marți, 25 ianuarie 2011

Céline met les “Célébrations nationales” dans de beaux draps

Vă rog să citiți acest text selectat de mine, în speranța că vă poate interesa. Cu prietenie, Dan Culcer

http://passouline.blog.lemonde.fr/2011/01/21/celine-met-les-celebrations-nationales-dans-de-beaux-draps/

21 janvier 2011
                                           Encore Céline ? Il n’est pas près de nous lâcher. Un vrai feuilleton. Pas un mois sans une polémique. Celle de janvier prend sa source non dans un livre, ni même dans une brochure, mais dans un catalogue que Frédéric Mitterrand doit présenter ce soir à la presse. Non celui d’une librairie d’extrême-droite mais celui très officiel du Haut comité pour les célébrations nationales, qui dépend de la direction des Archives de France, dont la Culture est le ministère de tutelle. Entre autres anniversaires, deux pages y sont consacrées au cinquantenaire de la mort de Louis-Ferdinand Céline, ce qui est la moindre des choses, surtout lorsqu’on sait que tous les auteurs commémorés par la République n’ont pas toujours laissé une trace dans l’histoire littéraire. Or ce catalogue, qui n’a rien d’un brûlot, s’intitule Célébrations nationales. Pris au pied de la lettre, cela signifie que la France va célébrer Céline, sauf à imaginer, comme il conviendrait de le faire, que la commémoration en question ne porte pas jugement sur des personnes tout en prenant acte de dates marquantes dignes d’être mises en valeur par la mémoire nationale. Comme les anniversaires de Franz Fanon, de Blaise Cendrars de la parution de L’Histoire de la folie à l’âge classique de Michel Foucault avec lesquels il voisine au chapitre “1961″, le cinquantenaire de la mort de Céline en est une qui verra défiler colloques (à commencer par « Céline, réprouvé et classique » au Centre Pompidou les 4 et 5 février), numéros spéciaux de revues, livres, émissions etc. Tout au long de l’année. Pour autant 2011 ne sera pas décrétée « Année Céline » par le ministère de la Culture ! (Liszt a le pompon cette année).
   L’avocat Serge Klarsfeld vient de réagir au nom de la FFDJF dont il est le président, comme si c’était le cas. Dans une lettre ouverte, il ne s’indigne pas seulement de ce que Céline figure parmi les personnalités faisant l’objet d’une « célébration »alors que son antisémitisme fut des plus meurtriers. Soutenu par le maire de Paris Bertrand Delanoé qui a commenté « Céline est un excellent écrivain, mais un parfait salaud » (ce qui ne fait guère avancer un débat qui fait du sur place depuis un demi-siècle), Serge Klarsfeld s’indigne (c’est de saison) et reproche à l’auteur de la notice de présentation de Céline dans le recueil officiel du ministère d’avoir écrit : « Il se tient soigneusement à l’écart de la collaboration officielle ». Henri Godard, professeur émérité à la Sorbonne, rigoureux éditeur de Céline dans la Pléiade et auteur d’études savantes sur son œuvre, qui ne dissimule pas dans une notice très équilibrée tout ce que Céline a écrit d’indigne, n’a pas signé cette phrase à la légère. Elle est parfaitement exacte : Céline, qui vomissait Vichy, n’a jamais appartenu ni à un journal, ni à un parti, ni à un mouvement collaborationnistes. Il a envoyé plusieurs lettres au torchon raciste Au Pilori, publiées et lues comme des articles ; il a honoré quelques réunions déshonorantes de sa présence, et fui à Sigmaringen. Mais si cet électron libre et désespérément indépendant n’a pas stricto sensu collaboré, il a fait pire : il a publié en librairie des pamphlets qui sont d’authentiques appels au meurtre, si l’on veut bien admettre une fois pour toutes que nombre de ses lecteurs n’en avaient pas une lecture comique ou métaphorique, surtout en un temps où les rafles et les déportations offraient une traduction immédiate de ses dénonciations dans l’actualité.
    On dira à sa décharge qu’il n’avait pas attendu que les Allemands occupent la France pour vouer les Juifs aux enfers. Serge Klarsfeld n’a que faire de ses nuances et demande le retrait de ce recueil, la suppression des pages sur Céline ; il exige par conséquent que la France s’abstienne de le célébrer à l’occasion de l’anniversaire de sa mort. Disons que le président de la FFDJF est là parfaitement dans son rôle, que le ministre de la Culture serait parfaitement dans le sien en ne tenant aucun compte de cette injonction, que les céliniens seront parfaitement dans le leur en célinant de concert jusqu’en juillet et que tout le reste est littérature. Car c’est bien de cela dont on parlera avant tout au cours des mois à venir : l’œuvre. Mais comme elle est naturellement indissociable de sa vie, pour savoir au juste de quoi on parle, on se reportera avec profit à un fort volume que vient de publier Du Lérot, maison charentaise à qui rien de ce qui touche à Céline n’est étranger : tout simplement les pièces du Procès de Céline 1944-1951 (333 pages, 45 euros ).
