vineri, 17 noiembrie 2023

UKRAINE : POURQUOI LA GUERRE ? Article rédigé par Emmanuel HUYGHUES – DESPOINTES, membre de Geopragma.

UKRAINE : POURQUOI LA GUERRE ?

Article rédigé par Emmanuel HUYGHUES – DESPOINTES, membre de Geopragma.

Introduction

Tout d’abord, il est important de noter que cet article sur ce conflit sera rédigé sous le quadruple prisme géopolitique :

1)            L’Est de l’Europe a une histoire beaucoup plus chaotique que celle de l’Ouest, où les nations apparaissent dès le 15ème siècle, dans des frontières à peu près stables : en effet, les premiers états modernes (Portugal, Espagne, France, Angleterre) se constituent à ce moment, suivis de l’Allemagne et l’Italie au 19ème siècle, tandis que l’Europe orientale connaîtra de constants bouleversements entre les 13ème et 20ème siècles avec la disparition de très grands états (Pologne-Lituanie et Autriche-Hongrie) et de grands bouleversements de frontières ;

2)            La permanente oscillation de l’Ukraine entre l’Est- et l’Ouest, entre sa partie occidentale de religion catholique et de culture polonaise et sa partie orientale, de religion orthodoxe et de culture russe ;

3)            Le conflit entre les puissances maritimes (thalassocraties) et les puissances continentales défini par Thucydide dans son Histoire de la Guerre du Péloponnèse. Ce prisme est également celui pris par le géopolitologue anglais McKinder au 19ème siècle même si, a priori, cela peut paraître étranger à ce conflit.

4)          La mise en route d’un engrenage fatal, toujours décrite par Thucydide, qui échappe peu à peu au contrôle d’Athènes et de Sparte, les protagonistes de cette guerre. Cependant, la recherche de la causalité de ce conflit n’implique pas d’en déterminer la responsabilité.

I)             QU’EST-CE QUE L’UKRAINE ?

1)            L’Ukraine est au carrefour de deux civilisations, l’Occident catholique et l’Orient orthodoxe. Tout d’abord, son nom, Kraï (КРАЙ) en russe signifie, bord, extrémité, région et qui résume très bien cette situation géopolitique.

Pour comprendre la mise en place de ce carrefour, il faut remonter au partage de Théodose, en 395 après JC, qui sépare l’Empire Romain en deux parties, à l’ouest le monde latin, à l’est le monde grec.

L’Ukraine est donc à la jonction :

  • du monde romain jusqu’en 496 (fin de l’Empire d’Occident), puis romain germanique à partir de 800, date du couronnement de Charlemagne, ensuite polonais, dans tous les cas catholique ;
  • du monde grec d’abord, puis grec orthodoxe, puis russe orthodoxe, d’autre part. Cette partie orientale de l’Europe est dite du Filioque

La carte de ce partage permet de bien visualiser cette séparation.

En 800, Charlemagne est couronné Empereur d’Occident par le pape et son empire se constitue comme le montre la carte ci-dessous.

Quand nous regardons cette carte, nous constatons 2 choses :

① La frontière de 395 entre les mondes Latin et Orthodoxe est respectée quand on la projette vers le nord, jusqu’au 55ème parallèle: les Pays Baltes, situés à l’est de cet axe, ne seront conquis et Christianisés par les Chevaliers Teutoniques qu’à partir du 12ème siècle ;

② Les frontières de la Pologne, au moment baptême du prince Mieszko et de son peuple, en 966 sont à peu près celles fixées lors des conférences de Téhéran et de Yalta (1944/45) : l’Histoire se répète souvent ! Les polonais et tchèques sont les deux peuples slaves adeptes du catholicisme, donc de l’Eglise d’Occident :

II)           UKRAINE / RUSSIE : SŒURS JUMELLES OU MÈRE-FILLE ?

  1. L’Ukraine berceau de la Russie

L’Ukraine est devenue le berceau de la Russie Rus’ (РУСЬ) qui y a été convertie à l’orthodoxie par le baptême en 988, du Grand-Prince (Veliki Kniaz) Wladimir, qui épouse Anne Porphyrogénète (née dans la pourpre), sœur du Basileus de Byzance. Wladimir, surnommé Fornicator Maximus, doit renoncer à toutes ses concubines (plusieurs dizaines) pour épouser Anne, plus que réticente ! Ce mariage a une double conséquence :

–  La Rus’, qui correspond géographiquement à peu près à l’Ukraine actuelle, devient complétement orthodoxe ;

–  Toute l’histoire de la Rus’ pendant 3 siècles se passe dans ce qui est maintenant l’Ukraine.  Une très brillante civilisation s’y développe et celle-ci devient un phare de la culture orthodoxe, après la rupture de 1054 entre Rome et Constantinople. Entre le 10ème siècle t le 13ème siècle, l’Orient l’emporte sur l’Occident en Ukraine.

