23 juin 2008
Le discours à la Knesset : Monsieur le Président de l’Etat d’Israël, Madame la Présidente de la Knesset, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Chef de l’Opposition, Madame la Présidente de la Cour Suprême, Mesdames et Messieurs les membres de la Knesset,Il y a entre Israël et la France une amitié profonde qui a résisté depuis 60 ans à toutes les turbulences de l’Histoire. Cette amitié, elle n’est pas due seulement à la vitalité de la communauté juive de France et à vitalité de la communauté francophone d’Israël qui forment comme un pont entre nos deux pays.
Elle est due aussi à quelque chose de plus profond, à la manière dont le judaïsme a influencé, nourri, enrichi la culture française, à l’inspiration que les Pères fondateurs d’Israël ont puisée dans les valeurs de l’universalisme français.
Elle est due aux liens étroits économiques, scientifiques, techniques, intellectuels, mais aussi tout simplement humains que nos deux peuples ont naturellement tissés ensemble.
Cette amitié, je suis venu la renouveler solennellement au nom du peuple français et je me réjouis de voir avec quelle chaleur, avec quel élan fraternel le peuple israélien y répond.
C’est pour moi une très grande émotion de prendre la parole aujourd’hui, ici, à Jérusalem, ville trois fois sainte, sainte pour les Juifs, sainte pour les Chrétiens, sainte pour les Musulmans.
Je mesure le très grand honneur que vous faites au Président de la République française de pouvoir s’adresser à votre Assemblée qui est le symbole d’une des plus authentiques démocraties du monde.
A travers vous, je m’adresse à tous les Israéliens dont les ancêtres pendant des siècles ont espéré qu’un jour il y aurait à nouveau une nation juive qui serait comme toutes les autres nations, libre enfin de choisir son destin, de décider par elle-même.
Je m’adresse au peuple d’Israël qui a choisi la démocratie et la liberté, et qui ne les doit à personne d’autre qu’à lui-même, à son courage, à son énergie, à son intelligence.
Je m’adresse aussi, au-delà, à tout le peuple juif, peuple si longtemps sans terre, sans institutions politiques, mais partageant la même attitude morale, la même conception de la vie, la même tradition, la même foi, la même espérance. Et que ni la violence, ni la haine n’ont pu faire renoncer aux valeurs universelles que les prophètes d’Israël ont enseignées à tous les hommes.
Aucun exil, aucune épreuve n’avait pu arracher de son cœur le souvenir de la Terre promise. Et après 19 siècles, chacun au sein de ce peuple dispersé sur toute la terre se disait encore : “je suis Juif, parce que, né d’Israël, et l’ayant perdu, je l’ai senti revivre en moi, plus vivant que moi-même”.
Au nom du peuple français, je veux dire mon amitié et mon respect à ce grand peuple d’Israël qui a accompli la promesse que tous les Juifs depuis la dispersion se transmettaient de génération en génération de revenir en “ce lieu où naquit le peuple juif, où se forma son caractère spirituel, religieux et national”.
Il y a 60 ans des femmes et des hommes dont le caractère s’était forgé au travers des pires épreuves de la vie, proclamèrent “la fondation de l’Etat juif dans le pays d’Israël”. Herzl avait dit : “si vous le voulez ce ne sera pas une légende”. Ils le voulurent et la résurrection d’Israël cessa d’être une légende pour devenir une réalité.
Je veux dire mon admiration pour ces femmes et pour ces hommes d’exception qui voulaient un Etat où seraient assurées “une complète égalité des droits sociaux et politiques pour tous les citoyens, sans distinction de croyance, de race, ou de sexe”, “la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture”, “la sauvegarde et l’inviolabilité des Lieux Saints et des sanctuaires de toutes les religions”.
Je veux dire mon respect pour l’idéal qui les animait. Le rêve qu’ils poursuivaient était grand, nourri par des siècles d’attente et par l’horreur qu’on lisait encore dans le regard halluciné des rescapés des camps d’extermination.