    Ses biographes les connaissaient déjà en partie pour y avoir maintes fois puisé. Elles nous sont offertes là à l’état brut, « en situation wikileaks » dira-t-on peut-être désormais. Autant dire qu’elles s’adressent à des lecteurs dotés d’un regard critique et informé. Non qu’il y ait quoi que ce soit de nocif pour les esprits non prévenus, mais une masse de documents ne prend son sens que lorsqu’elle est analysée, confrontée, mise en perspective. Ce que tout lecteur n’a pas nécessairement vocation à accomplir. Il n’empêche que tel quel, le Procès de Céline constitue un dossier qui permet une plongée sans égale dans la période de l’Occupation et celle de l’épuration. Le lecteur se retrouve dans la situation du chercheur sur la table duquel on vient de déposer des cartons d’archives. Ne manque que la poussière et les traces de doigt.
   Etablis et présentés avec rigueur par Gaël Richard, ces dossiers de la Cour de justice de la Seine et du Tribunal militaire de Paris contiennent 141 documents dont certains demeuraient inédits à ce jour. Toute la procédure réunie : lettres, témoignages à charge et à décharge, procès-verbaux, photographies, notes internes, rapports de police et même l’avis de passage du facteur à l’attention de Lucette Destouches, des relevés de compte bancaire à la Lloyds,. Elle s’ouvre avec la fuite en Allemagne (juin 1944) et l’ouverture officielle de l’instruction contre le Dr Destouches (avril 1945), se poursuite avec l’ordonnance de contumace (1949), l’arrêt rendu par la Cour de Justice de la Seine (1950) le condamnant à un an de prison, 50 000 francs d’amende, la confiscation de ses biens et l’indignité nationale, et s’achève avec le jugement rendu par la cour de Cassation (1951) annulant sa condamnation. On y voit les magistrats instructeurs à la manoeuvre dans deux directions : prouver que le citoyen Destouches s’était rendu pénalement coupable d’actes de trahison et que l’écrivain Céline avait favorisé les entreprises de l’ennemi par ses écrits. « Toujours l’article 75 au cul ! ». Or le réquisitoire du parquet montre bien toutes les difficultés du commissaire du gouvernement à établir une implication active et permanente dans la collaboration politique qu’il s’agisse du Cercle européen ou de l’Institut d’études des questions juives. On ne trouva pas davantage de lettres de dénonciation ou de preuves d’enrichissement personnel et de vénalité. C’est donc à l’auteur des Beaux draps (1941) que l’on s’en prit.
  louis-ferdinand-celine-ou-la-litterature-de-l-echec.1295593979.jpg                                             In fine, le commissaire du gouvernement René Charasse exprima un regret : qu’il n’ait pas été possible de faire subir un examen psychiatrique à l’accusé… Encore que le rapport d’expertise aurait pu le soustraire à sa responsabilité en raison de son état mental. Ces dossiers, qui ne renseignent pas seulement sur ses démêlés avec la justice mais sur le contexte de l’écriture de Féérie pour une autre fois et de Normance, sont conservés au Centre administratif de la Gendarmerie nationale du Blanc (Indre) par le Dépôt des archives de la justice militaire. Dans le livre, il en manque un à l’appel. Un seul : un dossier administratif d’accompagnement de la procédure No 1/ 1950. Que contient-il ? On l’ignore. La communication est « réservée ». Le feuilleton Céline n’est pas terminé.
Post Scruptum de 20h30 : Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand vient donc d’annoncer sa décision de retirer Louis-Ferdinand Céline des célébrations nationales, cédant ainsi à la pression de Serge Klarsfeld qui avait exprimé son indignation. Quel crédit peut encore accorder à la moindre de ses décisions quand on constate la légéreté avec laquelle un ministre de la République, qui a dans un premier temps accepté, avalisé et préfacé le programme des célébrations nationales, se renie sous la simple menace d’une injonction publique venant d’une personnalité et d’une association ? L’ancien professeur d’histoire aurait-t-il découvert entre-temps que Céline était antisémite ? La volte-face est indigne et injustifiable. On saura désormais à quelle aune il convient de mesurer les prochaines décisions du ministre de la Culture. En attendant, son art consommé de la langue de bois lui permettra certainement d’expliquer comment son désaveu n’a en rien bafoué l’indépendance des historiens, conservateurs et universitaires membres du Haut comité chargé de préparer les célébrations nationales.

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