Quant à Moscou, cette ville est créée vers 1150 dans le nord de la Rus’ de Kiev et n’est qu’une petite bourgade.

2)            Prise de Kiev par les mongols en 1240

L’invasion mongole atteint l’Europe après la mort de Gengis Khan en 1227 et Kiev est prise en 1240 par Batu, son petit-fils.  La Rus’ de Kiev disparaît comme entité indépendante, ce qui implique une debellatio au sens romain du terme, c’est-à-dire l’anéantissement de toutes les structures étatiques et militaires, quand les prémisses des états d’Occident apparaissent :

–              la France avec Bouvines en 1214, qui rassemble tous les français du nord de la Loire, autour du roi Philippe Auguste, contre une invasion anglo-germano-flamande ;

–              l’Espagne avec Las Navas de Tolosa en 1212 qui rassemble plusieurs rois chrétiens contre une armée musulmane et qui marque le début de la Reconquista,

–              l’Angleterre avec la signature de la Grande Charte en 1215, qui marque le début du régime représentatif.

Cette conquête va provoquer une fracture Est / Ouest considérable ; un véritable Rideau de Fer, avant la lettre, est édifié, ce qui implique un retard considérable de l’Est de l’Europe, vis à vis de l’Ouest, notamment sur le plan institutionnel :

–              en Europe Occidentale les futures institutions démocratiques apparaissent : le Parlement en Angleterre, les Communes Libres en Italie, les Cortès en Espagne, les Etats-Généraux en France, les Landtag en Allemagne, etc., en vertu du principe posé par l’Eglise Catholique, du libre consentement du peuple à l’impôt ;

–              Tandis que toute la Rus’ de Kiev est soumise à l’arbitraire mongol, qui impose un tribut annuel. Aussi, chaque Grand-Prince doit chaque année se rendre à Karakorum, au centre de l’actuelle Mongolie, pour rendre hommage au Grand-Khan, le front à terre ! Le Grand-Khan arbitrait les conflits entre Grands-Princes russes.

Pendant un siècle, de 1240 à 1362, l’orient l’emporte sur l’occident en Ukraine.

En effet, un siècle plus tard, en 1362, profitant d’une querelle dynastique mongole, le Grand-Duc de Lituanie Olrieg, père du fondateur de la dynastie Jagellon, polono-lituanienne, ancêtre des Poniatowski, s’empare de Kiev et en fait une cité administrative pour son royaume. En Ukraine, l’Occident va alors dominer sur l’Orient à partir de cette date.

3)            Ascension de Moscou

3.1          À cause de l’éloignement de la capitale mongole, Karakorum, située en Mongolie, le Grand Khan charge le Grand-Prince de Moscou de réunir de tribut versé par ses collègues des autres villes, parce que cette ville était la plus orientée à l’est et donc, plus proche de Karakorum. Ainsi, ce Grand-Prince prélève chaque année le tribut de Kiev, Tver, Nijni-Novgorod, etc., pour le porter lui-même à Karakorum ; cet « apanage fiscal » renforce donc la puissance de cette ville.

3.2          Cette ascension continue quand le Grand-Prince de Moscou, Dimitri Donskoï, remporte une victoire décisive à Koulikovo, sur le cours supérieur du Don en septembre 1380. Dans l’histoire de la Russie, cette victoire peut être comparée à la libération d’Orléans par Jeanne d’Arc, parce qu’elle représente la fin du mythe de l’invincibilité mongole et la naissance du patriotisme russe.

3.3          Ivan III le Grand

Ce souverain est resté dans l’histoire de la Russie pour quatre faits marquants :

① Il déchire solennellement en 1480, devant son peuple, le traité de soumission de Moscou envers la Horde d’Or ;

 ② Il conquiert les principautés voisines appartenant à ses frères ou parentèles, qu’il assassine sans vergogne ;

③ Il conquiert la ville de Novgorod dont il déporte 70.000 habitants aux frontières orientales. Il inaugure ainsi la déportation, vieille tradition russe :

④Il donne le titre de Troisième Rome à Moscou après son mariage avec Sophie Paléologue, nièce du dernier empereur byzantin Constantin XI Paléologue, pour bien monter la supériorité de Moscou sur toutes les villes de Russie et engager la vocation messianique de la Russie.

