle ne peut pas être à la disposition d’une partie. On peut objecter que les constitutions étant le produit d’une partie de la société, on pourrait se demander pourquoi une partie ne pourrait pas les modifier. Mais, si c’était le cas – et c’est en fait le cas parfois – le texte qu’on appelle constitution ne serait pas ce qu’on entend par ce mot dans la culture libérale. Il correspondrait davantage à une tentative d’une partie de la société de gouverner avec « un coup de constitution ». Cela conduit inévitablement à l’instabilité du système institutionnel – on peut penser à l’Amérique Latine où la partie qui d’une manière ou d’une autre remporte les élections convoque normalement une nouvelle assemblée constituante. Il s’agit d’une autre manière de dire que, dans ces pays, il n’y a pas de constitution, mais une tentative répétée de congeler sous la forme de la constitution rigide le programme politique partisan des vainqueurs, qui sera à son tour renversé et remplacé par une autre constitution partisane au prochain changement (pacifique ou violent) de l’élite gouvernante.
Mais au delà de la majorité qualifiée qui doit protéger les règles communes de l’art de gouverner, une deuxième ligne de défense doit être bâtie contre la possible tyrannie des majorités, pour emprunter ce terme aux libéraux.
Si l’on établit, comme on le fait dans toute constitution, une liste des droits inviolables, l’équivalent du jus sese praeservandi (le droit à la vie) dont parlait Thomas Hobbes, il est inévitable que naissent des conflits entre le gouvernement et les citoyens concernant le contenu de ces droits – d’autant plus que le contenu de droits tels que la liberté et l’égalité n’est pas sans équivoque. Qui sera juge de ces conflits entre les droits des citoyens et le gouvernement ? Si c’est le gouvernement, celui-ci devient partie et juge dans le même procès ; si, par contre, c’est le citoyen, on se retrouve dans le contexte analysé tout à l’heure, concernant l’unanimité, dans lequel chaque individu aurait un droit de veto sur les décisions de la majorité, ce qui aboutirait soit au blocage soit à l’anarchie. On connaît la réponse qui s’est imposée notamment depuis la Deuxième Guerre mondiale et dans les pays qui avaient expérimenté la défaite de la démocratie parlementaire et les régimes totalitaires : une cour de justice juge les conflits d’interprétation entre les citoyens et le gouvernement concernant les droits protégés de ces derniers. Le cas français est assez spécial, car la cour – le Conseil Constitutionnel, jusqu’en mars 2010 – a la tâche difficile d’anticiper les conséquences anticonstitutionnelles des lois votées par le Parlement avant leur promulgation. Mais, de manière plus générale, dans des pays comme l’Allemagne, les États-Unis, l’Espagne, et maintenant la France, la possibilité est offerte aux citoyens en tant que justiciables de s’adresser à la Cour constitutionnelle pour que leurs droits constitutionnellement protégés soient garantis face au pouvoir des majorités élues.
Depuis quelque temps, sans doute à cause du dysfonctionnement de la Cour Suprême américaine, est apparu aux États-Unis un courant de pensée, représenté par des auteurs aussi différents les uns des autres que Larry Kramer, Mark Tushnet et Jeremy Waldron (on peut penser aussi à Michel Troper en France), qui remettent en question la légitimité des organes de contrôle de constitutionnalité. Je ne puis étudier ici ces auteurs, mais il est évident qu’ils semblent partager cette fixation autour de la légitimité électorale dont parle Pierre Rosanvallon dans son dernier livre. Il se trouve que nos États de droit constitutionnels (vulgo démocraties) sont des régimes mixtes dans un sens autre que celui d’Aristote. La légitimité à gouverner vient d’une autorisation venant d’en bas – les élections répétées. Mais, dans tout gouvernement limité, le pouvoir du souverain, c’est-à-dire la majorité élue, doit être soumis à une série de contrôles qui ne peuvent pas se réduire aux élections organisées tous les quatre ou cinq ans. Les Cours constitutionnelles représentent l’une des formes les plus importantes de ce contrôle et du mécanisme de modération que le gouvernement limité est supposé introduire dans la machine du gouvernement des vivants. D’ou vient donc leur légitimité ? De la nature même du gouvernement modéré, mais aussi de leur position de juge tiers et indépendant vis-à-vis des parties en conflit : les citoyens et la majorité (présente ou passée – cela dépend du mécanisme de la saisine). Certes, on peut objecter que les Cours tendent aussi à augmenter leur pouvoir. Mais en principe la seule manière d’asseoir celui-ci est de protéger avec plus de vigueur les droits des citoyens et de se montrer impartiales.
S’il est normal que tous les citoyens participent également à la confection de la loi car tous doivent obéir à celle-ci, il faut rappeler qu’aucun système dit démocratique ne s’en est jamais tenu à une pure conception épistémique de la démocratie qui prétend que la règle de majorité a la propriété miraculeuse de découvrir la vérité, la sagesse ou la justice. Les Athéniens, à la suite de la défaite de l’expédition militaire en Sicile et après les coups d’État oligarchiques qui s’ensuivirent à la fin du Ve siècle, réorganisèrent leur système institutionnel en introduisant la graphé paranomom – la possibilité pour une cour de justice de casser une décision de l’assemblée. Dans les États de droit constitutionnels, la demande la plus importante des citoyens consiste de plus en plus à exiger la protection de leurs droits, qu’aucune majorité politique ne peut définir ou écourter à loisir.
