De la « théorie du complot » à la « théorie des Bisounours »
Article placé le 01 avr 2012, par Mecanopolis
De
la théorie du complot à la théorie des Bisounours, ou comment imputer
au hasard les méfaits de la mondialisation néolibérale et de
l’oligarchie.
A chaque
fois qu’un citoyen pointe du doigt les stratégies des classes
oligarchiques ou de toute autre entité, la pensée officielle l’accuse de
tomber dans la théorie du complot, et ce quand bien même le
contestataire aurait invoqué des fait avérés et évidents aux yeux de
tous. Ainsi le malheureux se voit complètement décrédibilisé, isolé, du
fait de sa prétendue adhésion à une théorie du complot à laquelle
personne ne croit sérieusement et qui jouit d’une piètre réputation. La
stigmatisation par l’accusation de « complotisme » permet donc à la
pensée officielle de rejeter son contradicteur dans les limbes de
l’ostracisme (technique à peu près aussi efficace que l’accusation
d’antisémitisme) et d’étouffer sa parole.
La théorie
du complot consiste à croire qu’une poignée d’individus se réunirait en
secret pour gouverner le monde et distribuer les postes. Tous les
évènements auraient été prévus, planifiés, organisés, et chacun d’eux ne
serait que l’élément, la résultante et finalement une étape, d’une
feuille de route globale écrite par quelques décideurs. Tout serait sous
contrôle, et toutes les commandes seraient tenues d’une main ferme.
Cette
vision du monde est pour le moins naïve, ne serait-ce parce qu’elle est
matériellement et techniquement impossible. Le « marionnettisme » est
affabulation parce qu’il ignore la complexité du monde. Mais le problème
n’est pas là. Le problème est que dès que l’once d’un projet venant
d’un groupe d’intérêt (étatique, économique, religieux, occulte) et dont
les conséquences peuvent être potentiellement négatives est révélé, le
divulgateur croit son propos être affublé de l’étiquette de complot et,
par extension, de complotisme. Il ne serait qu’un paranoïaque délirant.
A titre
d’exemple, évoquer l’influence des Etats-Unis (pour ne pas dire de la
CIA) dans la création de l’Union européenne est assimilé à du
complotisme, attaque ridicule tant l’affirmation est prouvée par les
archives américaines. Dire que derrière la privatisation de la création
monétaire se trouvent les banques (à qui d’autre profite le crime ?) est
aussi taxé de complotisme, et qu’importe qu’il s’agisse d’une évidence
absolue.
La moindre
mise en éclairage de fomentation, d’instigation venant d’un groupe
d’intérêt se retrouve potentiellement sous le feu de l’accusation de
complotisme. Toute intention égoïste, malveillante, négative est niée.
Il est impossible qu’un groupe puisse défendre ses intérêts pas des
projets au détriment (ou pas) de la collectivité. Nul n’use de son
influence, de son pouvoir, encore moins l’oligarchie…
Il ressort
de ce réflexe de chien de garde une seule vision du monde complètement
niaise et béate où le seul hasard serait le moteur de l’histoire.
L’équation que la pensée officielle tente d’inculquer est la suivante :
stratégie politique = complot = théorie du complot = délire. Le monde,
selon la pensée officielle, est dépourvu de tout rapport de force. Rien
n’a de cause, tout est hasard. Et si le hasard est ce qui détermine la
condition de chacun, alors pourquoi se plaindre ? Se plaint-on du
hasard ? Non. En revanche, il est possible de se plaindre et de
combattre des forces asservissantes. Mais celles-ci n’existent pas, nous
explique la pensée officielle…
Cette
vision peut-être objectivement partagée que par des imbéciles incultes
n’ayant jamais ouvert de livre d’histoire. Car si le hasard a évidemment
sa place dans l’histoire, celle-ci se voit malgré tout mue par divers
facteurs (rapports de classe), démographie, climat, immigration,
inconscient et intérêt nationaux) parmi lesquels on retrouve les projets
de ses acteurs, à savoir la politique. La volonté, l’initiative,
l’impulsion, le choix sont des moteurs de l’histoire de première
importance et les dénégations grotesques des policiers de la pensée
officielle n’y change rien. Karl Marx lui-même convenait de l’importance
de la politique « impulsée », malgré le déterminisme purement
économique du matérialisme historique.
(…)
La théorie
du complot est donc ridicule. Mais sa condamnation, utilisée dans
l’optique de faire taire celui qui révèlerait la stratégie d’un groupe
précis et de dissiper les rapports de force actuels, ne l’est pas moins.
Elle l’est peut-être même plus. Car cela aboutit à créer ce que nous
appellerons la théorie des Bisounours : selon cette théorie, aucun
groupe social ne défendrait ses intérêts, il n’existerait aucune
malveillance, aucun égoïsme et surtout pas de politique. LA théorie des
Bisounours consiste à empêcher la divulgation des desseins de
l’oligarchie financière, à dire au citoyen que tout va pour le mieux,
dans le meilleur des mondes. Il n’a pas à s’inquiéter. Personne ne
cherche à lui nuire. Il est donc inutile qu’il se pose des questions, et
surtout pas au sujet du pouvoir, ce serait paranoïa. Oui, surtout qu’il
ne se pose pas de question : on s’occupe de lui
Adrien Abauzit
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