3.4          Ivan le Terrible

Petit-fils d’Ivan III, Ivan se fait couronner Tsar de Toutes les Russies en 1547 et instaure un régime de terreur l’Opritchina, régime d’arbitraire absolu, qui le fait surnommer Grozny (le Redoutable) et dont Staline s’inspirera ; il fait preuve d’une grande énergie et conquiert Kazan en 1552, aux portes de l’Asie et Astrakan en 1556, sur la Mer Caspienne. Il pose les bases de la domination sur la Caucase et de la Sibérie, ce qui sera l’Empire Russe.

La Russie se substitue à l’Ukraine comme porteuse de la civilisation orthodoxe et ces deux pays deviennent l’une pour l’autre, à la fois mère, fille et sœurs jumelles !

III) MONTÉE   EN PUISSANCE DE LA RÉPUBLIQUE DES DEUX NATIONS (POLOGNE + LITUANIE)

1) 1385 L’union de Krewo

– La reine de Pologne Hedwige, catholique, et le grand-duc de Lituanie, païen, Ladislas II Jagellon par mariage créent une union personnelle des deux États sous l’autorité d’un seul roi, qui se convertit au catholicisme. La reine meurt en 1399 et Ladislas II Jagellon règne seul 48 ans, mais les deux royaumes restent deux entités séparées : en effet, la Pologne, de culture slave et catholique depuis la fin du 10ème siècle était très différente de la Lituanie, de culture balte, dont la langue n’était pas slave, christianisée entre les 12ème et 13ème siècle et encore très imprégnée de paganisme ;

– 15 juillet 1410, l’union est renforcée par la victoire de Grunwald où Ladislas II, à la tête d’une coalition Lituano-polono-tchèque, écrase les chevaliers teutoniques, qui ne se remettront jamais de cette défaite. Cette victoire sera abondamment utilisée pendant la Guerre Froide par URSS pour entretenir le sentiment antiallemand dans les pays de culture slave

2) 1569 création de la République des Deux Nations, par l’Union de Lublin 

– Cette union marque la fin du règne de Sigismond II Auguste, qui meurt en 1572, dernier roi de la dynastie Jagellonne. Une monarchie élective s’installe : le roi est désormais élu par la Diète, élue par la noblesse ; chaque noble, dispose d’un droit de veto (Liberum Veto) sur le choix du roi ce qui génère une paralysie politique qui sera fatale à l’indépendance de la Pologne. C’est à ce moment qu’apparaît l’adage Rex regnat sed ne gubernat (le roi règne mais ne gouverne pas), principe qui sera repris par toutes les monarchies occidentales en Europe à partir du 19ème siècle : en effet, le roi devait convoquer régulièrement le Sénat, composé des principaux dignitaires religieux et la Diète (Sejm) composée de nobles.

– En 1572, la liberté religieuse garantie entre catholiques, orthodoxes protestants et juifs par le roi Sigismond-Auguste ; cette liberté est symbolisée par cette phrase : « je ne suis pas le roi de vos consciences ». La Pologne est alors le plus grand état d’Europe avec un million de km2

– En 1595, est signée l’Union de Brest-Litovsk qui réunit une partie des Orthodoxes à Rome, tout en gardant le rite orthodoxe (région de Lviv, Lvov ou Lemberg) à l’ouest de l’Ukraine actuelle

Cette extension géographique, comme le montre la carte infra, l’Union de Brest-Litovsk et une grande tolérance religieuse font que les trois-quarts de l’Ukraine sont ainsi sous influence occidentale. L’Ouest l’emporte donc sur l’Est.

IV) DE PIERRE LE GRAND (1682 / 1725) À LA GRANDE CATHERINE (1762 / 1796), LA RUSSIE MONTE EN PUISSANCE AUX DÉPENS DE LA POLOGNE

La Russie connaît une expansion importante à partir du début du 18ème siècle, grâce à deux souverains exceptionnels : Pierre le Grand et la Grande Catherine

① Pierre Le Grand écrase Charles XII de Suède à la bataille de la Poltava (1709) et place la Russie comme une grande puissance européenne après la Grande Guerre du Nord (1700/21) ; la Suède perd le contrôle des Pays Baltes et la Russie devient une puissance maritime, par la construction de Saint Pétersbourg.

