luni, 18 octombrie 2010

Alexandre Zinoviev : L'Europe et la Russie ont un destin commun

Vă rog să citiți acest text selectat de mine, în speranța că vă poate interesa. Ce loc au in acest proiect fostele țări socialiste? Cu prietenie, Dan Culcer

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Alexandre Zinoviev : L'Europe et la Russie ont un destin commun
Venu spécialement de Russie (où il était rentré définitivement en juillet 1999, au bout de vingt ans d'exil) pour participer à un colloque parisien, le dissident soviétique Alexandre Zinoviev, qui se déclare aujourd'hui un "dissident de l'Occident", a bien voulu répondre aux questions de L'Esprit Européen touchant à certains aspects de son dernier livre, La Grande Rupture (éd. L'Âge d'Homme, 90F franco, 5 rue Férou, 75006 Paris),  et aux rapports  entre l'Europe, la Russie et l'Amérique dont l'évolution influera sans doute sur la tournure du nouveau siècle. Modeste, plutôt petit, réservé mais alerte (il paraît beaucoup plus jeune que ses soixante dix-huit ans) et  un peu inquiet (souvenirs des persécutions ?) ce grand écrivain dont les romans et les essais se comptent par dizaines, n'a pas la carrure attendue de son personnage.  Pourtant, lorsqu'il s'adresse en russe à la traductrice, une certaine passion transparaît.  Ce n'est pas l'emportement de quelqu'un qui aurait encore des comptes à régler avec son passé, ses ennemis. Non, c'est plutôt l'ardeur calme d'un sage qui a tout vu, tout vécu et enduré, même les pires déceptions, et pourtant ne s'est pas blasé. Cet ancien soldat sait aujourd'hui que le combat continue comme hier, contre un ennemi d'autant plus redoutable qu'il ne porte plus le casque allemand ni la casquette du KGB. Cet ennemi de la Russie serait-il aussi l'ennemi de l'Europe ?
 
L'Esprit Européen : Monsieur Zinoviev,  vous parlez, dans votre ouvrage La grande rupture, de la tendance de la civilisation occidentale à une supracivilisation et placez la construction de l’Union européenne dans une logique de même type. À terme, cette suprasociété européenne, malgré son anti-américanisme,  finirait  par  s’intégrer à  la supracivilisation occidentale. L’Europe peut-elle malgré tout se dissocier de l’Occident, garder une certaine indépendance vis-à-vis du bloc occidental ?
Alexandre Zinoviev : Chacun des pays européens évolue vers une supra-société ; c’est un des aspects de cette évolution. D’un autre côté, les pays européens s’unissent, s’organisent en un nouveau complexe, qui est une suprasociété , mais beaucoup plus complexe et il est impossible d’échapper à la construction de cette suprasociété et ce n’est pas du tout une chose rétrograde ; c’est au contraire une marque de progrès. Il se passe un autre processus qui consiste en l’américanisation de l’Europe. C’est une autre question  et c’est un problème épineux. La question se   pose : est-ce que l’Europe arrivera à résister à cette américanisation ? La lutte pour  l’Europe doit avoir pour objectif de continuer d’exister en tant que suprasociété européenne, non américanisée, non pas sous l’égide de l’Amérique mais indépendante de l’Amérique.
 
EE : Dans quelle mesure l’Europe peut-elle résister à cette américanisation ?  Il y a d’une part le comportement des élites politiques et d’autre part des citoyens, qui ont des sentiments anti-américains, mais qui se sentent impuissants.
A.Z. : De ce point de vue, les pays d’Europe de l’Ouest sont comme divisés. Il y a les élites, les pouvoirs qui sont pour cette américanisation et il y a aussi toute une partie du peuple qui en subit les conséquences et qui la rejette. Mais on ne peut pas prédire l'issue de cette lutte entre les élites et les masses qui subissent.
 
EE : Un certain anti-occidentalisme s’est répandu en Russie. On l’a vu notamment au mois de décembre 1999, lorsque Boris Eltsine, au cours de son voyage à Pékin a rappelé à l’Occident que la Russie restait une puissance nucléaire. Croyez-vous à l’entrée de la Russie dans l’Union européenne ou alors dans une fédération ou confédération d’États européens, respectueuse des différences intra-européennes ? Une telle construction est-elle possible ? La classe politique russe le souhaite-t-elle? On attend évidemment beaucoup du nouveau président russe : est-il disposé à une telle construction commune avec l’Europe, en admettant, bien sûr, que l'Europe elle-même y soit favorable?
A.Z. : La situation en Russie est actuellement beaucoup trop complexe ; une partie de la population souhaite s’occidentaliser. Une autre, au contraire, s’y oppose. Mais l’initiative appartiendra  certainement  à la partie qui  veut
s’occidentaliser. Ce processus d’occidentalisation est en train de s'accomplir et rien, sans doute, ne pourra l'interrompre.
 
EE : Qu’entendez-vous par occidentalisation ? Une américanisation ?  
A.Z. : On ne peut pas dire les choses aussi simplement que cela.  Ceux qui sont vraiment pro-occidentaux sont plutôt du côté des Américains. Et il y a une autre partie qui voudrait mieux une occidentalisation, mais européenne. Mais dans la mesure où l’Amérique elle-même domine l’Europe de l’Ouest, pour l’instant c’est l’américanisation qui domine. Mais quand même il y a une tendance qui essaye de se rapprocher de l’Europe de l’Ouest et pas de l’Amérique. C’est très sensible, surtout avec l’Allemagne et avec la France. Avec l’Allemagne pour des raisons économiques, avec la France pour des raisons plutôt culturelles, et psychologiques aussi. La France a toujours été très proche des Russes et les Russes ont toujours eu beaucoup de sympathie pour les Français et c’est certainement mutuel. Et cette tendance-là se maintient, elle persiste et produira certainement des effets.
 
