La Pensée libre n°107 : De la compassion comme censure de la pensée politique
La crise des migrants n'a pas éclaté comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, elle n'est que la conséquence de décisions politiques qui ont été prises par les puissants de ce monde depuis le démantèlement de l'Union soviétique. Il est donc nécessaire de rappeler ce contexte et d'en prévoir les conséquences possibles, ce que nous faisons ici.
Ce qui permet de faire encore une fois la distinction entre la froide analyse des faits qui sont têtus et la compassion qui assaille tous les êtres humains normalement constitués, y compris les plus hypocrites d'entre eux, ceux qui ont coutume de fréquenter les bourses et les casinos ou de s'affaler sous les lambris des ministères. Les migrations de masse ont toujours eu des causes multiples qui sont situées dans la limite floue existant entre le politique et l'économique. Mais dans le monde globalisé par les capitalistes, les causes de la plupart des phénomènes mélangent contexte local et causes supranationales. Et la vague de conflits qui se succèdent au Moyen-Orient depuis au moins 1948 a connu des accélérations et des évolutions depuis que les Etats-Unis, Israël et leurs supplétifs européens ou arabes ont tenté d'imposer une unipolarité qui s'est révélée non seulement irréalisable mais désastreuse. D'où la mise en marche de populations recherchant coûte que coûte la stabilité et la sécurité dans une Europe voisine en voie de déstabilisation sous l'effet des politiques des deux pouvoirs bruxellois juxtaposés, celui de l'OTAN et celui de l'UE. Ce qui devrait achever de détruire le tissu social des pays d'Afrique et du cercle arabo-musulman, tout en faisant de même en Europe, pour le plus grand bénéfice des « patrons nomades » qui, eux, pratiquent un nomadisme de rentier alors qu'ils jettent sur les routes et dans les mers des masses d'individus désocialisés bernés par les derniers feux d'un Occident à la dérive. La question qu'il restera à poser étant de savoir si les peuples pourront s'emparer de cette tragédie pour changer ensemble le cours des choses ou s'ils continueront à dériver. Le rêve kantien de paix perpétuelle est-il encore envisageable sous un jour nouveau ou nos dirigeants l'ont ils définitivement enterré sous des tonnes de moraline médiocratique ?
La Rédaction
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De la compassion comme censure de la pensée politique
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Septembre 2015
Claude Karnoouh
Personne ne peut rester insensible aux divers drames qui ponctuent depuis plus d’un an ce courant de migrations de plus en plus massives qui se déversent en Europe depuis le Proche et Moyen-Orient, depuis la Libye et l’Afrique sub-saharienne. Les médias mainstream occidentaux en ajoutent et rajoutent chaque jour dans la sensiblerie de mélodrame, surtout depuis que ce malheureux enfant kurde a été retrouvé noyé sur une plage turque près de Bodrum d’où il était parti, après que le bateau où se trouvaient ses parents a coulé au milieu des flots tempétueux.
Au risque de déplaire aux pleureuses professionnelles, il convient de rappeler que celui qui entraîne sa famille et lui-même dans une telle entreprise devrait compter avec les dangers inhérents aux conditions techniques d’une navigation sur des canaux pneumatiques plus ou moins rafistolés ou des vieux rafiots à moitié pourris. Si ma pitié est totale et sans réserve pour nombre de ces malheureux, je ne succombe pas pour autant à ce que Jacques Sapir nomme à juste titre la dictature de la compassion sans réflexion qui, elle, semble parfaitement orchestrée par les politiciens de tous bords et les médias des pays riches de l’UE, et plus particulièrement en France, en Italie, en Allemagne, puis repris par leurs imitateurs d’Europe de l’Est. Par ailleurs, les pays de l’ex-bloc soviétique et surtout ceux du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie) se montrent moins enthousiastes, voire plus que réticents. Quant à la Roumanie disons qu’elle compte peu, quoique son président ait refusé les quotas demandés, que dis-je, exigés par Madame Merkel. Tout le monde en Occident se jette de la cendre sur la tête, et ne voit pas plus loin qu’une charité qui soulage l’âme et la culpabilité à très court terme de ceux qui ont laissé faire des politiques criminelles par leur gouvernement. Mais il n’y a guère besoin d’être grand clerc pour comprendre que cela ne résoudra rien du tout sur le long terme sans qu’un changement drastique n’intervienne dans la politique occidentale vis à vis du Moyen et Proche Orients et de l’Afrique en général.