Dans le cas de la Cour constitutionnelle italienne, que je connais mieux et qui me paraît un bon modèle du point de vue normatif, le processus décisionnel est consensuel et non majoritaire. Ce qui me permet pour finir de dire un mot sur cette modalité de prise de décision – le consensus – que j’ai évoquée sans en parler et qui commence à intéresser ceux qui travaillent sur les décisions collectives [9]. Il faut distinguer deux types de décisions, portant sur des questions micro- ou macro-constitutionnelles. Dans le premier cas, le juge rapporteur présente à la suite d’une première discussion un projet d’arrêt. S’il n’y a pas d’objection ou si l’un des juges suggère des petits amendements, le texte est amendé et approuvé sans vote. Ici, il s’agit d’un consensus par absence d’opposition. Dans le cas de décisions macro-constitutionnelles, le processus délibératif est beaucoup plus complexe. Après une première discussion dans laquelle chaque juge prend la parole et présente ses arguments, le rapporteur rédige un projet. Celui-ci est assez vraisemblablement objet de désaccord parmi les juges. À ce moment-là s’engage une discussion guidée par le président qui a tendance à rapprocher les positions et à encourager les compromis. Il est possible que le désaccord subsiste malgré les débats. La décision par consensus implique alors que la position à adopter, notamment par un collège qui doit parler avec une seule voix en l’absence d’opinions dissidentes, ne sera pas celle de la majorité, mais la position la plus partagée par les membres de la cour. En d’autres termes, la majorité n’a pas le droit (et en tout cas devrait éviter) d’imposer sa volonté ; les juges doivent plutôt arriver à une position qui peut être partagée par le plus grand nombre possible d’entre eux.
Ces notes ne prétendent pas offrir une conclusion ; elles ne sont qu’une incitation à repenser la démocratie constitutionnelle à la lumière des développements plus récents. La théorie se lève au soir comme l’oiseau de Minerve ; la théorie politique ne peut pas ignorer l’existence de ces nouveaux « corps intermédiaires ». Ils existent désormais dans la quasi-totalité de nos systèmes politiques sous la forme de cours de justice qui ont la tâche de juger les conflits qui opposent entre eux les organes de l’État et les citoyens à leurs gouvernements.
La conception moderne de l’État depuis Hobbes et Locke a fondé l’obligation politique d’obéir au gouvernement sur la capacité de celui-ci à protéger nos droits. Le nouveau contrat social demande l’existence d’un juge indépendant, vis-à-vis des citoyens et des gouvernants, auquel chaque justiciable puisse s’adresser pour demander protection de ses droits. Sans la possibilité de ce recours, toute obéissance au pouvoir élu se transforme en une pure et simple abdication de nos droits fondamentaux. Le pouvoir constituant en France vient, d’ailleurs, de le reconnaitre par la réforme constitutionnelle de l’article 61.
par Pasquale Pasquino [14-12-2010]Partialité de la démocratie des modernes
L’analyse des théories du système représentatif moderne (que l’on a fini par appeler au XXe siècle « démocratie »), que ce soit celle de Hans Kelsen ou celle de Joseph Schumpeter, nous permet de dire, en simplifiant un peu, que ce que l’on a convenu d’appeler la démocratie des modernes consiste en ceci : les citoyens choisissent lors d’élections compétitives et répétées des représentants qui font des lois auxquelles ces mêmes citoyens doivent obéir. Les citoyens électeurs peuvent renvoyer ces représentants aux prochaines élections. C’est pour cela qu’on dit que ces derniers sont accountable, ou « politiquement responsables devant le suffrage », et ainsi de suite, d’élection en élection. C’est à peu près ce qu’écrivait l’abbé Sieyès au début de la Révolution française. À une importante exception près : Kelsen et Schumpeter intègrent l’un et l’autre à leur théorie le rôle essentiel des partis politiques, qui étaient absents ou plutôt mal vus par les doctrines des pères fondateurs du système représentatif aussi bien en France qu’aux États-Unis.Voilà donc une description très simplifiée du gouvernement parlementaire anglais d’aujourd’hui ou de la Troisième et Quatrième République françaises. Malheureusement, cette doctrine ne décrit qu’une partie de la réalité institutionnelle qui caractérise des pays tels que les États-Unis, l’Allemagne, l’Italie, l’Inde, l’Afrique du Sud ou la France, dans ce dernier cas depuis les années 1970. Cette doctrine maintenant classique de la démocratie des modernes est très partielle du point de vue descriptif, tout d’abord, mais aussi du point de vue normatif – ce qui est plus gênant pour la philosophie politique, y compris pour la plus remarquable de toutes sur notre continent, celle de Jürgen Habermas.
Cette description, axée sur la légitimité électorale, est partielle du point de vue descriptif, sur lequel je vais me concentrer ici ; car, en pratique, les lois approuvées par les Parlements élus par les citoyens, avant (comme en France jusqu’en 2010) ou après leur promulgation, peuvent être cassées, entièrement ou en partie, ou peuvent être interprétées et donc modifiées par des organes juridictionnels qui ne sont ni élus par les citoyens ni responsables devant le suffrage.