Croyants ou non-croyants, chacun d’entre eux ce jour-là ne put sans doute s’empêcher de se remémorer la parole biblique que tous les Juifs au monde n’avaient jamais cessé d’apprendre à leurs enfants : “Et l’Eternel dit à Moïse : Monte sur cette montagne et regarde le pays que je donne aux enfants d’Israël”.
Mais l’Etat d’Israël ce n’est pas seulement l’accomplissement d’une promesse qui a toujours été au cœur de l’identité juive. Ce n’est pas seulement un retour aux sources, l’expression d’une nostalgie, la tentation de ressusciter un passé révolu. C’est un Etat moderne, tourné vers l’avenir. C’est un Etat à la fois national et tourné vers l’universel.
Car c’est un Etat qui n’appartient pas seulement à ses citoyens, mais aussi à tous ceux qui dans le monde se reconnaissent comme les héritiers du judaïsme.
Au milieu du malheur, ils n’ont jamais cessé d’espérer en un monde meilleur. Pour eux, il fut d’abord la preuve que cette espérance n’était pas vaine.
“Je ne revendique jamais mon origine juive que dans un cas, disait le grand historien français Marc Bloch : en face d’un antisémite”.
A ceux qui doutaient de son patriotisme, ce grand savant qui mourra assassiné par la Gestapo après avoir été torturé répondait simplement, comme auraient pu le faire tant d’autres : “Mon arrière-grand-père fut soldat en 1793 ; mon père en 1870 servit dans Strasbourg assiégé, j’ai été élevé dans le culte de ces traditions patriotiques dont les Israélites de l’exode alsacien furent toujours les plus fervents mainteneurs ; et la France dont certains conspireraient volontiers à m’expulser aujourd’hui et peut-être qui sait ? y réussiront, demeurera quoiqu’il arrive, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur.”
Ils sont encore des millions de Juifs aujourd’hui dans le monde qui éprouvent comme Marc Bloch, un attachement charnel à la patrie dont ils ont appris la langue, la culture, respiré l’air depuis leur enfance. Mais leur cœur ne peut pas rester insensible au destin d’Israël.
Parce que le destin de chaque Juif est lié au destin de tous les Juifs. Parce que le fait qu’il y ait un Etat juif dans le monde dont la réussite soit aussi éclatante est pour chacun d’eux une source de dignité et de fierté.
Parce que chacun éprouve au fond de lui le sentiment que l’Etat d’Israël est le moyen par lequel le peuple juif peut de nouveau devenir acteur de sa propre histoire au lieu de la subir.
Parce qu’en Israël le judaïsme ne se définit pas par rapport à l’antisémitisme.
Parce que pour chacun c’est le foyer où il sait qu’il pourrait se réfugier si par malheur un jour il n’avait plus nulle part où aller.
Parce que pour tous il est le seul endroit au monde où il est sûr que l’on n’obligera jamais les Juifs à porter une étoile jaune, où l’on n’interdira pas aux Juifs de prendre l’autobus, de fréquenter les cinémas et les théâtres, d’occuper certains emplois, qu’on ne les obligera pas à habiter des quartiers pour les Juifs, à n’aller que dans des restaurants, des magasins, des écoles pour les Juifs.
L’Etat d’Israël est une réponse à l’interrogation angoissée que la petite Anne Franck a noté dans son journal : “j’ai espéré que ce pays deviendrait ma patrie, à moi l’apatride ; je l’espère encore”.
C’est une réponse à la prière de Rutka, la petite juive polonaise : “je voudrais attacher des ailes à mes épaules pour m’élever très haut (…) m’envoler vers un endroit où il n’y aurait pas de ghetto”.
L’Etat d’Israël appartient aussi à tous les hommes.
Parce que les valeurs qui le fondent sont universelles. Ces valeurs sont des valeurs de justice et de droit.
L’Etat d’Israël est une réponse à l’injustice que le peuple juif a subie si longtemps. Et cette injustice est un défi lancé à la conscience universelle.
