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L’épidémie du sida. Mondialisation des risques, transformations de la santé publique et développement
Chaire internationale Savoirs contre pauvreté 2009-2010.
Leçon prononcée le 7 janvier 2010.
Peter Piot
Résumé | Plan | NdlR | Texte | Documents annexes | Notes | Citation | Auteur
Résumé
Trente années de riposte mondiale à l’épidémie du sida ont transformé la pratique de la santé publique et influencé les politiques de développement international. Longtemps directeur de l’ONUSIDA, Peter Piot en dresse le bilan. Il montre comment la lutte pour la prévention et pour le traitement des personnes porteuses du VIH a favorisé les approches multidisciplinaires et multisectorielles, l’engagement des communautés affectées, la promotion des droits de la personne, une évaluation rigoureuse des programmes, et une mobilisation mondiale des gouvernements et de la société civile. Ces approches peuvent être appliquées à d’autres problèmes de santé et de développement.
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Plan
1. Premiers résultats
2. La synergie entre la science, la politique et les programmes de mise en œuvre
3. L’impact du sida sur la santé publique et le développement international
a/ La combinaison explicite des données scientifique et des droits de l’homme comme base des politiques
b/ La primauté du politique
c/ L’engagement communautaire
d/ La multidisciplinarité
e/ L’approche globale
4. Les mythes du sida
a/ L’épidémie serait surestimée
b/ Il y aurait une solution simple
c/ Trop d’argent serait consacré au sida
d/ Les programmes sida affaibliraient les services de santé en Afrique
e/ Il suffirait de renforcer les systèmes de santé existants
5. Une vision à long terme
6. Conclusion
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NdlR
La chaire internationale Savoirs contre pauvreté reçoit le soutien de l’Agence Française de Développement.
Texte intégral
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1Monsieur l’Administrateur,
Chers collègues,
Chers amis,
2Malgré les progrès de la science et de la technologie, et une bien plus grande maitrise de l’information, l’histoire récente est pleine de surprises et d’événements non anticipés, que ce soit la crise financière actuelle, les attentats du 11 septembre 2001 ou la percée de la téléphonie mobile dans les pays les plus pauvres.
3Le sida en est un autre exemple. Une pandémie d’un rétrovirus sexuellement transmissible et mortel n’entrait dans le scenario de personne ! Un virus qui n’était même pas connu il y a moins de trente ans a bouleversé les schémas de progrès en matière de santé et de développement socio-économique dans de nombreux pays, surtout en Afrique subsaharienne. Ainsi, en trois décennies, à peu près soixante millions de personnes ont été infectées par le VIH – le virus de l’immunodéficience humaine –, parmi lesquelles vingt-cinq millions sont mortes jusqu’ici. Ces dizaines de millions de personnes ont été connectées les unes aux autres par des rapports sexuels, par exposition aux produits sanguins ou aiguilles contaminés, ou parce que leur mère était infectée par le VIH. En outre, selon les études génétiques et épidémiologiques, il est probable que tout a commencé avec une seule personne et un unique virus. Tout ceci montre une autre face de la mondialisation, ainsi qu’une nouvelle dimension du concept de parents de sang ! L’attribution du prix Nobel de médicine à Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi pour la découverte de la cause du sida n’a pas seulement couronné une percée scientifique : elle a également marqué la reconnaissance du sida comme un des grands défis scientifiques et sociaux de notre époque.
* 1 D.M. Morens, G.K. Folkers & A.S. Fauci, 2004, « The challenge of emerging and reemerging infect (...)
4Le sida est aussi la preuve dramatique que des microbes continuent à apparaitre à l’époque des antibiotiques et des médicaments antiviraux, même si l’opinion dominante dans les années 1970, avant donc l’apparition du sida, était que les maladies infectieuses sont sous contrôle. Depuis que j’ai obtenu mon diplôme de médicine, au moins quarante virus, bactéries, prions et parasites ont été découverts et reconnus responsables d’épidémies d’ampleurs diverses1.
5Mais la signification du sida va au-delà des domaines de la science et de la santé. Cette épidémie remet en question aussi bien les valeurs de la société concernant la sexualité et le colloque entre patient et médecin que le financement et la pratique du développement international. Ainsi la riposte au sida peut transformer à la fois la santé publique et le développement international. Dans ce cours, je m’attacherai à montrer la spécificité de la riposte mondiale à l’épidémie du sida, la manière dont elle peut transformer la santé et le développement, et le besoin d’une nouvelle stratégie à long terme.
1. Premiers résultats
6L’épidémie du sida continue son expansion mondiale depuis trois décennies : aujourd’hui, 33,4 millions de personnes vivent avec le VIH ; en 2008, 2,7 millions de nouvelles infections ont été contractées et il y a eu 2 millions de décès2. Qui aurait pu prévoir la pire pandémie de l’histoire moderne depuis la grippe espagnole quand, en juin 1981, le Weekly Morbidity Mortality Report des Centers for Disease Control d’Atlanta a publié un bref article sur un syndrome d’origine inconnue, caractérisé par une pneumonie rare causée par Pneumocystis carinii chez cinq hommes blancs homosexuels aux États-Unis ? Il s’agit d’un dilemme classique en santé publique : quand on détecte quelques cas d’une nouvelle maladie, ces cas resteront-ils isolés ou s’agit-il du début d’une épidémie ? Les expériences du sida, du SARS et de l’encéphalite spongiforme bovine, notamment, ont introduit le principe de précaution3 en santé publique ; son application la plus récente est la campagne contre la grippe H1N1. On peut se poser la question légitime de savoir combien de millions d’infections par le VIH et de morts auraient pu être évitées si les responsables sanitaires et politiques avaient appliqué ce principe de précaution à l’échelle planétaire dès le début de l’épidémie du sida, en y mettant les moyens déployés ces dernières années.
* 2 UNAIDS/World Health Organization, AIDS Epidemic Update, Genève, novembre 2009.
* 3 Philippe Kourilsky & Genevieve Viney, Le Principe de précaution, Odile Jacob, 2000.
7En 2008 – ma dernière année en tant que directeur exécutif de l’Onusida –, nous avons été en mesure, pour la première fois, de publier un rapport sur la situation mondiale du sida qui n’était pas uniquement désastreux. Même si le nombre de personnes vivant avec le VIH dans le monde continue d’augmenter, on a maintenant la certitude que le nombre de nouvelles infections et de morts est à la baisse. Enfin ! Les efforts collectifs contre le sida commencent à porter leurs fruits.
8C’est dans le domaine de l’accès aux traitements que les progrès ont été les plus spectaculaires. Fin 2008, quatre millions de personnes dans les pays à moyen et faible revenu bénéficiaient d’un traitement antirétroviral. Bien que ceci ne représente que 42% des besoins, nous venons de très loin : en 2000, moins de 200 000 personnes étaient sous traitement antirétroviral dans les pays en développement – la majorité vivant au Brésil, premier pays en développement à offrir gratuitement les soins aux personnes infectées par le VIH. L’impact de cet accès grandissant aux traitements est déjà mesurable en termes de vies sauvées, que ce soit dans des pays ayant atteint une couverture très large du traitement (comme le Botswana, la Namibie ou le Rwanda) ou au niveau mondial où l’Onusida estime que, sans traitement, la mortalité cumulative du sida dans le monde aurait été de près de trois millions de personnes supplémentaires, dont 1,2 millions en Afrique sub-saharienne. Ce progrès dans l’accès à une nouvelle technologie – les médicaments antirétroviraux –, réalisé en quelques années seulement, est sans précédent dans l’histoire du développement international.
* 4 Maria Nilsson, Robert Beaglehole & Rainer Sauerborn, 2009, « Climate policy : Lessons from toba (...)