Analyse politique et moralisme
Or l’analyse de ce phénomène géopolitique (et de tous les phénomènes politiques) doit se départir de considérations moralistes, parce que confondre politique et moralisme c’est confondre les effets et les causes d’une dynamique politique quelle qu’elle soit. Nous le savons parfaitement, des politiques criminelles entraînent inéluctablement des effets tragiques, dès lors si l’on n'intervient pas sur les causes ce sera un perpetuum mobile. Or oublier les causes, fussent-elles multiples et parfois contradictoires, c’est marcher comme un aveugle égaré dans les ténèbres de sa propre cécité. Présentement, je constate que le lacrimal généralisé, ce sentimentalisme des élites politiques, médiatiques et intellectuelles qui ne coûte rien, aucun sacrifice, est sans effet aucun sur le cours réel des choses sauf à préparer les consciences des peuples européens à accepter des solutions à venir autrement plus tragiques, et comme nous le savons de très longue date, « Dieu aveugle celui qu’il veut perdre » ! Aussi est-il navrant de constater combien le lacrimal tient de plus en plus lieu de pensée, ce qui, à l’évidence, permet de mobiliser la générosité des masses trompées sur les causes et, disons-le tout bonnement, des masses tétanisées à l’idée de réfléchir un tant soit peu à un phénomène socio-économico-politique d’une telle ampleur qu’il implique toute l’histoire contemporaine du XXe siècle et son accélération avec la chute du système soviétique. En effet, la peur de penser la radicalité du phénomène paralyse la pensée d’une majorité à la fois ignorante et placée sous la férule d’autorités intellectuelles ou artistiques stipendiées pour l’occasion, tandis que les vrais décideurs organisent au travers des médias dont ils sont les propriétaires les émotions spontanées qui légitimeront les décisions d’une quasi guerre mondiale.1
Une vision froide, cynique au sens grec du mot ou, selon la voie réaliste tracée par Machiavel, effrayerait parce qu’elle révèlerait la responsabilité massive des peuples européens dans le choix de leurs politiciens et l’acceptation de leur politique criminelle. Combien de politiciens de gauche ont-ils applaudi aux bombardements de la Libye ? Aussi une large majorité parmi les peuples occidentaux s’adonne-t-elle à la compassion compulsive et spectaculaire comme narrativité apophasique, de dénégation (« je sais bien, mais quand même ! »). Dans le contexte actuel (et les comparaisons avec d’autres époques de migrations bien plus tragiques encore ne me semblent pas de mise), lorsque j’écoute les politiciens et les « spécialistes » de tout acabit qui nous accablent de leurs commentaires prétendument savants, les bateleurs et bateleuses de l’audio-visuel, il me semble que ce phénomène de migrations sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et les mois qui suivirent en Europe la chute du IIIe Reich, survient du néant, comme advenu sans y prendre garde, comme un cataclysme naturel imprévu et imprévisible.
Les conséquences des guerres de l'OTAN
Certes depuis au moins deux ans et demi, depuis que l’OTAN et la France en première ligne ont détruit la Libye du Colonel Gaddafi, le nouveau régime de Tripoli ou de Benghazi laisse passer les bateaux qui se rendent en Italie, à Lampedusa, ou un peu à Malte, mais encore rien de comparable avec le présent, avec ces milliers de « réfugiés » qui arrivent chaque jour de la Turquie en Grèce, puis de là transitent par la Macédoine vers la Serbie, pour atterrir en Hongrie et de là se rendre à n’importe quel prix en Allemagne où ils semblent être accueillis à bras ouverts. Pour ceux qui se présentent en France et souhaitent la Grande Bretagne comme terre d’accueil cela semble mission impossible, le Premier ministre Cameron, sans être critiqué par l’UE, interdit l’entrée de son pays d’une manière drastique (ce que veut faire le Hongrois Orbán, mais lui est accusé d’hypernationalisme raciste : quant à moi je ne vois pas de différence entre ces deux attitudes). C’est ainsi que Calais en France est devenu le point terminal des migrants qui s’entassent dans des campements de fortune où des hommes du Moyen-Orient, d’Erythrée, d’Ethiopie, d’Afghanistan, etc… s’essaient journellement et sans succès à passer en Grande Bretagne en se faufilant dans les chargements des poids lourds internationaux, voire même en prenant d’assaut les trains de l’Eurotunnel.