Cette réalité ne cesse de scandaliser certains juristes, sans doute très attachés à la doctrine de la démocratie de Kelsen, qui est paradoxalement l’inventeur en Europe du contrôle juridictionnel de constitutionnalité [2]. Elle n’a pas fait l’objet d’une analyse adéquate et satisfaisante, en tout cas pas dans la théorie politique [3]. Elle semble, en outre, résister aux enquêtes sur les métamorphoses du système représentatif (alias démocratie), car l’existence des cours constitutionnelles échappe au principe de la responsabilité électorale, seul élément démocratique de ce « régime mixte », comme on appelle de plus en plus souvent le gouvernement représentatif.
Les régimes mixtes
On a pris l’habitude de qualifier de « régimes mixtes » nos systèmes politiques sans expliquer exactement ce que l’on entend par cette expression. Or, dans la théorie politique classique depuis Aristote jusqu’à Machiavel au moins, un gouvernement mixte est un régime qui n’est ni une oligarchie ni une démocratie (deux formes corrompues de gouvernement dans la classification des constitutions qu’Aristote présente au livre III de la Politique) mais un système où le gouvernement de la cité est exercé directement par les deux parties essentielles de la cité – mere tes poleos – à savoir le gnorimoi et le démos ; grandi et popolo dira Machiavel. On peut traduire cette dichotomie par : les riches ou les notables, d’un côté, et le petit peuple, de l’autre. Ceci n’a pas grand chose à voir avec nos systèmes politiques actuels, qui dans le vocabulaire politique ancien seraient plutôt des oligarchies électives. D’abord, ce ne sont plus des régimes à gouvernement direct, mais à gouvernement par délégation. En outre, la mixité dont il est question n’est pas celle dont parlait Aristote, à savoir les riches et les classes moyennes inférieures. Il s’agit d’une toute autre mixité, celle dont avait parlé au Moyen Âge Thomas d’Aquin qui présentait dans sa Summa Theologiae le royaume de France comme un exemple de modèle mosaïque : à savoir le régime mixte que Dieu lui-même aurait donné à Moïse pour gouverner le peuple hébreu.La mixité décrite ici a une nature et une structure tout à fait différente. Un régime est mixte, d’après Thomas d’Aquin, si une partie de la cité (les citoyens ou les sujets) choisit, aux moyens d’élections, l’élément aristocratique (un sénat) et l’élément monarchique (le roi) du système. Les élections deviennent ici l’élément démocratique du régime, lequel est relié aux élections à condition que les sénateurs aussi bien que le roi soient choisis par tous les citoyens parmi eux, sans exclusion ni prérogatives spéciales. J’attire l’attention sur ce point car les élections étaient considérées dans la doctrine classique comme un mécanisme aristocratique de sélection des gouvernants. Il faut remarquer aussi que le système que Thomas prônait au XIIIe siècle ressemble beaucoup à celui que pratiquent les Américains depuis le début, et les Français depuis 1962 et qu’ils appellent démocratie tout court – et que dans le langage de Thomas on appellerait politie ou régime mixte (politie est le calque choisi par Guillaume de Moerbeke pour traduire en latin le terme aristotélicien de politeia).
Dans ces régimes mixtes que sont nos systèmes représentatifs, on ne peut plus éviter de se demander pourquoi, comment et d’où vient la légitimité des Cours ou Conseils constitutionnels, qui peuvent dire le droit et l’imposer à la volonté des majorités élues.
Caractéristiques et propriétés de la règle de majorité
Si la volonté de la majorité peut être cassée ou modifiée par un petit groupe de juges (les Français préfèrent dire les sages, par une ancienne et étrange méfiance à l’égard du pouvoir judiciaire), il faut supposer que cette volonté majoritaire n’est pas tout à fait satisfaisante ou qu’elle n’est pas générale. Mais pourquoi, et sur la base de quels critères ?Or, avant d’étudier ce qui ne va pas dans la règle de majorité – ce qui fait qu’on ne peut plus dire que « nous avons juridiquement raison car nous sommes politiquement majoritaires » – et avant de voir ce qui ne va pas dans ce principe qui relie élections et majorité (la décision de la majorité est bonne ou en tout cas doit être obéie car c’est la majorité d’une assemblée élue et responsable devant le suffrage), il faut se demander d’où vient cette idée et pourquoi on y tient tant.
C’est donc à cette question de la règle de majorité, à ses propriétés et à ses limites d’application que je consacre l’essentiel de cet essai. Il s’agit, en d’autres termes, de montrer les limites intrinsèques de la démocratie majoritaire, une tâche que Ronald Dworkin a mise sur le métier il y a quelques années (dans son Freedom’s Law) sans être allé très loin dans son projet.