9Les progrès en matière de prévention sont moins spectaculaires, bien que de nombreux pays connaissent une baisse du nombre des nouvelles infections par le VIH. De manière globale, pour chaque nouveau patient mis sous traitement, presque trois nouvelles infections par le VIH surgissent quelque part dans le monde, comme si nous perdions toujours la course avec le virus. Même une intervention relativement simple, à prix bas, non stigmatisée par le sexe ou la drogue, comme la prévention de la transmission mère-enfant du VIH, a connu des difficultés pour sa mise en œuvre pendant plus d’une décennie. Aujourd’hui, il y a moins de nouveau-nés infectés par le VIH, mais 45% des femmes enceintes seulement ont accès à cette intervention, alors que celle-ci a été découverte dès la fin des années 1990. Une fois encore, « preuve scientifique » ne signifie pas automatiquement « acceptation » et « action ». Beaucoup de science est perdu dans la traduction – lost in translation… Nous l’avons constaté dans de très nombreux de secteurs de la santé. Par exemple, la convention internationale sur le contrôle du tabagisme n’a été approuvée par les États membres de l’OMS que plus de cinquante ans après que la preuve de la corrélation entre tabac et cancer du poumon a été établie par Doll et Hill4 : une inaction qui a causé des millions de morts et qui continue à tuer. Pour éliminer la pauvreté, le monde a sans doute encore plus besoin de Application des sciences contre la pauvreté que de Savoirs contre pauvreté !
10Malgré ces résultats encourageants, ne perdons pas de vue que l’épidémie du sida est loin d’être terminée. L’Afrique australe connait toujours des taux de prévalence qui dépassent 30% parmi les femmes enceintes – des taux inimaginables au début de l’épidémie. En Afrique du Sud, un demi-million de personnes sont infectées par le VIH chaque année, et le nombre d’orphelins à cause du sida ne fait qu’augmenter. Dans plusieurs pays de l’Europe de l’Ouest, nous voyons une recrudescence du nombre d’infections par le VIH parmi les hommes homosexuels, et les pays de l’ex-Union Soviétique sont encore une région, la seule au monde, où le taux de prévalence du VIH continue d’augmenter. De nouveaux fronts s’ouvrent en Asie avec des épidémies de VIH parmi des populations homosexuelles. Et, de toute façon, avec 5 500 morts par jour à cause du sida, on peut difficilement parler de succès…
2. La synergie entre la science, la politique et les programmes de mise en œuvre
11Comment ces changements dans la lutte contre le sida ont-ils eu lieu ? Pour le dire en une phrase, ces résultats ont été obtenus par une synergie entre découvertes scientifiques, engagement politique et mise en place de programmes de mise en œuvre. Mais, en dernière instance, c’est la politique qui a fait la différence.
12La découverte en 1996 que l’infection par le VIH pouvait être médicalement traitée a bouleversé l’épidémie du sida aussi bien dans sa réalité que dans sa perception – tout au moins dans les pays riches. La découverte du traitement antirétroviral a été un véritable game changer comme disent les stratèges militaires américains – un modificateur du jeu –, une de ces innovations technologiques ou politico-sociales qui, de temps en temps, bouleversent complètement les règles du jeu stratégique. Après l’annonce de cette percée scientifique, lors de la 11e Conférence Internationale sur le Sida à Vancouver en juillet 1996, j’ai interpellé les responsables politiques et sanitaires, les invitant à agir pour que ces nouveaux médicaments n’atteignent pas seulement les patients dans les pays riches mais aussi ceux qui en ont besoin dans les pays en développement. Il allait falloir attendre dix ans avant qu’au moins un million d’Africains aient accès à ce traitement. La preuve scientifique qu’il était possible d’éliminer presque entièrement la transmission du VIH de la mère à l’enfant par une prophylaxie antirétrovirale offrait une deuxième possibilité d’intervention médicale.
13Malgré ces percées scientifiques, le VIH continuait apparemment sans obstacle sa diffusion de par le monde : les patients continuaient à mourir et les nouveau-nés à être infectés par leur mère. La raison principale de cette absence de traduction de la science dans l’action était l’absence de volonté politique, le déni de la part des leaders des pays les plus affectés, et le manque de moyens financiers. L’appel de Jacques Chirac à Abidjan, en décembre 1997, fut une exception à cette « règle » d’inaction politique, mais l’engagement financier de la France et des autres bailleurs de fonds ne suivit pas. Ainsi, le Fonds de Solidarité Thérapeutique International, fondé par Bernard Kouchner, n’avait qu’un impact très limité, faute de moyens. Lors de la phase d’expansion rapide du sida, il n’existait qu’une faible perception de la mondialisation, hormis la mondialisation des marchés. Les pays riches n’étaient pas encore prêts à investir dans le traitement d’une maladie infectieuse en Afrique et à dévier des schémas classiques de coopération au développement, qui n’admettaient pas une prise en charge de patients entraînant des couts récurrents importants. Avant « l’appel d’Abidjan » du président Chirac, le président Nelson Mandela avait soulevé le probléme du sida devant le monde des affaires, au Forum Economique Mondial de Davos en janvier 1997, à une tribune où était présent Richard Sykes, le PDG de GlaxoWellcome. Ce laboratoire était le producteur de l’AZT, premier médicament antirétroviral, et aussi l’un de ceux qui avaient attaqué devant les tribunaux le gouvernement sud-africain pour sa décision d’importer des médicaments génériques. Pourtant, Nelson Mandela resta silencieux sur le sida dans son propre pays jusqu’en décembre 2000, même si ensuite il devint très actif dans ce domaine.
14Ce n’est que lorsque le sida est devenu un enjeu politique international que la riposte à l’épidémie a été engagée à une échelle correspondant à la gravité du problème. Pour cela, il fallait tout d’abord faire inscrire le sida dans le contexte des questions économiques et dans celui des problèmes de sécurité – les deux grands thèmes de la politique internationale. Un premier pas important eut lieu avec le débat sur le sida comme problème de sécurité au Conseil de Sécurité des Nations Unies, lors de sa première réunion du millénaire, présidée par le vice-président Al Gore, le 8 janvier 2000,. La réunion ne fut possible que grâce à la ténacité de l’ambassadeur des États-Unis, Richard Holbrooke, qui dut convaincre ses collègues du Conseil de Sécurité qu’une pandémie constituait un problème de sécurité d’une nouvelle espèce. Avec ce débat, la question du sida acquit enfin une légitimité au-delà des cercles de la santé publique.
* 5 Assemblée générale de l’ONU, Déclaration d’engagement sur le VIH/sida, 2 août 2001.
15Rétrospectivement, on peut considérer que c’est en 2001 qu’eut lieu le véritable tournant dans la lutte mondiale contre le sida – le tipping point ou « point de basculement », comme l’a appelé Malcolm Gladwell. En avril 2001, une quarantaine de chefs d’État africains brisent le silence autour du sida lors d’un sommet spécial de l’Organisation de l’Unité Africaine à Abuja, présidé par le Président Obasanjo du Nigéria. Deux mois après, sur proposition de l’Ukraine lors du débat au Conseil de Sécurité, l’Assemblée Générale des Nations Unies organise pour la première fois une session extraordinaire de trois jours sur un problème de santé, le sida. Plus de quarante chefs d’État et de gouvernement y participent, et tous les États membres des Nations Unies adoptent une résolution d’engagement sur le VIH/sida, qui inclut des promesses très précises dans les domaines de la prévention et du financement de la lutte contre le sida5. Cet évènement historique a eu un impact profond dans un grand nombre de pays.