Or cet étonnement hypocrite masque les causes réelles… Depuis l’échec de l’intervention étasunienne en Afghanistan ce pays est à feux et à sang, et plongé plus encore dans la plus grande des pauvretés ; depuis la seconde guerre d’Irak et l’invasion du pays, celui-ci est en proie à une guerre civile permanente que les soldats de la coalition Otanesque n’ont pu contenir, et ce d’autant plus que divers services, selon la grande tradition britannique, travaillent toujours à monter les communautés religieuses et ethniques les unes contre les autres, mettant la vie quotidienne de tous les Irakiens sous l’empire d’attentats sanglants ; depuis l’orchestration par l’OTAN de la guerre civile en Syrie où il est maintenant assuré que les gouvernements français, britannique, étasunien, saoudien, quatariote et israélien ont armé et conseillé de prétendus « résistants modérés » qui n’ont été jamais que du lumpen recruté dans tous les pays musulmans (ou chez les détenus des prisons saoudiennes) se donnant comme islamistes radicaux et qui, échappant parfois à leur maître, intensifient à l’extrême la violence de la guerre à la fois politique et religieuse (voir les massacres de chrétiens, de Kurdes et de chiites) et détruisent tout le tissus social et économique villageois et urbain. Sur ce fond de violences extrêmes s’est greffée la naissance (toujours énigmatique dans les détails de sa mise en action) de l’État Islamique DAESH (ISI) dont la guerre de conquête pour l’établissement du califat a intensifié plus encore la violence guerrière et les assassinats permanents des gens non-conformes à la Charia, jetant sur les routes de l’exil des dizaines de milliers de réfugiés. Je viens de brosser une rapide description des effets de la stratégie du « chaos contrôlé » telle que l’ont théorisée les néo-conservateurs au pouvoir tant aux États-Unis que dans l’Union européenne. Ceci n’a donc rien d’un complot, c’est l’un des instruments grâce auquel, après la chute du bloc soviétique, l’empire étasunien tente d’imposer sa volonté et son contrôle sur le monde comme l’explique publiquement l’ouvrage de Zbigniew Brzezinski, The Grand Chessboard : American Primacy and Its Geostrategic Imperatives, (New York, 1997). De l’Ukraine au Moyen orient, du Venezuela et à l’Extrême orient, l’Empire doit contenir et contrôler ses ennemis réels, potentiels, voire imaginaires. Puisque la globalisation est quasiment accomplie, le monde étant devenu « the global village », les analystes devraient chercher à établir les bonnes corrélations des interdépendances mondiales des conflits.
Le raz de marée soudain de migrants venus du Proche et Moyen Orients doit être compris sous un double aspect, d’un côté en fonction de causes politiques identiques, le chaos engendré par ces guerres locales de basse intensité, mais très meurtrières pour les civils, de l’autre et cela n’est pas délié du précédent comme un phénomène politico-économique de paupérisation due à la fois à l’élimination par la force des États-nations multi-ethniques et religieux assez riches par leur pétrole comme l’Irak et la Syrie et aux effets ravageurs des politiques néo-libérales sur des pays du tiers-monde, voire du quart-monde aux économies en transition très fragiles.