Il faut distinguer pour commencer ces deux questions qu’on a tendance à confondre : celle de la règle de majorité en tant que principe de décision collective et celle de son rapport à la démocratie. Remarquons que cette distinction est gommée, non dans la théorie politique d’Aristote, mais dans la pratique institutionnelle de la démocratie athénienne. Dans ses institutions publiques les plus importantes, la règle de majorité était systématiquement appliquée. Aussi bien dans l’ekklesia (l’assemblée des citoyens) que dans les dikasteria (les cours formées d’un grand nombre de jurés populaires tirés au sort avant chaque procès), on pratiquait comme règle de décision le vote à la majorité absolue. Il faut noter par ailleurs que les techniques de vote utilisées dans ces deux institutions étaient tout à fait distinctes [4]. Dans l’ekklesia, on utilisait la cheirotonia, le vote public à main levée, dont le résultat, étant donné le nombre des membres de l’assemblée (6000 personnes à peu près), n’était pas compté mais jaugé par dix officiers publics, les proèdres. En revanche le vote se faisait dans les cours populaires par pséphophoria, c’est-à-dire en plaçant, sans être vu, des petits disques de bronze dans une machine, que décrit Aristote dans sa Constitution des Athéniens, et qui donnait le résultat numériquement exact de la votation. Ce résultat crucial était maintenu secret. Pour conclure sur ce point, le principe qui justifiait la règle de majorité à Athènes est certainement en relation avec l’idée d’égalité – en grec les concepts d’isegoria et d’isonomia, à savoir l’égal droit pour les citoyens de faire des propositions à l’assemblée et de participer sous différentes formes au gouvernement de la cité.
Dans les démocraties modernes, en revanche, le principe de majorité est utilisé normalement dans un double contexte. Il est utilisé dans les assemblées représentatives, en tant que règle de décision (sauf s’il existe un veto de l’exécutif qui peut arrêter la volonté majoritaire, comme aux États-Unis), mais aussi dans l’algorithme électoral (la règle arithmétique qui transforme le grand nombre de bulletins de voix en un nombre réduit de sièges à pourvoir). Or, une loi électorale se définit exactement ainsi. C’est un mécanisme de transformation de nombres en nombres. Dans ce dernier cas, il s’agit en fait d’une règle d’autorisation, d’un mécanisme de choix des gouvernants qu’il faut analyser par opposition à d’autres mécanismes du même type tels que concours publics, tirage au sort etc. On ne peut prétendre que, par le vote, les citoyens choisissent des politiques et ce pour deux raisons. Tout d’abord, toute constitution libérale-démocratique interdit les mandats impératifs. En outre, la science politique ne dispose pas d’une doctrine claire expliquant pourquoi les électeurs choisissent les candidats et les partis pour lesquels ils votent. En somme, il serait abusif de voir dans les élections compétitives, qui caractérisent nos systèmes politiques, l’équivalent d’un referendum populaire où les électeurs sont interrogés sur une question spécifique. Les élections sont surtout une forme d’autorisation « d’en bas » qui caractérise les régimes politiques dans lesquels les gouvernants n’ont pas une autorité sui juris, ce qui est, par contre, le propre des monarchies et des gouvernements aristocratiques.
On ne peut pas confondre l’autorisation avec la règle de décision majoritaire qui, en tant que telle, est sans rapport avec la démocratie des anciens ni avec celle des modernes. Cette règle de décision – celle de la majorité simple ou absolue – peut être adoptée par n’importe quel groupe d’individus, même très restreint, pour prendre une décision qui lie le groupe tout entier. Une oligarchie peut tout à fait utiliser la règle de majorité pour prendre des décisions politiques. La Cour suprême américaine décide, comme toute cour fédérale collégiale américaine, à la majorité simple. Cela n’en fait pas un organe démocratique.
Il ne faut par conséquent pas faire l’amalgame entre le principe de majorité en tant que règle de décision collective et la démocratie comme forme de gouvernement ou en tout cas comme composante du régime mixte aristo-démocratique qu’est la démocratie des modernes.
Distinction entre principe de majorité et démocratie
Vers la moitié du XVIIe siècle, Samuel Pufendorf, dans Le Droit de la Nature et des Gens, avait attiré l’attention sur le fait que dans tout régime non-monarchique la question se pose de savoir comment on peut faire reconnaître une volonté souveraine – une volonté qui s’impose à tous les membres du groupe – à ceux qui sont d’accord avec la décision aussi bien qu’à ceux qui ne le sont pas. Il faut, en d’autres termes, trouver dans ces régimes un mécanisme d’agrégation des volontés qui permette de dégager une volonté commune, une volonté qui s’impose à tout le monde. Or la règle de majorité correspond, pour Pufendorf, à un tel mécanisme dans tous les systèmes non-monarchiques, notamment dans une aristocratie. De ce point de vue, la règle de majorité n’est pas en elle-même liée au régime démocratique. Pour Pufendorf, la démocratie est simplement le système où l’ensemble des décideurs coïncide avec l’ensemble de ceux qui sont obligés de respecter la décision collective. De ce point de vue, la démocratie en tant que telle n’est pas un mécanisme de prise de décision (car celui-ci caractérise également l’aristocratie), mais un principe ou une règle d’inclusion. Or cette inclusion peut être directe, comme à Athènes et dans la doctrine de Pufendorf, ou indirecte – ceux qui sont inclus ne le sont pas dans la pratique du gouvernement mais seulement dans le choix des gouvernants pro tempore. Dans le cas du gouvernement représentatif moderne, l’inclusion prend la forme définie par Sieyès lorsqu’il relie celle-ci au principe électif : puisque tous les citoyens doivent obéir à la loi de manière égale, ils