16Pourtant, cette déclaration très forte pour les Nations Unies comportait une lacune terrible et difficile à comprendre aujourd’hui : l’absence de tout objectif pour l’accès au traitement antirétroviral. Hormis la France, le Luxembourg, les pays des Caraïbes et les pays latino-américains du groupe de Rio, tous les États membres étaient farouchement opposés à l’inclusion d’un objectif d’accès au traitement antirétroviral. Ils étaient soutenus dans cette position par les experts en santé publique et en développement, par les agences bilatérales de développement international et par la Banque Mondiale. Ceux-ci s’appuyaient sur des arguments financiers de rapport coût/efficacité, et sur l’état lamentable – bien réel – des services de santé en Afrique sub-saharienne. Le sida dérangeait clairement les tenants de l’orthodoxie en santé publique et en développement, et le débat en général ne brillait pas par son niveau d’argumentation scientifique. Ainsi, par exemple, l’administrateur de l’époque de l’USAID, l’agence américaine pour le développement international, déclara à cette occasion que, comme les Africains n’avaient pas de montres, ils ne sauraient jamais à quelle heure prendre leurs médicaments. Paradoxalement, ces tenants de l’orthodoxie trouvèrent un allié puissant en la personne du président d’un des pays les plus touchés par le sida, le Sud-africain Thabo Mbeki, lequel avait été convaincu par des chercheurs américains que le VIH n’était pas la cause du sida et que c’étaient les antirétroviraux qui tuaient les malades !
17Ce n’est que plus tard, sous l’impulsion des militants antisida, du secrétaire-général des Nations Unies, Kofi Annan, ainsi que du président George W. Bush et de ses alliés religieux et médicaux, que l’accent de la lutte contre le sida s’est déplacé de la prévention au traitement. Comme le savent les lobbyistes, il ne suffit pas de convaincre les leaders politiques de la gravité d’un problème : il faut aussi leur présenter une solution – de préférence simple et pas chère. Les médicaments antirétroviraux, avec leur effet de Lazare, offraient cette « solution » aux yeux des décideurs, avec la attrait supplémentaire pour certains qu’on peut alors éviter de parler de sexe et de drogue.
18Cet engagement politique international au plus haut niveau n’est pas né spontanément ; il a été, pour une bonne part, le résultat de l’action d’une société civile de plus en plus connectée internationalement grâce aux nouvelles technologies de communication. L’exemple le plus puissant de cet activisme est le Treatment Action Campaign (TAC) en Afrique du Sud, mené par Zackie Achmat, un militant gay de l’ANC qui vit avec le VIH. Le TAC est devenu rapidement un mouvement de masse dans un pays qui compte plus de cinq millions de séropositifs et qui a une longue tradition de lutte contre l’apartheid. À la même époque, les militants contre le sida aux États Unis et en Europe ont réorienté leur énergie, qui est considérable, vers les problèmes des pays en développement et émergents. Jusqu’alors ils s’étaient occupés quasiment exclusivement de la situation dans leurs propres pays. Mais leur action, bien coordonnée, s’est alors cristallisée autour de la création d’un mécanisme de financement spécifique pour le sida dans les pays en développement.
* 6 Adam Hochschild, Bury the Chains, Houghton Mifflin Company, 2005.
19Ainsi pendant quelques années, une « brillante coalition » internationale a existé contre le sida – pour utiliser l’expression d’Adam Hochschild dans son livre remarquable sur le mouvement pour l’abolition de l’esclavage en Grande Bretagne aux xviie et xviiie siècles, Bury the Chains6 ). Par exemple, en Afrique du Sud, le sida a donné naissance à une alliance improbable entre les militants antisida, les évêques anglicans, la Chamber of Mines, les syndicats, le parti communiste et les Nations Unies. Aux États Unis, l’appui des chrétiens évangélistes a été décisif dans la création du « President’s Emergency Plan for AIDS Relief » par le Président G.W.Bush.
20Dans le même temps, des structures de lutte contre le sida et des conseils nationaux au plus haut niveau, souvent attachés à la présidence, furent mis en place, donnant le cadre institutionnel nécessaire aux programmes de lutte contre le sida, qui s’émancipèrent ainsi de la tutelle des ministères de la Santé, souvent sans moyens et politiquement faibles. Des projets-pilotes furent mis en place dans les années 1990 par l’Onusida et par des ONG dans les pays le plus touchés par l’épidémie, démontrant que le traitement antirétroviral est réellement possible dans des pays dont l’infrastructure sanitaire est défaillante.
* 7 Kofi Annan, Discours d’Abuja, 26 avril 2001 ; Bernhard Schwartlander, John Stover, Neff Walker et a (...)
21Il ne manquait plus que l’argent. Et il fallait beaucoup d’argent, comme le montraient les études de l’Onusida : à peu près 7 milliards de dollars par an ; c’est ce qu’avait demandé Kofi Annan dans son discours d’Abuja en 20017. À l’issue de la session extraordinaire sur le VIH/sida de l’assemblée générale des Nations Unies et du sommet du G8 à Kyushu/Okinawa la même année, le Fonds mondial de Lutte contre le Sida, la Tuberculose et la Malaria fut créé en 2002 par tous les pays donateurs et par plusieurs pays émergents ou en développement. Il faut noter que ce fonds multilatéral finance également la lutte contre la tuberculose et contre le paludisme, qui depuis des décennies manquaient cruellement dl’argent. Il s’agit d’un des multiples « bénéfices collatéraux » du sida. Aujourd’hui le Fonds, dirigé par Michel Kazatchkine, est devenu le plus grand financier multilatéral de programmes de santé dans les pays en développement.
* 8 Lindsay Knight, UNAIDS. The first 10 years, Genève, UNAIDS, 2008.
22C’est un allié inattendu qui a permis le saut qualitatif nécessaire dans le financement, où l’on compte désormais en milliards de dollars et plus non seulement en millions, comme c’était le cas jusqu’en 2000. À la surprise générale, y compris dans son propre parti, le président George W.Bush demanda au Congrès américain 15 milliards de dollars pour la lutte contre le sida dans le monde, dans son Discours sur l’état de l’Union de janvier 2003. Il s’agissait d’un nouveau game changer dans la riposte mondiale au sida : le financement des programmes sida changea radicalement et la priorité fut donnée au traitement ; le tabou qui pesait jusqu’alors sur le financement récurrent d’un traitement à vie dans le monde du développement était brisé. Il faut souligner également que le financement du sida constitue une des rares promesses respectées par les États membres des Nations Unies, au moins pour 2005. Depuis 2001, les dépenses annuelles pour le sida dans les pays en développement et émergents ont plus que décuplé pour atteindre 14 milliards de dollars en 2008 ; plus d’un tiers venaient des pays en développement eux-mêmes8. Le contexte de croissance économique mondiale de l’époque a joué sans doute un rôle favorable dans cette augmentation spectaculaire, ainsi que l’augmentation de l’aide officielle au développement pendant la même période.
* 9 Ibid.
23La dernière pièce du puzzle était le prix des médicaments antirétroviraux. Même avec un financement international considérable, le prix des antirétroviraux les rendait inaccessibles pour des programmes publics de traitement dans les pays pauvres, et il décourageait les bailleurs de fonds et les gouvernements des pays en développement, surtout au vu de l’énormité des besoins : déjà presque 10 millions de gens avaient besoin d’un accès au traitement pour survivre. L’histoire de la baisse de plus de 95% du prix des médicaments antirétroviraux devra un jour être écrite. En Ouganda, par exemple, le traitement de première ligne du sida coûtait annuellement 12 000 dollars en 1998 : il coûte aujourd’hui entre 85 et 300 dollars9. Cette diminution du prix est le résultat d’une combinaison d’actions : les négociations de l’Onusida, puis de la Fondation Clinton, avec les grands laboratoires pharmaceutiques, des initiatives politiques comme celle de la Commission Européenne avec le commissaire Pascal Lamy, la pression des activistes antisida et, enfin, l’apparition sur le marché mondial, au début de ce siècle, des producteurs indiens de médicaments génériques, qui a été rendue possibles par le relâchement des règles de la protection de la propriété intellectuelle décidé lors de la conférence de Doha de l’Organisation Mondiale du Commerce.