Du « chaos constructeur » à la destruction globale
En effet, un nombre important de ces migrants (en général ce sont des gens issus des classes moyennes et moyennes supérieures capables de payer un passage qui, de la Syrie ou de l’Irak à la frontière macédonienne coûte entre 5 000 et 12 000 euros) fuient des zones de conflits, de génocides et devraient ainsi être considérés comme des réfugiés politiques ? Cependant, avec eux un grand nombre utilisent aussi la situation politique pour masquer une émigration purement économique qui en fait de vrais migrants et non des réfugiés politiques : mes grands parents paternels qui quittèrent ainsi la Russie en 1919 pour des raisons éminemment politiques, étaient considérés comme de vrais réfugiés politiques ; en revanche les masses rurales d’Europe centrale et orientale qui quittèrent l’Allemagne, l’Empire russe, l’Autriche-Hongrie avant 1914 pour les États-Unis, hormis les juifs menacés de mort par les pogroms, étaient des émigrés économiques. Pour une analyse politique sérieuse, la différence est de taille. En effet, que nos pays occidentaux soient ouverts à tous ceux qui sont menacés directement dans leur vie rien que de plus normal ; en revanche que nos pays accueillent massivement une main-d’œuvre qui pèsera très lourdement sur le marché du travail européen déjà marqué par des taux chômage historiquement très élevés ou, par ce qui est généralisé en Allemagne, le travail précaire, cela n’a pas le même enjeu politico-économique.2 Dans un cas, on intègrerait des réfugiés, dans l’autre on crée une nouvel armée de réserve de travailleurs à bon marché afin de briser les velléités revendicatrices du prolétariat européen quelles que soient ses origines. On peut anticiper sans trop d’erreur ce qui va arriver en donnant l’exemple espagnol. Lorsque des travailleurs saisonniers marocains de l’agriculture du sud du pays se mirent en grève pour protester contre des conditions de travail quasi esclavagistes, ils furent aisément remplacés par l’arrivée massive de Roumains qui acceptaient des salaires de misère et des logements que le chien du propriétaire eût refusé à coup sûr. Que les présidents des patronats allemand, français et belge, le ministre de l’économie allemand (CDU) chantent en cœur les bienfaits de cette immigration massive pour l’économie de leur pays respectifs et de l’Europe occidentale, ne semble pas surprendre l’attention critique des gauchistes et des pleureuses droit-de-l’hommisme professionnelles dans leur enthousiasme charitable. Quant à moi, je n’ai jamais vu les représentants du grand capital soutenir une action politico-économique sans qu’il y ait à la clef de la plus-value à récupérer d’une manière ou d’une autre. Car allemand, français, belge ou britannique, le capital est le même, il n’a qu’un seul but : le plus grand bénéfice possible le plus vite possible.
Dans son dernier article Zizek pointe bien la problématique de cette crise où ni les solutions néo-libérales du laisser faire généralisé ni celles de la gauche humaniste du type « accueillons tous le monde » ne seraient à même de résoudre le problème comme par enchantement, car elles ne répondent en rien au défi mondial que révèle cette crise.3 Si on suit les néo-libéraux ou les gauchistes de diverses obédiences nous dit Zizek, et qu’on ouvre les portes de l’Europe à tout va, il est assuré que dans les deux ou trois ans à venir, tout au plus, nous assisterons à des révoltes populaires de la part des peuples européens, révoltes qui mèneront à coup sûr à des guerre civiles généralisées, une forme renouvelée de la Weltbürgerkrieg de Carl Schmitt. Or nous Européens depuis deux mois sommes placés devant un fait accompli dont l’origine est quelque peu mystérieuse (et que très peu veulent interroger), le raz de marée des émigrants. Certes on ne peut renvoyer ces gens, du moins une majorité. De ce point de vue les maîtres occidentaux du monde ont très bien joué le coup de la charité et de l’humanisme des gens pour tenter, une fois encore, de briser toute résistance des peuples européens à la mondialisation du pouvoir des banques et des très grandes entreprises, des fonds de pensions anglo-saxons et des autres grands joueurs de la spéculation économique.