ont le droit de concourir également à sa confection. Or, puisqu’en outre, ce concours, dans un gouvernement représentatif, ne peut pas être direct, ils doivent tous pouvoir choisir ceux qui vont produire les lois et pouvoir les renvoyer à la fin de leur mandat.On peut par conséquent se demander ce qui justifie le principe de majorité en tant que mécanisme de prise de décision, que ce soit dans une aristocratie ou à la Cour suprême américaine, ou encore dans le système de vote d’un parlement. La thèse de Pufendorf aussi bien que les travaux de Edoardo Ruffini vont dans la même direction : cela se justifie par une forme spécifique de l’égalité, qui n’implique en elle-même ni l’égalité économique ni celle des opportunités [5]. Elle est en rapport avec l’isonomie athénienne déjà mentionnée : cette égalité consiste dans l’égal poids des décideurs lors de la décision collective. Si l’on vote et qu’on utilise le principe de majorité pour compter les voix, on fait peser de manière égale les préférences ou les opinions de chacun dans l’agrégation de celles-ci. Bonnes ou mauvaises, réfléchies ou irrationnelles, quelles qu’elles soient, ces préférences ont un poids égal. Différentes à maints égards, ces préférences perdent donc, grâce au principe de majorité, toute qualité et ne retiennent que la plus abstraite : l’impact égal sur la décision finale, qui s’imposera à tous. Les membres du corps décideur, tout en n’étant pas équivalents entre eux à plusieurs égards, décident que leurs volontés, choix ou préférences seront comptés comme ayant la même valeur, ou, comme je viens de le dire, qu’elles auront dans le décompte un poids égal. Il s’agit de ce que Sieyès appelait le caractère métaphysique de l’égalité et ce à quoi s’opposait John Stuart Mill, qui, quant à lui, voulait attribuer deux voix à chacun des membres de l’élite intellectuelle de son pays. L’isonomie des modernes se traduit donc en réalité par une « isobarie » – un égal poids des décideurs sur le choix collectif.
Les limites de la règle de majorité
Les caractéristiques de la règle de majorité, ses propriétés, que je viens de dégager, et ses limites, auxquelles je voudrais maintenant consacrer cette analyse, apparaissent plus clairement si on la compare à d’autres mécanismes de prise de décision. Pour commencer, j’entends par règle de décision collective une règle produisant une décision qui s’impose à tous les membres du groupe. Dans un groupe donné d’individus, une règle de décision collective produit une décision qui les oblige et les lie tous, même ceux qui s’opposaient à la décision qui a été prise. L’exit – l’abandon du groupe – de manière générale n’est pas une option, ou ses coûts sont très élevés, comme le savent les émigrés. Si l’assemblée populaire athénienne vote une expédition militaire contre Syracuse, même ceux qui s’y sont opposés devront monter dans les trirèmes et partir pour la Sicile et se faire couler à pic par les féroces Syracusains ! Dans un autre contexte, même les Américains qui se sont opposés à l’occupation militaire de l’Irak doivent payer les coûts politiques et économiques de cette aventure. Comme on l’a vu, une règle de décision collective fait de la volonté d’une partie du groupe la volonté de tous.Commençons par énumérer les règles possibles pour la décision collective. Sans prétention d’exhaustivité, nous pouvons considérer l’acclamation, le vote, et dans ce cas les principes alternatifs de la sanior pars, de major pars, l’unanimité, la pluralité, et le consensus (je reviendrai sur ce dernier et sur ses formes). Le vote et l’acclamation sont deux mécanismes d’agrégation des préférences : le premier est numérique, le second est sonore. Dans le deuxième cas, l’acclamation, on peut prendre en compte aussi l’intensité des préférences : cent personnes qui ont une préférence intense comptent plus, font plus de bruit, que deux cents dont les préférences sont faibles. Le vote égal ne peut jamais tenir compte de cette intensité [6]. Il modère et aplatit, si je puis dire, l’impact des préférences qui sont de la sorte encore une fois égalisées.
Dans le cas du vote, on peut choisir en principe entre plusieurs règles d’agrégation, de l’unanimité à la pluralité (la minorité la plus grande l’emporte – comme c’est le cas dans nos « triangulaires » et dans le système électoral majoritaire anglais – first-pass-the-post) [7]. Le principe de la sanior pars en revanche sélectionne avant le vote un certain nombre d’individus dans le groupe et ce plus petit groupe est défini a priori comme étant capable par ses qualités d’imposer au groupe tout entier sa décision – partie supposée être la meilleure grâce aux qualités intrinsèques de ces décideurs spéciaux (sagesse, âge, culture, position hiérarchique, etc.).
L’unanimité a, quant à elle, des effets de blocage, mais observons qu’elle peut être utilisée dans le cas où le nombre de décideurs est très réduit. Par exemple, aux États-Unis, une proposition de loi est approuvée seulement si elle trouve l’accord unanime des deux Chambres du Congrès et du Président [8] – c’était aussi le cas du King in Parliament dans l’ancienne constitution anglaise. Ici, le principe unanimiste a la fonction classique d’éviter des décisions précipitées et motivées par la passion et/ou l’émotion. Certes, au fur et à mesure que le nombre de décideurs se multiplie, l’effet de blocage explose, pour ainsi dire, et conduit à l’impossibilité de décider autre chose que le maintien du statu quo. Car le principe d’unanimité attribue à chaque membre du groupe un droit de veto sur la décision. Or, depuis Montesquieu, on s’est souvent demandé si le pouvoir de faire est la même chose que le droit/pouvoir d’empêcher – question qui reviendra au cœur des débats en 1789 sur la sanction royale. Reste que le principe d’unanimité, à l’exclusion des tout petits groupes de décideurs, est plutôt une règle pour empêcher qu’une règle pour faire.