* 10 Jeremy Shiffman & Stephanie Smith, 2007, « Generation of political priority for global health i (...)
24On m’a souvent demandé pourquoi, comparativement aux autres problèmes majeurs de santé et de développement, le sida reçoit autant d’attention, au point à susciter des jalousies. Le politicologue Jeremy Schifman nous donne une partie de la réponse dans son analyse des déterminants politiques des initiatives globales10. Dans le cas du sida, pratiquement tous les facteurs clé – le pouvoir des acteurs, le positionnement intellectuel et opérationnel, le contexte politique et les spécificités de la cause – étaient présents et, pendant une phase cruciale, ils ont agit en synergie.
25L’histoire récente du sida montre une fois de plus que, pour qu’un changement social se produise, un nombre de conditions doivent être réunies. Comme le savaient bien nos ancêtres, il faut que les étoiles soient alignées pour que de grandes choses arrivent !
3. L’impact du sida sur la santé publique et le développement international
26Comme le sida ne correspondait à aucun des schémas de la santé publique ou du développement international, une riposte spécifique s’est développée au travers des différentes phases de l’épidémie. Certaines spécificités étaient imposées par l’absence initiale (le traitement) ou continue (la prévention) de solutions technologiques ; d’autres, comme le rôle fondamental de l’activisme des personnes vivant avec le VIH, sont liées à la fois à la nature même de l’infection, qui touche principalement les jeunes adultes après une phase prolongée de bonne santé, au stigma et à la discrimination liés au VIH, et à l’émergence d’un nouveau type de militantisme. Ces acquis commencent à offrir des approches utiles pour d’autres problèmes de santé et de développement.
27Je discuterai ici cinq éléments : A) la combinaison explicite des données scientifiques et des droits de l’homme comme base des politiques ; B) la primauté du politique ; C) l’engagement communautaire ; D) la multidisciplinarité ; E) l’approche globale.
a/ La combinaison explicite des données scientifique et des droits de l’homme comme base des politiques
28Tout d’abord, l’agenda de la riposte au sida a été guidé tant par les données scientifique que par le point de vue des droits de l’homme. Cette double inspiration a été nécessaire pour s’assurer que les produits de la science atteignent tous ceux qui en ont besoin. L’accent mis sur le droit humain implique aussi un refus des considérations pratiques usuelles. Par exemple, avec le mouvement sida, la discussion budgétaire internationale s’est déplacée d’un débat technique de gestion de la pénurie en aide internationale à un débat sur les meilleurs moyens d’élargir le gâteau. Il reste à voir quel degré de robustesse conservera cette stratégie en temps de crise budgétaire.
* 11 Peter Piot, Aids : From Exposing to Overcoming Injustices, Discours à Clark University, Worcester, (...)
29Cette approche du sida du point de vue des droits de l’homme n’a pas seulement fait apparaître des injustices comme les inégalités entre les sexes ou les discriminations sur la base de l’orientation sexuelle ; elle a aussi aidé à surmonter ces injustices11. Ainsi, le sida a joué un rôle-clé dans le mouvement des droits gays dans les années 1980 et 1990 dans les pays occidentaux et en Amérique latine, et il le joue aujourd’hui dans un nombre croissant de pays africains et asiatiques. Par exemple, suite a une requête de groupes d’action sur le sida, la Cour Suprême de l’Inde a déclaré contraire à la constitution la section 377 du code pénal interdisant les relations sexuelles entre deux hommes – qui était un héritage du colonialisme britannique. Le sida a aussi brisé un autre tabou : le droit à l’accès aux médicaments nouveaux et chers dans les pays en développement, par une révision des règles ADPIC de l’OMC, et par la reconnaissance du droit de produire des médicaments génériques. Sous ces aspects là, la catastrophe qu’est le sida a été retournée en changements sociaux positifs.
30Fondamentalement, cette association entre science, promotion des droits de l’homme et mobilisation communautaire signifie un retour aux origines de la santé publique, à l’époque où les options technologiques ainsi que les vaccins et les médicaments étaient en nombre très limité.
b/ La primauté du politique
31Une deuxième leçon de la lutte contre le sida est la confirmation de la primauté de la politique, tant pour le progrès que pour l’inaction. Comme je l’ai montré dans un article intitulé « Good politics, bad politics »12, chaque fois que nous avons fait des progrès dans la lutte contre le sida, ce fut grâce à des décisions politiques justes ; et, inversement, les décisions politiques mauvaises (ou les absences de décision) ont mené constamment à un surcroît d’infections par le VIH et à une augmentation du nombre des victimes. Nous avons déjà vu comment une série de décisions politiques prises au début de ce siècle ont créé un contexte favorable pour le financement de la lutte contre le sida, et comment, grâce à l’action contre le sida, la santé figure désormais à l’agenda des grands forums mondiaux et régionaux – des Nations Unies au G8.
* 12 Peter Piot, Sarah Russell & Heidi Larson, 2007, « Good politics, bad politics : the experience (...)
32Mais l’implication de décisions politiques vaut aussi pour des questions à première vue techniques. Un exemple extrême de l’impact négatif potentiel d’une politique a été la position négationniste du Président Thabo Mbeki. La politique d’obstruction au traitement antirétroviral qu’a menée son gouvernement montre que des politiques de santé publique n’ont pas seulement un intérêt académique : elles peuvent signifier la différence entre la vie et la mort. Ainsi, un groupe de l‘université de Harvard a calculé que ce refus d’offrir le traitement antirétroviral a couté la vie à au moins 300 000 sud-africains. Heureusement le gouvernement du président Jacob Zuma mène maintenant le plus grand programme national de traitement du sida au monde. De la même façon, le refus de nombreux gouvernements – des États Unis à la Russie, en passant par la Thaïlande – de fournir des seringues, des aiguilles stériles et un traitement par la méthadone ou autre médicament de substitution aux usagers de drogue continue d’attiser une épidémie qui reste hors contrôle parmi les toxicomanes. Qu’un changement de politique dans ce domaine ultra sensible soit possible, cela a été démontré par la décision qu’ont prise en juin 2005 les dirigeants chinois de promouvoir ces programmes de réductions des risques, même si c’est toujours en coexistence avec des approches purement répressives. Enfin, la décision du précédent Congrès américain d’allouer un tiers du budget de la prévention du VIH pour des programmes d’abstinence sexuelle a représenté un gaspillage énorme de plusieurs milliards de dollars de l’argent du contribuable américain (tax payer’s money) : des études scientifiques ont montré que ces programmes n’avaient aucun impact.
* 13 Alex de Waal, « Looking ahead : Leadership for HIV/AIDS », Synthesis paper for leadership track of (...)