Il n’y a aucun autre Etat dans le monde qui se soit construit sur autant de douleurs et sur autant d’espérance.
Il n’y a aucun autre Etat dans le monde dont l’existence même fut dès le départ à ce point liée à l’affirmation d’un idéal de justice et d’une volonté de vivre en paix.
Il n’y a aucun autre Etat dans le monde qui lors de sa naissance suscita autant d’espoir de la part de tous ceux qui n’avaient jamais cessé d’opposer les forces de l’esprit à la barbarie.
On ne peut pas penser à Israël sans penser à l’histoire du peuple juif. On ne peut pas penser à Israël sans se souvenir des pogroms, des wagons plombés, des chambres à gaz.
On ne peut pas penser à Israël sans penser au Capitaine Dreyfus devant ses juges, aux femmes qui mourraient du typhus dans les camps de la mort, à tous les enfants martyrs de Yad Vashem.
Mais l’histoire du peuple juif n’est pas seulement celle de ses malheurs. Il ne s’est pas contenté de subir. Il a constamment opposé à tous ceux qui voulaient l’anéantir, la force de son caractère, la puissance de sa pensée, la profondeur de sa culture, la vitalité de sa foi.
Il n’a pas laissé au monde que le souvenir de sa souffrance, il lui a donné aussi un trésor d’humanité et de savoir.
Où en serait la sagesse du monde sans les prophètes d’Israël ?
Où en seraient la philosophie, la physique, la littérature, l’économie, sans les penseurs, les savants, les artistes, les entrepreneurs juifs du monde entier qui ont œuvré à toutes les époques au sein de toutes les nations, de toutes les cultures, de toutes les civilisations ?
Où en serait le monde sans Spinoza, sans Freud, sans Einstein ?
Israël est un pays où chacun vient greffer sur le tronc commun sa propre langue, sa propre culture, sa propre sensibilité, sa propre histoire, où chacun vient donner le meilleur de lui-même pour le bien de tous.
En 60 ans ce que vous avez accompli est prodigieux. C’est dans la diversité, la vitalité, l’ouverture de la pensée, la force de création propre au judaïsme, que se trouve le secret de votre réussite d’Israël.
Le judaïsme c’est l’esprit prophétique qui ouvre l’avenir, qui appelle le progrès, qui réclame la justice.
Au milieu des difficultés de tous ordres, les fondateurs de l’Etat d’Israël se sont battus avec toute la force de leur cœur et de leurs bras pour qu’il survive. Le peuple français s’est rangé dès votre naissance à vos côtés, comme il sera toujours aux côtés de l’Etat d’Israël quand son existence sera menacée.
On ne peut pas accepter que quiconque dise: “il faut rayer de la carte Israël”.
Aujourd’hui, et de plus en plus, cette menace a pris la forme du terrorisme. Aucun peuple ne peut vivre sous la menace du terrorisme. Le terrorisme ne s’explique pas. Le terrorisme ne se justifie pas. Le terrorisme se combat !
La France est pleinement engagée dans la lutte contre le terrorisme aux côtés de ses alliés et de ses amis. Elle sait que ce qui est en jeu, ce sont nos valeurs, notre civilisation.
Oui, la France est l’amie d’Israël et elle sera toujours à ses côtés lorsque sa sécurité et son existence seront menacées. Je ne transigerai jamais avec cela.
Et ceux qui appellent de manière scandaleuse à la destruction d’Israël trouveront toujours la France face à eux pour leur barrer la route.
Pour que les choses soient claires et qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, je veux dire que le programme nucléaire de l’Iran appelle une réaction d’une extrême fermeté de toute la communauté internationale. Israël n’est pas seul !