Une forme faible d’unanimité ou une forme spéciale de majorité est la règle de la majorité qualifiée, qui nous intéresse au premier chef car elle préside aux décisions sans doute les plus importantes dans toute démocratie constitutionnelle : celles qui consistent à modifier une « constitution rigide ». Tous les pays du monde, à quelques exceptions près (la seule importante étant le Royaume-Uni), ont aujourd’hui des constitutions rigides ; à savoir des constitutions qui ne peuvent pas être modifiées par la majorité simple des représentants élus. C’est dans ce sens qu’on peut dire que le premier mécanisme anti-majoritaire de nos systèmes politiques réside dans les constitutions rigides elles-mêmes.
Il s’agit manifestement d’un problème capital qui a pourtant rarement fait l’objet d’une réflexion politique explicite. D’où vient cette idée de limiter de manière drastique le pouvoir des majorités élues et responsables devant le suffrage ? Une réponse articulée et un tant soit peu satisfaisante demanderait un très long argument. Mais on peut sans doute s’approcher d’une première réponse en réfléchissant à une limitation importante du principe de majorité. Si la décision majoritaire doit s’imposer à tous les membres du groupe, il semble légitime que la majorité ne puisse pas décider de tout et sur tout. Si la majorité qui décide du taux d’imposition, de la politique internationale, des politiques sociales, etc., pouvait également décider de mes croyances, de mes préférences politiques, religieuses, morales, sexuelles, la règle de majorité serait purement et simplement un pacte suicidaire. Un choix qui ne me rend pas simplement égal à tous les autres, mais un être sans qualités, sans personnalité, sans nom, en butte à la volonté somme toute arbitraire d’un certain nombre d’autres individus qui peuvent décider de tout. En fait, depuis Hobbes, et malgré Rousseau, la théorie moderne de l’État de type libéral a fait valoir et défendu l’idée qu’il ne peut pas y avoir d’aliénation totale à la base du pacte social. Le droit à la vie est pour Hobbes non seulement inaliénable, aussi bien que la vente de soi-même dans un contrat d’esclavage, mais la garantie de ce droit à la vie est le but même de l’État et le fondement de sa légitimité : sans protection de la vie, pas d’obéissance au pouvoir politique. Le souverain démocratique, la majorité simple, ne pourrait pas sans contradiction être plus puissant que le souverain absolu. Un certain nombre de choix sont ainsi soustraits à la décision majoritaire, et bloqués, pour ainsi dire, par la constitution rigide.
La règle super-majoritaire représente une première garantie contre le pacte suicidaire de l’aliénation totale en faveur de la majorité. Plus exactement cette dernière – la règle de majorité qualifiée – soustrait à la majorité simple le pouvoir de transformer le système des institutions publiques en une machine au service de la majorité elle-même, l’empêche d’abolir la séparation des pouvoirs, et essaie de défendre l’idée que la constitution est un bien commun et non une propriété de ceux qui ont gagné les élections et qui sont destinés un jour, par le principe démocratique de l’alternance, à se retrouver dans l’opposition. En somme, si la constitution est la règle de tous, elle ne peut pas être à la disposition d’une partie. On peut objecter que les constitutions étant le produit d’une partie de la société, on pourrait se demander pourquoi une partie ne pourrait pas les modifier. Mais, si c’était le cas – et c’est en fait le cas parfois – le texte qu’on appelle constitution ne serait pas ce qu’on entend par ce mot dans la culture libérale. Il correspondrait davantage à une tentative d’une partie de la société de gouverner avec « un coup de constitution ». Cela conduit inévitablement à l’instabilité du système institutionnel – on peut penser à l’Amérique Latine où la partie qui d’une manière ou d’une autre remporte les élections convoque normalement une nouvelle assemblée constituante. Il s’agit d’une autre manière de dire que, dans ces pays, il n’y a pas de constitution, mais une tentative répétée de congeler sous la forme de la constitution rigide le programme politique partisan des vainqueurs, qui sera à son tour renversé et remplacé par une autre constitution partisane au prochain changement (pacifique ou violent) de l’élite gouvernante.
Mais au delà de la majorité qualifiée qui doit protéger les règles communes de l’art de gouverner, une deuxième ligne de défense doit être bâtie contre la possible tyrannie des majorités, pour emprunter ce terme aux libéraux.