33L’histoire du sida montre donc que la science sans la politique ne bénéficie pas aux gens ; mais elle montre aussi que la politique sans la science peut être dangereuse et entraîne au minimum un gaspillage d’argent. Il s’agit d’un équilibre difficile à trouver, et encore plus à maintenir ; mais, pour que la santé publique donne le meilleur d’elle-même, il faudra qu’elle implique davantage encore les décideurs politiques et qu’elle incorpore les sciences politiques et sociales dans son champ intellectuel13.
c/ L’engagement communautaire
34Le troisième élément est peut-être le plus puissant : l’ancrage de la riposte au sida dans l’engagement communautaire, et l’émergence des personnes vivant avec le VIH comme acteurs à part entière de cette lutte, que ce soit au niveau politique, au niveau technique ou à celui de la mise en œuvre. La santé publique est largement dominée par des solutions coût/efficacité imposées par le haut, et souvent sans que leur impact soit imaginé par les experts bien intentionnés. Dans le cas du sida, la répugnance de beaucoup de gouvernements à faire face à la crise qu’il a provoquée, a donné de l’espace à la société civile, en premier lieu aux personnes vivant avec le VIH (de la même manière que, au début des années 1980, cette nouvelle maladie avait donné de l’espace aux jeunes chercheurs, dont j’étais). Initialement il s’agissait de groupes de protestation comme ActUp, ou de groupes d’appui comme The Aids Support Organization (TASO) en Ouganda, qui est l’archétype des groupes communautaires sur le sida en Afrique14. Graduellement ces groupes sont devenus plus impliqués dans la formulation des politiques au niveau national et, de plus en plus aussi, en tant que maitres d’œuvre de programmes de prévention et de traitement. Le slogan du mouvement sida est alors devenu « rien pour le peuple sans le peuple ».
* 14 Noerine Kaleeba, We miss you all, Women and AIDS Support Network, Zimbabwe.
35Aujourd’hui, les « experts de l’expérience » – ervaringsdeskundigen, comme nous les appelons dans ma langue maternelle, le néerlandais – et les représentants de la société civile ont une place à la table des conseils nationaux sur le sida, au conseil d’administration d’un mécanisme financier multilatéral comme le Fonds Mondial, et à celui d’une organisation intergouvernementale comme l’Onusida. Ils prennent même part aux débats sur le sida à l’Assemblée Générale des Nations Unies. Parfois cette implication est symbolique, mais elle est de plus en plus authentique. Elle a introduit une nouvelle forme de démocratie en donnant une voix aux populations les plus marginalisées comme les prostituées, les homosexuels ou les usagers de drogue, qui se trouvent dans l’illégalité dans beaucoup de sociétés. Il faut quand-même noter la résistance continue de la part de médecins, gouvernements et administrations, qui essaient souvent de préserver le statu quo pour garder leur pouvoir.
36Nous devons évaluer plus rigoureusement si cette implication des personnes affectées a effectivement mené à des programmes plus performants, plus pertinents et plus démocratiques. En tout cas, la vigilance très publique des associations a déjà introduit une culture de la reddition des comptes (accountability) assez poussée au sein des structures finançant la lutte contre le sida, même si les efforts d’évaluation rigoureuse des programmes restent insuffisants.
37Avec le mouvement écologique, ce mouvement mondial virtuel des militants antisida est probablement un des exemples majeurs d’un nouveau type de mouvement transnational de la société civile. Il opère d’une façon très informelle, sans leader unique spécifique, avec des réponses très rapides grâce aux moyens de communications contemporains : téléphones mobiles, Facebook et Twitter. Par leur participation parfois très directe aux négociations entre pays, ces mouvements remettent même en question le paradigme post-westphalien des relations internationales.
38Afin de parvenir à de meilleurs résultats pour les populations, il serait important que les responsables de la santé publique et du développement international ne se limitent plus aux considérations technocratiques, mais impliquent beaucoup plus directement ceux pour qui ils travaillent dès l’élaboration des politiques et des programmes, comme le ferait n’importe quelle entreprise qui essaie de vendre des produits aux consommateurs.
d/ La multidisciplinarité
39Quatrièmement, le sida illustre pleinement la double idée que les problèmes de plus en plus complexes de notre temps ne peuvent être résolus que par une action multidisciplinaire, et que, pour résoudre des problèmes de santé il faut aller au-delà du secteur de la santé. L’absence de solution technologique initiale a, là aussi, joué un rôle : elle a favorisé une diversité inhabituelle d’acteurs travaillant pour un objectif commun. Que ce soit dans la recherche ou dans la mise en œuvre des programmes de prévention, cette collaboration multidisciplinaire si nécessaire s’avère difficile et ne reçoit pas encore assez d’appui. En outre, nos connaissances en biologie et en épidémiologie du VIH/sida semblent toujours plus approfondies que celles que nous apportent les sciences économiques, sociales, politiques et de gestion sur le sujet.
* 15 Organisation Mondiale de la Santé, Rapport de la commission sur les déterminants sociaux de la sant (...)
40Comme cela a été confirmé récemment par la Commission de l’OMS sur les Déterminants sociaux de la santé, présidée par Michael Marmott, l’état de santé d’un individu ou d’une population dépend en premier lieu de comportements individuels et structurels, et de l’environnement15. Dans la lutte contre le sida, et notamment dans sa prévention, l’éducation, l’action communautaire, la communication et la justice sont aussi importantes que la médecine, tout comme le contrôle du cancer du poumon, du diabète et des maladies cardiovasculaires passe par la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, par une bonne nutrition et par de l’exercice, interventions qui sont toutes non-médicales.
* 16 Voir le site web de la Global Business Council on AIDS, Tuberculosis and Malaria www.
41Enfin, la lutte contre le sida est probablement le premier exemple de l’engagement à assez grande échelle des entreprises privées non-pharmaceutiques dans une cause de santé16. Initialement, la raison principale de cette implication des entreprises a été l’impact du sida sur leurs employés, surtout dans les entreprises des pays les plus touchés par l’épidémie ou ayant une force de travail mobile (dans les mines et dans l’agriculture, par exemple). Aujourd’hui, un nombre croissant d’entreprises participent à d’autres programmes de santé, notamment contre le paludisme.
e/ L’approche globale
42Un dernier élément innovateur de la lutte contre le sida a été la mondialisation de la réponse à l’épidémie, qui est un des meilleurs exemples d’un bien public global. Le sida fait partie de ces grands défis de notre époque dont la résolution ne peut être que globale, comme c’est aussi le cas du changement climatique.
* 17 Franklyn Lisk, Global institutions and the HIV/AIDS epidemic, Taylor and Francis, 2010.
43Le rôle des Nations Unies dans la mobilisation politique et la création d’un consensus sur les stratégies a été fondamental, en dépit du climat très difficile pour le multilatéralisme à cause de l’attitude du gouvernement américain de l’époque17. Pourtant même en pleine crise de la guerre de l’Irak, les États Unis ont continué à collaborer étroitement avec le système des Nations Unies quand il s’agissait du sida, ce qui montre le potentiel d’une « diplomatie santé ». En même temps, à travers l’Onusida, le sida a souvent été souvent le catalyseur d’efforts pour une plus grande cohérence dans le système des Nations Unies aux niveaux mondial et national. Même si certains objectifs mondiaux – comme l’accès universel au traitement pour le sida en 2010, adopté par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2005 – manquent totalement de réalisme, ils ont été utiles pour donner plus d’ambition aux activités dans les différents pays. Comme je l’ai indiqué plus haut, ce mouvement mondial n’a pas été seulement l’affaire des États, mais aussi celle d’une société civile mondialisée.
44Bien que le principe de prix différentiels pour les pays en développement ait existé depuis assez longtemps pour les vaccins, c’est à ma connaissance la première fois qu’il a été accepté pour des médicaments encore sous brevet, comme ce fut le cas pour les antirétroviraux. C’est aussi l’indignation au sujet du manque d’accès au traitement pour les malades du sida qui a conduit à l’adaptation des exceptions de santé publique sur les accords de l’OMC. En principe, la porte est maintenant ouverte au traitement à moindre coût d’autres maladies comme le cancer et les maladies chroniques.