EE :Comment l’Europe de l’Ouest peut-elle aider la Russie, alors que l’aide occidentale a été critiquée l’année dernière ? Comment l’Europe peut-elle contribuer à un rapprochement ?
A.Z. : Il n’y a pas d'obstacles majeurs à ce rapprochement . Il faut que les capitaux d’Europe de l’Ouest s’investissent en Russie. Nous devons créer des entreprises communes, développer les échanges culturels entre les populations, et il est vrai que l’Europe est plus proche que l’Amérique de ce point de vue-là. Il ne faut pas oublier qu’une grande partie de la Russie fait  partie intégrante, géographiquement, de l’Europe. 30 % de la population russe d’aujourd’hui se considère comme européenne. Ma génération a été élevée dans la culture européenne et pour  nous, le destin de la France ou d’autres puissances européennes, c’est notre propre destin. Et le destin de la Russie,  cela je le dis très fermement, dépend dans une grande mesure du destin de l’Europe de l’Ouest. Si l’Europe de l’Ouest est capable de défendre sa souveraineté, alors la Russie pourra, elle aussi, défendre sa propre souveraineté. Et ce qui serait important, ce serait que la France, idéologiquement, dans le domaine des idées, soutienne la Russie, qu’elle se montre plus amicale envers la Russie, ne serait-ce que dans les journaux, dans les livres,  dans la culture.  Tout commence par là.
Devant notre dernière question, concernant son sentiment vis-à-vis d'une éventuelle entrée de la Turquie dans l'Union européenne alors qu'il n'est pas encore question d'y admettre la Russie, Alexandre Zinoviev se déclare incompétent. Sans doute, avec la réserve qui lui est coutumière,  ne veut-il pas s'immiscer dans les affaires intérieures de l'Europe. Avec la même pudeur, nous ne lui parlerons pas des événements de Tchétchénie qui sont , comme l'occupation des Balkans par l'OTAN, une conséquence des grandes manœuvres américaines d'encerclement du continent qu'il ne cesse de dénoncer.
Mais déjà on a l'impression que ce petit bonhomme pressé se sent "un homme en trop" au milieu de cette foule parisienne. Il jette un regard furtif derrière lui, puis vers sa montre. D'autres dédicaces à apposer sur son livre l'attendent. Nous l'excusons volontiers. Sur la table, les piles de La grande rupture  ont fondu à vue d'œil. Certains passages de ce livre sont une véritable bombe contre la pensée unique de l'occidentisme. Mais on peut penser que ce n'est qu'un brûlot de plus dans cette démocratie du "cause toujours !", dans cet Occident à l'ombre des places fortes financières et  des bases rutilantes de l'OTAN où l'on peut tout dire mais où ça ne sert à rien, car personne ne vous écoute vraiment,  comme le faisait remarquer un autre dissident russe.
Entretien recueilli par Jan Mahnert pour l'Esprit Européen n° 2, printemps 2000.

Extraits de Alexandre Zinoviev, La grande rupture, L'Âge d'homme, 1999
Propagande et domination
" Nous sommes libres, riches et heureux, et nous voulons vous aider à devenir aussi libres, riches et heureux que nous " : voilà à peu près le message que l'idéologie et la propagande occidentales inculquent aux peuples en cours d'occidentisation. " Mais pour cela, vous devez faire chez vous, dans vos pays, ce que nous vous conseillons de faire ".

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La conquête américaine de l'Europe
" La domination de l'Europe occidentale par les États-Unis et l'américanisation du continent étaient l'un des aspects de ce processus (d'hégémonie). De quelque parure idéologique que l'on habille cette intervention historique des États-Unis (lors des deux guerres mondiales et pendant la "guerre froide"), il s'agissait de facto d'un asservissement de l'Europe occidentale par une puissance étrangère. Les États-Unis ont accompli ce que l'Allemagne hitlérienne avait tenté de faire, mais par d'autres moyens : humains, démocratiques, économiques, politiques, idéologiques, culturels. Et non à la manière d'un  blitzkrieg, mais sous la forme d'une action historique durable et patiente ".


La stratégie de la violence permanente
" Si la décision avait été prise, la Serbie aurait cessé d'exister en quelques heures. Les dirigeants du Nouvel ordre mondial ont apparemment choisi la stratégie de la violence permanente. Les conflits locaux vont se succéder   pour être arrêtés par la machine de "guerre pacifique" que nous venons de voir à l'œuvre . Cela peut, en effet , être une technique de management planétaire. L'Occident contrôle la majeure partie des ressources naturelles mondiales. Ses ressources intellectuelles sont des millions de fois supérieures à celles du reste de la planète. C'est cette écrasante supériorité qui détermine sa domination technique, artistique, médiatique, informatique, scientifique dont découlent toutes les autres formes de domination.
Tout serait simple s'il suffisait de conquérir le monde. Mais il faut encore le diriger. C'est cette question fondamentale que les Américains essaient maintenant de résoudre. C'est cela qui rend "incompréhensibles" certaines actions de la "communauté internationale".
Pourquoi Saddam est-il toujours là ? Pourquoi Karadzic n'est-il toujours pas arrêté ? "
NDLR : Saddam est un peu moins là aujourd’hui, mais les mystérieux Ben Laden, Al Zarkaoui et consorts courent toujours et c'est heureux, semble-t-il, pour ceux qui ont misé si gros sur l'anti-terrorisme pour enrégimenter le monde derrière leur politique conquérante.


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