Si l’on établit, comme on le fait dans toute constitution, une liste des droits inviolables, l’équivalent du jus sese praeservandi (le droit à la vie) dont parlait Thomas Hobbes, il est inévitable que naissent des conflits entre le gouvernement et les citoyens concernant le contenu de ces droits – d’autant plus que le contenu de droits tels que la liberté et l’égalité n’est pas sans équivoque. Qui sera juge de ces conflits entre les droits des citoyens et le gouvernement ? Si c’est le gouvernement, celui-ci devient partie et juge dans le même procès ; si, par contre, c’est le citoyen, on se retrouve dans le contexte analysé tout à l’heure, concernant l’unanimité, dans lequel chaque individu aurait un droit de veto sur les décisions de la majorité, ce qui aboutirait soit au blocage soit à l’anarchie. On connaît la réponse qui s’est imposée notamment depuis la Deuxième Guerre mondiale et dans les pays qui avaient expérimenté la défaite de la démocratie parlementaire et les régimes totalitaires : une cour de justice juge les conflits d’interprétation entre les citoyens et le gouvernement concernant les droits protégés de ces derniers. Le cas français est assez spécial, car la cour – le Conseil Constitutionnel, jusqu’en mars 2010 – a la tâche difficile d’anticiper les conséquences anticonstitutionnelles des lois votées par le Parlement avant leur promulgation. Mais, de manière plus générale, dans des pays comme l’Allemagne, les États-Unis, l’Espagne, et maintenant la France, la possibilité est offerte aux citoyens en tant que justiciables de s’adresser à la Cour constitutionnelle pour que leurs droits constitutionnellement protégés soient garantis face au pouvoir des majorités élues.
Depuis quelque temps, sans doute à cause du dysfonctionnement de la Cour Suprême américaine, est apparu aux États-Unis un courant de pensée, représenté par des auteurs aussi différents les uns des autres que Larry Kramer, Mark Tushnet et Jeremy Waldron (on peut penser aussi à Michel Troper en France), qui remettent en question la légitimité des organes de contrôle de constitutionnalité. Je ne puis étudier ici ces auteurs, mais il est évident qu’ils semblent partager cette fixation autour de la légitimité électorale dont parle Pierre Rosanvallon dans son dernier livre. Il se trouve que nos États de droit constitutionnels (vulgo démocraties) sont des régimes mixtes dans un sens autre que celui d’Aristote. La légitimité à gouverner vient d’une autorisation venant d’en bas – les élections répétées. Mais, dans tout gouvernement limité, le pouvoir du souverain, c’est-à-dire la majorité élue, doit être soumis à une série de contrôles qui ne peuvent pas se réduire aux élections organisées tous les quatre ou cinq ans. Les Cours constitutionnelles représentent l’une des formes les plus importantes de ce contrôle et du mécanisme de modération que le gouvernement limité est supposé introduire dans la machine du gouvernement des vivants. D’ou vient donc leur légitimité ? De la nature même du gouvernement modéré, mais aussi de leur position de juge tiers et indépendant vis-à-vis des parties en conflit : les citoyens et la majorité (présente ou passée – cela dépend du mécanisme de la saisine). Certes, on peut objecter que les Cours tendent aussi à augmenter leur pouvoir. Mais en principe la seule manière d’asseoir celui-ci est de protéger avec plus de vigueur les droits des citoyens et de se montrer impartiales.
S’il est normal que tous les citoyens participent également à la confection de la loi car tous doivent obéir à celle-ci, il faut rappeler qu’aucun système dit démocratique ne s’en est jamais tenu à une pure conception épistémique de la démocratie qui prétend que la règle de majorité a la propriété miraculeuse de découvrir la vérité, la sagesse ou la justice. Les Athéniens, à la suite de la défaite de l’expédition militaire en Sicile et après les coups d’État oligarchiques qui s’ensuivirent à la fin du Ve siècle, réorganisèrent leur système institutionnel en introduisant la graphé paranomom – la possibilité pour une cour de justice de casser une décision de l’assemblée. Dans les États de droit constitutionnels, la demande la plus importante des citoyens consiste de plus en plus à exiger la protection de leurs droits, qu’aucune majorité politique ne peut définir ou écourter à loisir.
Comment décident les Cours constitutionnelles ?