45Après la création en 1998, sous l’impulsion de la Fondation Gates, du premier fonds multilatéral extérieur au système des Nations Unies, le GAVI (Global Alliance for Vaccines and Imminusation, Alliance globale pour la vaccination et l’immunisation), plusieurs mécanismes internationaux de financement de la lutte contre le sida ont vu le jour. Même si le respect de la pluralité au sein de ces mécanismes est loin d’être parfait, leur origine est rationnelle car chacun de ces mécanismes répond à un besoin politique (comme le contrôle par le Congrès américain) ou à une opportunité nouvelle de récolter des fonds (comme l’initiative franco-brésilienne UNITAID). Sans ces fonds spéciaux, l’accès au traitement pour le sida serait resté un rêve, ce qui aurait signifié la mort pour des millions de malades. La viabilité à long terme de ces fonds n’est pas garantie ;elle dépendra de leurs performances et de la volonté politique des bailleurs. Devant le succès de ces nouveaux mécanismes de financement, plus flexibles et plus rapides que la Banque Mondiale ou que les agences des Nations Unies, des voix se sont élevées pour demander la création de fonds mondiaux pour d’autres maladies et pour le renfort des systèmes de santé, ou encore pour proposer l’élargissement du champ d’action du Fonds Mondial à d’autres problèmes de santé. Le climat économique et financier actuel n’est sûrement pas propice au lancement de nouveaux fonds mondiaux – à part celui d’un fonds contre le réchauffement climatique –, mais une réflexion s’impose pour évaluer leur valeur ajoutée et leur pertinence comme modèles pour le financement du développement et de la santé.
* 18 Philippe Kourilsky, Le Temps de l’altruisme, Odile Jacob, 2009.
46Le sida et les épidémies aiguës, comme le SARS et la grippe, ont clairement montré la valeur ajoutée d’une approche globale d’un problème de santé. Il reste à trouver de nouvelles formules de gouvernance et de financement mondiaux plus performantes que celles qui existent actuellement. Considérant les enjeux importants pour le monde, et suivant l’exemple du sida, la santé en général doit devenir partie intégrante de la politique des affaires étrangères de tous les pays18.
4. Les mythes du sida
47Comme beaucoup d’autres phénomènes, le sida a créé ses propres mythes et rumeurs. Je ne parlerai pas ici des mythes populaires comme la guérison du sida par des rapports sexuels avec une vierge, mais des mythes circulant parmi les experts de tout genre. J’en citerai brièvement cinq, qui viennent d’une liste plus longue élaborée récemment avec Michel Kazatchkine19.
* 19 Peter Piot, Michel Kazatchkine, Mark Dybul & Julian Lob-Levyt, 2009, « AIDS : lessons learnt an (...)
a/ L’épidémie serait surestimée
48Le premier mythe est que l’épidémie du sida est sous contrôle et que, de toute façon, son ampleur a été surestimée, délibérément ou non. Je crois avoir démontré à plusieurs reprises qu’avec plus de 2,7 millions de nouvelles infections par le VIH et 2 millions de morts en 2008, l’épidémie est loin d’avoir touché à sa fin. La question de la qualité des estimations de la prévalence et de l’incidence du VIH est plus complexe. Certes, nous avons surestimé le potentiel d’extension du VIH en dehors de l’Afrique sub-saharienne, même si aujourd’hui une diffusion – lente dans la population globale, et rapide parmi les populations d’homosexuels et d’usagers de drogues – est en train d’avoir lieu en Asie. La qualité des estimations épidémiologiques sur le VIH/sida s’est considérablement améliorée grâce à l’extension de la surveillance épidémiologique, et surtout grâce aux enquêtes démographiques et de santé sur des échantillons très larges, qui ont parfois mené à des révisions à la baisse des estimations épidémiologiques. Quant à l’accusation d’auteurs comme Jim Chin et Elisabeth Pisaniselon lesquelles que les chiffres auraient été délibérément manipulés à la hausse par l’Onusida20, elle ne passe pas un examen même rapide quand on connait la méthodologie de ces estimations qui impliquent parfois jusqu'à des centaines d’experts : il y a bien au moins un de ces experts qui ne manquerait pas de tirer immédiatement la sonnette d’alerte à la moindre tentative d’intervention politique de la part de l’Onusida ou de l’OMS. Donc, pas de conspiration possible !
* 20 James Chin, The AIDS Pandemic. The Collision of Epidemiology With Political Correctness, Radcliffe (...)
b/ Il y aurait une solution simple
49Un deuxième mythe récurrent est qu’il y aurait une solution unique et simple pour arrêter la diffusion du VIH, que ce soit la circoncision masculine21, la réduction du nombre de partenaires simultanés22, ou le dépistage pour le VIH de toute une population, suivi d’un traitement antirétroviral de tous les séropositifs23. En plus, ces solutions magiques sont sujettes à des effets de modes. Dans sa leçon inaugurale à cette même chaire, il y a tout juste un an, Esther Duflo dénonçait magistralement cette polarisation et cette simplification du discours scientifique s’agissant des solutions aux problèmes de la pauvreté24. Le refus d’admettre la complexité du sida ne manque pas seulement de rigueur scientifique : il peut être dangereux, et des réponses génériques à des problèmes hétérogènes sont un gaspillage d’argent. Si nous avons appris une leçon, tout au long de ces vingt neuf dernières années, c’est que la prévention efficace du VIH dépend d’une combinaison d’interventions adaptées à chaque contexte épidémiologique et social, et de la couverture minimalement nécessaire de cette combinaison25.
* 21 Malcolm Potts et al, 2008,« Reassessing HIV Prevention », Science, vol. 320(5877), 749-750.
* 22 Daniel Halperin & David Wilson, 2008, « “Know your epidemic, know your response”: a useful appr (...)
* 23 Julio Montaner et al., 2006, « The case for expanding access to highly active antiretroviral therap (...)
* 24 Esther Duflo, Expérience, science et lutte contre la pauvreté, Collège de France/Fayard, 2009.
* 25 Peter Piot et alii, 2008, « Coming to terms with complexity : a call to action for HIV prevention » (...)
c/ Trop d’argent serait consacré au sida
50Un troisième mythe est que trop d’argent irait à la lutte contre le sida ; c’est une opinion répandue surtout parmi les spécialistes des services de santé ou ceux qui travaillent sur d’autres maladies. La réalité est que le sida reste la première cause de mortalité en Afrique subsaharienne et que les budgets pour le sida sont très insuffisants, avec un nombre grandissant de malades qu’on ne peut pas traiter faute de moyens. Comme je l’ai souligné plus haut, grâce à la mobilisation autour du sida de vieux problèmes comme la tuberculose et le paludisme ont enfin bénéficié, et pour la première fois, de financements sérieux. En outre, le sida a créé une dynamique d’intérêt pour la santé comme problème de développement, ce qui a conduit à une augmentation des ressources. Mais il est vrai également que beaucoup de problèmes de santé, comme la mortalité maternelle persistante, le diabète et les maladies cardiovasculaires, sont insuffisamment financés dans les pays émergents et en développement, et que les maladies non-infectieuses sont déjà responsables de la majorité des morts prématurées en dehors de l’Afrique sub-saharienne. Il s’agit donc d’élargir les moyens globaux, et non de les réduire pour la lutte contre le sida.
d/ Les programmes sida affaibliraient les services de santé en Afrique
51Un quatrième mythe est que les programmes sida détruiraient les services de santé en Afrique, qui sont chroniquement sous financés. Cette accusation doit être prise très au sérieux : elle signifierait que les programmes sida font plus de mal que de bien. Les données actuelles ne confirment pas cette hypothèse d’un effet négatif26 et, d’ailleurs, le Fonds Mondial et le PEPFAR (U.S. President's Emergency Plan for AIDS Relief) comptent déjà parmi les plus grands bailleurs de fonds pour les services de santé africains. Cependant, nous devons rester vigilants sur cette question et évaluer plus rigoureusement l’interaction entre les programmes sida et la qualité des services de santé, même si la méthodologie d’évaluation est encore faible.