De plus, l’articulation de la légitimation de cette soudaine et étrange hospitalité (les travailleurs d’Europe de l’Est ne sont plus tellement les bienvenus à l’Ouest, et les Tsiganes encore moins) s’incarnant comme on le dit « dans le discours des valeurs de l’humanisme propre à l’Occident européen » est un faux-semblant offert aux amnésiques et aux ignorants par des cyniques sans scrupules. C’est en quelque sorte le simulacre proposé par le maître vis à vis de l’esclave, celui-là obligeant celui-ci à tenir le langage de la pitié pour mieux ensuite le contraindre. On retrouve ici exactement le schéma narratif du colonisé qui est conduit à tenir le langage du maître pour justifier les bienfaits civilisationnels de la colonisation.4 En effet, le langage de l’humanisme des valeurs occidentales est à coup sûr le pire des simulacres politiques que j’ai pu lire ou écouter ces dernières semaines. Car, à quelles valeurs humanistes occidentales ces bonimenteurs de gazettes, d’émission audio-visuelles, voire de revues académiques se réfèrent-ils ? Au whisful thinking de l’idéalisme de rêve des néo-kantiens toujours en retard d’une bataille, aux merveilles de l’Inquisition, aux Guerres de religions, à la Guerre de Trente ans, au génocide du Wurtemberg par les troupes du Grand Roi, Louis XIV, au radicalisme sans pitié des révolutionnaires de la Terreur, à la colonisation de l’Amérique et à l’Holocauste de Indiens des Caraïbes, du Nord et du Sud, au commerce mondial des esclaves, aux Carpetbaggers du Deep South, à l’extermination des Zoulous et des Boers, aux boucheries des champs de bataille de la Première Guerre mondiale, à celles plus étendues de la Seconde, aux camps de concentration et d’extermination nazis, à la Guerre d’Algérie et à la torture systématique des prisonniers du FLN, à la Guerre du Vietnam avec la napalmisation des populations civile et le Yellow rain, à l’usage des munitions à uranium appauvri par l’OTAN lors des Guerres de Yougoslavie, d’Irak et d’Afghanistan, au dernier bombardement systématique de Gaza, à la démolition de la Libye… Bref de quoi nous parle-t-on ?… Car, de fait, les seules valeurs de l’Occident que je connaisse se nomment valeurs d’échange et se négocient dans les quelques grandes bourses qui dominent le monde économico-politique…
Tout empire périra
Il n’est pas de mystère quant à une possibilité théorique d’un règlement réel du problème des migrants. Il ne pourrait avoir lieu qu’avec un changement radical de politique au Moyen-Orient et en Afrique. C’est le vœu de Zizek, vœu d’une grande justesse, mais aujourd’hui totalement irréaliste parce que le Capital mondialisé sous la houlette étasunienne a précisément besoin de ce chaos plus ou moins maîtrisé pour maintenir sa griffe sur les ressources énergétiques du monde et bloquer toute émergence de nouveaux pouvoirs mondiaux (ce qu’il a du mal à réaliser avec la réémergence de la Russie et l’émergence de la Chine). L’Empire et ses commensaux sont prêts à tout pour arriver à leurs fins, et repousser sans cesse les termes de leur décadence (« tout empire périra », écrivait le grand historien des relations internationales Jean-Baptiste Duroselle). Pour ce faire, ils sont prêts à organiser le déplacement de milliers de personnes en mettant à feu et à sang des pays aux gouvernements légitimes, mais récalcitrants à leurs commandements. Certes, comme toute politique, il est une part d’inconnue dans les décisions des maîtres, car l’aléa est le propre de la liberté dans l’histoire qui est un devenir qu’aucun initiateur ne peut maîtriser en totalité, voire prévoir, mais il n’empêche, pour contrôler la situation il leur semble avantageux d’étendre à l’Europe une partie du chaos afin de briser pour au moins un siècle ce qui peut encore rester de pouvoir aux classes ouvrières européennes. C’est pourquoi demain on peut s’attendre ici et là à diverses guerres civiles larvées. Et je n’en veux pour preuve que de rappeler combien Madame Merkel appelle de ses vœux la constitution d’une force de police militaire européenne transnationale qui pourrait intervenir ici ou là dans le cadre de l’UE, évitant, autant que faire se pourrait, des solidarités nationales entre une force de police locale et des hommes révoltés… Sans me faire prophète, il me semble que demain « There will be blood » sur notre sol européen, ce que, comme une prémonition mortifère, nous annonça à la fin du siècle dernier la Guerre de l’OTAN contre la Yougoslavie… Ainsi les droits-de-l’hommiste professionnels auront très bientôt beaucoup d’autres larmes à verser… Je souhaite qu’ils en aient de larges réserves à la hauteur des crimes de masse qui s’annoncent…
Claude Karnoouh
Bucarest 11 septembre 2015
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1 MichelOnfray :http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/09/10/31003-20150910ARTFIG00382-michel-onfray-on-criminalise-la-moindre-interrogation-sur-les-migrants.php
2 Jacques Sapir : http://www.info-contre-info.fr/economie-societe-video/videolorsque-lallemagne-veut-accueillir-800-000-emigrants-cest-un-tres-beau-geste
Jean-Michel Gradt.http://www.lesechos.fr/20/02/2015/lesechos.fr/0204174006166_allemagne---12-5-millions-de-personnes-sous-le-seuil-de-pauvrete--un-record.htm
3 Slavo Zizek : http://www.lrb.co.uk/v37/n18/slavoj-zizek/the-non-existence-of-norway
4 Albert Memmi : Portrait du colonisé, précédé du portrait du colonisateur, Paris, 1957.
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