Un dernier point mérite d’être évoqué : comment décident et comment devraient décider les Cours constitutionnelles ? On objecte souvent que ces Cours, dont je semble dire le plus grand bien tout en critiquant le principe de majorité, décident en réalité sur la base de ce même principe de majorité. À quoi il faut répondre : 1. Qu’on reproduit ici la même confusion que j’ai essayé de dissiper tout à l’heure entre une règle de décision – la majorité simple – et un principe d’autorisation – les élections où les voix sont égaux ; 2. Sans doute plus important : en faisant cette objection, on met sous le mot de vote des choses tout à fait différentes. Lorsqu’on fait valoir une préférence sans arguments comme c’est le cas lors d’un referendum ou d’une élection, le citoyen est membre du corps souverain. Tel le souverain baroque dont parle Walter Benjamin dans son Deutsches Trauerspiel, il peut dire : sic volo sic jubeo stat pro ratione voluntas (c’est ma volonté et il n’est nul besoin de donner ni raisons ni arguments). Ce vote-là n’a besoin d’autre justification que celle de la volonté. En outre, il est parfaitement possible d’agréger des préférences, notamment lorsqu’elles prennent la forme vide du nombre. Au contraire, les membres des Cours, même lorsqu’ils « votent », ce qui n’est pas toujours le cas, n’expriment pas des simples « préférences ». Non seulement la Cour est obligée de donner des raisons de sa décision à la fin du processus délibératif (décisions, arrêts, opinions, Entscheidungen, sentenze), mais pendant la discussion, les juges sont obligés de donner des arguments sans lesquels leur voix ne compte pas.Dans le cas de la Cour constitutionnelle italienne, que je connais mieux et qui me paraît un bon modèle du point de vue normatif, le processus décisionnel est consensuel et non majoritaire. Ce qui me permet pour finir de dire un mot sur cette modalité de prise de décision – le consensus – que j’ai évoquée sans en parler et qui commence à intéresser ceux qui travaillent sur les décisions collectives [9]. Il faut distinguer deux types de décisions, portant sur des questions micro- ou macro-constitutionnelles. Dans le premier cas, le juge rapporteur présente à la suite d’une première discussion un projet d’arrêt. S’il n’y a pas d’objection ou si l’un des juges suggère des petits amendements, le texte est amendé et approuvé sans vote. Ici, il s’agit d’un consensus par absence d’opposition. Dans le cas de décisions macro-constitutionnelles, le processus délibératif est beaucoup plus complexe. Après une première discussion dans laquelle chaque juge prend la parole et présente ses arguments, le rapporteur rédige un projet. Celui-ci est assez vraisemblablement objet de désaccord parmi les juges. À ce moment-là s’engage une discussion guidée par le président qui a tendance à rapprocher les positions et à encourager les compromis. Il est possible que le désaccord subsiste malgré les débats. La décision par consensus implique alors que la position à adopter, notamment par un collège qui doit parler avec une seule voix en l’absence d’opinions dissidentes, ne sera pas celle de la majorité, mais la position la plus partagée par les membres de la cour. En d’autres termes, la majorité n’a pas le droit (et en tout cas devrait éviter) d’imposer sa volonté ; les juges doivent plutôt arriver à une position qui peut être partagée par le plus grand nombre possible d’entre eux.
Ces notes ne prétendent pas offrir une conclusion ; elles ne sont qu’une incitation à repenser la démocratie constitutionnelle à la lumière des développements plus récents. La théorie se lève au soir comme l’oiseau de Minerve ; la théorie politique ne peut pas ignorer l’existence de ces nouveaux « corps intermédiaires ». Ils existent désormais dans la quasi-totalité de nos systèmes politiques sous la forme de cours de justice qui ont la tâche de juger les conflits qui opposent entre eux les organes de l’État et les citoyens à leurs gouvernements.
La conception moderne de l’État depuis Hobbes et Locke a fondé l’obligation politique d’obéir au gouvernement sur la capacité de celui-ci à protéger nos droits. Le nouveau contrat social demande l’existence d’un juge indépendant, vis-à-vis des citoyens et des gouvernants, auquel chaque justiciable puisse s’adresser pour demander protection de ses droits. Sans la possibilité de ce recours, toute obéissance au pouvoir élu se transforme en une pure et simple abdication de nos droits fondamentaux. Le pouvoir constituant en France vient, d’ailleurs, de le reconnaitre par la réforme constitutionnelle de l’article 61.
Pour citer cet article :
Pasquale Pasquino, « Le principe de majorité : nature et limites », La Vie des idées, 14 décembre 2010. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Le-principe-de-majorite-nature-et.html
Pasquale Pasquino, « Le principe de majorité : nature et limites », La Vie des idées, 14 décembre 2010. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Le-principe-de-majorite-nature-et.html
Notes
[1] Pierre Rosanvallon, La Légitimité démocratique. Impartialité, réflexivité, proximité, Le Seuil, 2008.[2] Sur cette question voir O. Beaud- P. Pasquino, La controverse sur « le gardien de la Constitution » et la justice constitutionnelle. Kelsen contre Schmitt – Der Weimarer Streit um den Hüter der Verfassung und die Verfassungsgerichtsbarkeit, Kelsen gegen Schmitt, edited by P. Pasquino and Olivier Beaud, Paris, Éditions Panthéon Assas, 2007.
[3] Voir pour des analyses partielles, A. Stone Sweet, Governing with Judges, Oxford University Press, 2000, T. Ginsburg, Judicial Review in New Democracies, Cambridge University Press, 2003, D. Robertson, The Judge as a Political Theorist, Princeton University Press, 2010 et Brewer-Carias, Constitutional Courts as Positive Legislators, Cambridge University Press (sous presse).
[4] Voir mon article “Democracy Ancient and Modern : Divided Power”, in Athenian Demokratia – Modern Democracy : Tradition and Inspiration, Entretiens sur l’Antiquité classique de la Fondation Hardt, 2010, p. 1-50
[5] Edoardo Ruffini, Il principio maggioritario, Conférence, n° 23, automne 2006.
[6] Il existe des systèmes de vote plus complexes qui essaient de tenir compte de l’intensité des préférences.
[7] Remarquons que dans ce cas-là, la minorité la plus importante est considérée comme égale à la majorité : 35=50.
[8] D’après les données du Congressional Research Service, depuis 1789 jusqu’en 2004, seulement 106 sur 1484 vetos présidentiels ordinaires ont été annulés par un vote à la majorité des deux tiers du Congrès.
[9] Voir mon article, « Voter et délibérer », et celui de Ph. Urfalino, « La décision par consensus apparent. Natures et propriétés », dans la Revue Européenne des Sciences Sociales, n°136, 2007.
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