* 26 Peter Piot, 2006, « AIDS : from crisis management to sustained strategic response », The Lancet, 36 (...)
e/ Il suffirait de renforcer les systèmes de santé existants
52Un mythe récent – qui prévaut assez largement dans mon nouveau pays d’accueil, la Grande Bretagne – est que, face à n’importe quel problème de santé, il suffirait de renforcer les systèmes de santé existants. Il est évident qu’un système de santé performant et bien financé a de multiples avantages multiples. Mais on sait très bien quel aurait été le sort des 4 millions de personnes sous traitement antirétroviral dans les pays en développement si on avait attendu que les services de santé de ces pays soient renforcés avant de lancer les programmes de traitement pour le VIH : la majorité de ces malades seraient morts aujourd’hui. En outre, la prévention du VIH se passe avant tout au niveau communautaire, et on n’atteint pas les populations marginalisées avec des services de santé où elles ne sont pas les bienvenues.
5. Une vision à long terme
53En revanche, l’idée que l’épidémie du sida est en train d’évoluer et qu’elle se transforme en une endémie de longue durée et en une maladie chronique pour ceux qui ont accès au traitement n’est pas un mythe27. L’espoir, implicite dans les années 1980, que l’épidémie du sida disparaitrait un beau jour d’une façon ou d’une autre ne s’est pas matérialisé, faute de vaccin et de guérison avec élimination du virus, et suite à une sous-estimation des difficultés de changer les comportements sexuels.
* 27 Ibid.
54Les approches actuelles contre le VIH ne sont pas durables et elles ne viendront pas à bout du sida, puisque, pour chaque personne nouvellement mise sous traitement, on compte presque trois nouvelles infections de plus. En outre, avec la crise financière et budgétaire mondiale, la demande en traitement et la capacité d’absorption des fonds dépasseront pour la première fois l’argent disponible. Le Fonds Mondial est dans une période de vulnérabilité financière. Cette nouvelle situation conduira à des dilemmes et provoquera, à juste titre, l’indignation des malades et des responsables de programme sida ; mais des choix stratégiques difficiles vont s’imposer avec urgence.
* 28 www.aids2031.org (...)
55Tout en continuant nos efforts pour augmenter le financement de la lutte contre le sida, nous devons maintenant nous préparer à des approches à long terme. C’est pourquoi j’ai lancé en 2007 le projet aids2031 (sida2031)28. Son ambition est d’analyser des scénarios à long terme et de proposer une réorientation de nos stratégies pour assurer le meilleur impact sur le sida 50 ans après sa découverte, c’est-à-dire en 2031. Le sida a les caractéristiques simultanées d’une urgence – avec des milliers de morts par jour – et d’une lutte qui ne peut être efficace qu’à long terme. Une fois de plus, c’est un défi très complexe.
56Dans l’état actuel de nos connaissances, l’avenir de l’épidémie du sida apparait déprimant. Même en intensifiant les programmes de prévention, et à moins d’une percée technologique importante pour la prévention, il y aura probablement toujours autour d’un million de nouvelles infections par le VIH dans le monde en 2031. En outre, l’épidémie est en train de devenir endémique dans beaucoup de populations : elle devient une partie « normale » de la vie.
* 29 Robert Hecht, Lori Bollinger, John Stover et al., 2009, « Critical choices in financing the respons (...)
57Rob Hecht et ses collègues de aids2031 ont calculé que les besoins financiers ne feront qu’augmenter, dans les vingt ans à venir au moins, jusqu’à un niveau de 20 à 30 milliards de dollars par an, soit deux à trois fois plus qu’aujourd’hui29. À la longue, seule une diminution significative des nouvelles infections est susceptible de mener à une réduction beaucoup plus grande de la mortalité due au sida et de faire baisser ses coûts financiers.
* 30 Stefano Bertozzi, Tyler E.Martz & Peter Piot, 2009, « The evolving HIV/AIDS response and the ur (...)
58Un premier impératif est d’intensifier la prévention30. Ceci implique une couverture plus élevée des interventions efficaces auprès des populations les plus à risque, et surtout d’adapter beaucoup mieux la forme et le contenu des interventions aux réalités de l’épidémie dans chaque population. Ceci nécessitera des connaissances plus fines de la dynamique des nouvelles infections par le VIH dans chaque communauté.
* 31 Geeta Rao Gupta et al., 2008, « Structural approaches to HIV prevention », The Lancet, 372(9640), 7 (...)
59Une vision à long terme diffère aussi de nos efforts actuels sous plusieurs aspects31.
* 32 Esther Duflo, Lutter contre la pauvreté. T 1 : Le développement humain. T 2 : La politique de l’éco (...)
60Premièrement, les grands programmes de prévention, comme ceux financés par le Fonds Mondial, par les États Unis ou par la Banque Mondiale, doivent donner des preuves rigoureuses de leur impact (ou de leur absence d’impact) pour que chaque génération suivante de ces programmes soit plus efficace que la précédente. Ceci nécessitera aussi des investissements considérables dans la recherche en méthodes d’évaluation – c’était le thème du cours d’Esther Duflo l’an passé32.
* 33 Stefano Bertozzi et al, 2008, « Making HIV prevention programmes work », The Lancet, 372(9641), 831 (...)
61Deuxièmement, les changements sociaux nécessaires pour contrer les déterminants structurels du VIH peuvent nécessiter des années ; pour cette raison, ils sont en général négligés dans les programmes sida. Les agences de financement doivent maintenant investir dans ces programmes ; et elles doivent être prêtes à persévérer pendant une décennie s’il le faut avant de voir des résultats. Les priorités dans ce domaine vont aux programmes contre l’inégalité des sexes, qui rend les femmes plus vulnérables à l’infection par le VIH, contre la violence sexuelle, et contre les discriminations légales et sociales à l’encontre des homosexuels33.
62Troisièmement, un pourcentage plus important du financement sida doit être investi dans le renforcement des capacités techniques et managériales dans les pays les plus touchés par l’épidémie. Ceci diminuerait aussi leur dépendance à l’égard des ONG internationales et des experts étrangers.
63Quatrièmement, enfin, en ce qui concerne l’accès au traitement, nous devrons mettre beaucoup plus l’accent sur l’adhésion à long terme au traitement, et pas seulement sur le nombre de patients nouvellement mis sous traitement.
* 34 Anil Soni & Rajat Gupta, 2009, « Bridging the resource gap : improving value for money in HIV/A (...)
64La crise financière actuelle offre aussi une opportunité d’améliorer l’efficacité et la qualité des programmes sida, en premier lieu par une gestion plus professionnelle et par des choix plus rationnels en technologie et ressources humaines34. Il y a maintenant tout un travail à faire pour réorienter les politiques et pratiques en matière de lutte contre le sida. Ceci nécessitera un leadership fort à plusieurs niveaux, mais, paradoxalement, cela pourrait être facilité par la crise économique.