La France est déterminée à poursuivre avec ses partenaires une politique alliant des sanctions de plus en plus dures à l’ouverture, si Téhéran faisait le choix de respecter ses obligations internationales. Mais je le dis avec force : un Iran doté de l’arme nucléaire est inacceptable pour la France !La France ne transigera jamais avec la sécurité d’Israël. Mais on doit la vérité à ses amis. La vérité c’est que la sécurité d’Israël ne sera véritablement assurée que lorsqu’à ses côtés, on verra enfin un Etat palestinien indépendant, moderne, démocratique et viable.
La France ne transigera jamais avec la sécurité d’Israël. Mais on doit la vérité à ses amis. La vérité c’est que la sécurité d’Israël ne sera véritablement assurée que lorsqu’à ses côtés, on verra enfin un Etat palestinien indépendant, moderne, démocratique et viable".C’est dans cet esprit aussi que la France soutiendra de toutes ses forces les grands projets de développement économique régional chers au Président Shimon Péres. Oui, nous avons besoin de la “Vallée de la Paix” !
Au Moyen-Orient se mélangent et s’affrontent depuis des millénaires des peuples qui ont donné à l’humanité tout entière ce qu’il y a de plus élevé dans la pensée, de plus beau dans la religion, de plus important dans le savoir. Tous dans leurs prières parlent d’amour, de justice et de paix. Tous aiment la vie. Tous sont les enfants d’Abraham. Tous ont la Bible en partage.
Ayant bu à la même source, ayant partagé si souvent la même histoire, ils ont tout pour se comprendre et s’entendre. Et cette terre pour laquelle ils se battent avec tant de désespoir, cette terre qui les a vus naître, cette terre où reposent leurs morts, cette terre dans laquelle s’inscrit le souvenir de leurs souffrances et de leurs joies qui se ressemblent tant, cette terre dont on pressent, en regardant ce qui a été accompli ici, en Israël, ce qu’elle pourrait donner à force d’intelligence, de travail et de courage, cette terre qui pourrait devenir un paradis pour tous et grâce à laquelle la misère pourrait être vaincue si elle n’était si souvent ruinée par la guerre, cette terre qui pourrait être si féconde si tous la travaillaient ensemble au lieu de verser sur elle le sang des innocents, cette terre devrait unir les peuples au lieu de les opposer.
En allant au fond d’eux-mêmes, en s’interrogeant sur leur histoire, leurs croyances, leurs valeurs, en regardant ce monument qui va être construit à Jérusalem par deux artistes français, ce livre de la paix pour les peuples du Livre, dans la ville du Livre, un jour prochain, j’en suis sûr, les femmes et les hommes de cette terre magnifique trouveront plus de raisons de se parler pour faire la paix que de se haïr pour continuer à s’affronter.
Juifs, chrétiens ou musulmans, ils se rappelleront la parole du Prophète Isaïe : “Je ferai de Jérusalem mon allégresse. Et de mon peuple ma joie. On n’y entendra plus le bruit des pleurs et le bruit des cris. Ils bâtiront des maisons et les habiteront. Ils planteront des vignes et en mangeront les fruits. Ils ne travailleront plus en vain et ils n’auront plus des enfants pour les voir périr.”
Je veux vous le dire du fond du cœur : quand on est fort on doit tendre la main. Quand on a fait le chemin que vous avez fait depuis 60 ans, on doit être les triomphateurs de la paix, on doit montrer le chemin.
La France ne vous abandonnera pas sur ce chemin.
Vive l’amitié franco-israélienne qui est une profonde et sincère amitié ! Vive la paix pour Israël et pour la Palestine qui est une nécessité pour la paix du monde !
Dalia Itsik, a ouvert la séance en déclarant : La guerre que nous menons n’est pas seulement destinée à protéger notre foyer national, elle a pour but également de protéger votre foyer. Ne dites-pas en France que le terrorisme ne vous atteindra pas. Ce terrorisme ne connaît aucune limite. Le réacteur nucléaire développé en Iran et le terrorisme islamiste en Europe et dans le monde risquent d’arriver à Paris après Jérusalem et Tel Aviv". Itsik a terminé son discours en s’exclamant : “Vive la France”. —
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