6. Conclusion
65Mesdames, Messieurs,
l’épidémie du sida a été exceptionnelle parce qu’elle a déclenché une riposte qui a aboli de vieilles barrières et établi de nouveaux paradigmes en politiques sociales. Avant le sida, qui aurait pu penser que des droits individuels seraient au centre de ripostes gouvernementales contre une infection sexuellement transmissible touchant des populations souvent marginalisées, et que ces mêmes populations seraient officiellement représentées dans les plus hautes instances nationales et internationales pour co-décider des priorités de ces instances ? Le sida aura peut-être aussi intensifié l’intolérance globale envers les inégalités historiques en matière de santé.
* 35 Zackie Achmat, Make Truth Powerful : Leadership in Science, Prevention and the Treatment of HIV/AID (...)
66Des problèmes comme le sida et le réchauffement climatique ne peuvent être gérés efficacement qu’en modifiant certains règles du jeu. Comme le militant antisida sud-africain Zackie Achmat le proclamait récemment : « We live in a world that must change to survive.35 » (Nous vivons dans un monde qui doit changer pour survivre.) Le défi est énorme, mais nous n’avons pas le choix.
* 36 P. Kourilsky, 2009, op. cit.
67Dans son livre passionnant, Le Temps de l’altruisme 36, Philippe Kourilsky nous interpelle et nous demande d’adopter un altruisme rationnel. La riposte mondiale à l’épidémie du sida est une illustration du réalisme de cette proposition, mais aussi des conséquences néfastes qui s’ensuivront si le principe de l’altruisme réaliste n’est pas mis en œuvre. C’est peut-être la leçon la plus importante de l’histoire non terminée du sida.
68Merci de votre attention.
Leçon inaugurale de Peter Piot, L’épidémie du sida. Mondialisation des risques, transformations de la santé publique et développement, prononcée le 7 janvier 2010.
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Notes
1 D.M. Morens, G.K. Folkers & A.S. Fauci, 2004, « The challenge of emerging and reemerging infectious diseases », Nature, 430(6996), 242-9.
2 UNAIDS/World Health Organization, AIDS Epidemic Update, Genève, novembre 2009.
3 Philippe Kourilsky & Genevieve Viney, Le Principe de précaution, Odile Jacob, 2000.
4 Maria Nilsson, Robert Beaglehole & Rainer Sauerborn, 2009, « Climate policy : Lessons from tobacco control », The Lancet, 374, p 1955-1956 ; Richard Doll & Adrian Bradfort Hill, 1950, « Smoking and carcinoma of the lung ». BMJ, 2, p. 739-748.
5 Assemblée générale de l’ONU, Déclaration d’engagement sur le VIH/sida, 2 août 2001.
6 Adam Hochschild, Bury the Chains, Houghton Mifflin Company, 2005.
7 Kofi Annan, Discours d’Abuja, 26 avril 2001 ; Bernhard Schwartlander, John Stover, Neff Walker et al., 2001, « Resource needs for HIV », Science, 292, p. 2434-2436.
8 Lindsay Knight, UNAIDS. The first 10 years, Genève, UNAIDS, 2008.
9 Ibid.
10 Jeremy Shiffman & Stephanie Smith, 2007, « Generation of political priority for global health initiatives : a framework and case study of maternal mortality », The Lancet, 370, 13 octobre 2007.
11 Peter Piot, Aids : From Exposing to Overcoming Injustices, Discours à Clark University, Worcester, Massachusetts, septembre 2006.
12 Peter Piot, Sarah Russell & Heidi Larson, 2007, « Good politics, bad politics : the experience of AIDS », American Journal of Public Health, 97, p. 1934-1936, 2007.
13 Alex de Waal, « Looking ahead : Leadership for HIV/AIDS », Synthesis paper for leadership track of aids2031, Social Science Research Council, New York, 2009.
14 Noerine Kaleeba, We miss you all, Women and AIDS Support Network, Zimbabwe.
15 Organisation Mondiale de la Santé, Rapport de la commission sur les déterminants sociaux de la santé, Genève, 2008
16 Voir le site web de la Global Business Council on AIDS, Tuberculosis and Malaria www.
17 Franklyn Lisk, Global institutions and the HIV/AIDS epidemic, Taylor and Francis, 2010.
18 Philippe Kourilsky, Le Temps de l’altruisme, Odile Jacob, 2009.
19 Peter Piot, Michel Kazatchkine, Mark Dybul & Julian Lob-Levyt, 2009, « AIDS : lessons learnt and myths dispelled », The Lancet, 374, p. 260-263.
20 James Chin, The AIDS Pandemic. The Collision of Epidemiology With Political Correctness, Radcliffe Publishing, 2006. Elisabeth Pisani, The Wisdom of Whores. Bureaucrats, Brothels and the Business of Aids, Granta, 2008 ;
21 Malcolm Potts et al, 2008,« Reassessing HIV Prevention », Science, vol. 320(5877), 749-750.
22 Daniel Halperin & David Wilson, 2008, « “Know your epidemic, know your response”: a useful approach, if we get it right », The Lancet, 372(9637), 423-426 ; Helen Epstein,The Invisible Cure. Africa, the West, and the Fight Against AIDS [2007], Penguin 2008.
23 Julio Montaner et al., 2006, « The case for expanding access to highly active antiretroviral therapy to curb the growth of the HIV epidemic », The Lancet, 368(9534), 531-6 ; Kevin DeCock et al., « Can antiretroviral therapy eliminate HIV transmission ? », The Lancet, 373(9657), 7-9.
24 Esther Duflo, Expérience, science et lutte contre la pauvreté, Collège de France/Fayard, 2009.
25 Peter Piot et alii, 2008, « Coming to terms with complexity : a call to action for HIV prevention », The Lancet 372(9641), 845-59.
26 Peter Piot, 2006, « AIDS : from crisis management to sustained strategic response », The Lancet, 368(9534), 526-530.
27 Ibid.
28 www.aids2031.org
29 Robert Hecht, Lori Bollinger, John Stover et al., 2009, « Critical choices in financing the response to the global HIV/AIDS pandemic », Health Affairs, 28, 591-1605.
30 Stefano Bertozzi, Tyler E.Martz & Peter Piot, 2009, « The evolving HIV/AIDS response and the urgent tasks ahead », Health Affairs, 28, 1578-1590..
31 Geeta Rao Gupta et al., 2008, « Structural approaches to HIV prevention », The Lancet, 372(9640), 764-775
32 Esther Duflo, Lutter contre la pauvreté. T 1 : Le développement humain. T 2 : La politique de l’économie, Le Seuil « La république des idées », 2010.
33 Stefano Bertozzi et al, 2008, « Making HIV prevention programmes work », The Lancet, 372(9641), 831-844, 2008.
34 Anil Soni & Rajat Gupta, 2009, « Bridging the resource gap : improving value for money in HIV/AIDS treatment », Health Affairs, 28, 1617-1628.
35 Zackie Achmat, Make Truth Powerful : Leadership in Science, Prevention and the Treatment of HIV/AIDS, Discours à la conférence « Microbicides », Cape Town, 26 avril 2007.
36 P. Kourilsky, 2009, op. cit.
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Pour citer cet article
Référence papier
Peter Piot, L’épidémie du sida. Mondialisation des risques, transformations de la santé publique et développement, Paris, Fayard, 2010 (n° 210)
Référence électronique
Peter Piot, « L’épidémie du sida. Mondialisation des risques, transformations de la santé publique et développement », in L’épidémie du sida. Mondialisation des risques, transformations de la santé publique et développement, Collège de France / Fayard (« Leçons inaugurales », no 210), 2010, [En ligne], mis en ligne le 24 juin 2010, Consulté le 07 juillet 2010. URL : http://lecons-cdf.revues.org/174
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Auteur
Peter Piot
Professeur au Collège de France 2009-2010.
Professeur de santé publique et directeur de l’Institute of Global Health de l’Imperial College à Londres.
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Droits d’auteur
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