② La Grande Catherine, princesse allemande est issue d’une petite principauté, le Saxe-Anhalt; elle est mariée au tsar Pierre III, admirateur fanatique de la Prusse, mais dérangé mentalement; elle profite d’un brusque renversement d’alliances au profit de la Prusse, en 1762, au cours de la Guerre de Sept Ans et imposé par son mari pour organiser un coup d’état … et le remplacer! En effet, les chefs de l’armée avaient été indignés par le changement d’alliés par Pierre III.

Frédéric II espérait manipuler Catherine à son profit : il devra vite déchanter parce que Catherine se russifiera pour devenir « plus russe qu’un cosaque », selon ses dires.

Catherine, couronnée impératrice de Russie et convertit à l’orthodoxie, conquiert :

– la Nouvelle Russie, qui correspond à l’Ukraine du sud et la Crimée ;

– la Petite Russie, qui correspond aux deux-tiers de l’Ukraine actuelle ;

– la Biélorussie, incluse ans la Pologne au, cours de ses trois partages 1772, 1793, 1795

Pierre le Grand a posé les jalons de la Russie comme grande puissance tandis que la Grande Catherine l’impose comme acteur majeur au sein de l’Europe.

Odessa est fondée en 1794 ex nihilo comme ville nouvelle par l’impératrice russe Catherine II et …  le duc de Richelieu, assisté d’un architecte français, preuve de l’influence française importante en Russie à l’époque et de la volonté de Catherine de contrôler, à terme, les Détroits.

En conclusion, nous constatons que la Russie, est réunie de trois entités,

–              Une première, la Moscovie, augmentée de la Biélorussie à partir de Catherine II, qui s’est émancipée du Grand Khan, avec Dimitri Donskoï, Ivan le Grand et Ivan le Terrible, qui a conquis Kazan et Astrakan et tournée vers l’Asie Centrale et la Sibérie ;

–              une seconde, l’Ukraine, dite Petite Russie, extrêmement fertile, tournée en partie vers l’Occident et

–              une troisième, la Nouvelle Russie, tournée vers la Mer Noire, après l’élimination de la Pologne ;

Sans contestation possible, le vent d’Est l’emporte en Ukraine sur le vent d’Ouest !

Petite Russie (partie beige)

Nouvelle Russie (Moldavie + sud de l’Ukraine + Crimée)

V) À PARTIR DE 1917 : TRAGÉDIES

1)            Indépendance très provisoire

Entre janvier 1918 et octobre 1920, différents gouvernements soutenus par l’Allemagne, jusqu’en 1918, puis les Alliés, jusqu’en 1920, se succèdent ; les différentes factions qui se disputent le pouvoir provoquent de nombreux massacres mais, en 1920, les bolcheviks finissent par l’emporter.

2)            Mise en place de l’URSS à partir de 1922

Avant la Révolution, Lénine qualifiait la Russie de « prison des peuples » et voulait affaiblir la Russie en la divisant en républiques soviétiques, les plus grandes possibles ; celles-ci devaient correspondre aux différentes ethnies. Ensuite, il souhaitait que la Russie, transformée en un état nouveau, de type fédéral, puisse servir de réceptacle aux futurs états communistes d’Europe, principalement l’Allemagne et la Pologne.

–              13 républiques sont ainsi constituées, sous contrôle du PC ;

–              Mais, Staline, Commissaire du Peuple aux Nationalités, décide alors de mélanger les nationalités, au sein de chaque république, pour placer Moscou en position d’arbitre (diviser pour régner, règle universelle) : la crise actuelle du Haut-Karabagh, entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en est un symbole important.

3)            situation de l’Ukraine à partir de 1922

Concernant l’Ukraine, il existe une contradiction fondamentale entre :

–              Les deux-tiers du pays, situés à l’est de Kiev, qui sont de culture russe, de religion orthodoxe, rattachés au Patriarcat de Moscou et depuis toujours et tournés vers Moscou ;

–              le dernier tiers du pays, largement à l’ouest de Kiev, qui est spécifiquement de culture ukrainienne : la langue ukrainienne, les Uniates catholiques de rite orthodoxe, la souveraineté polonaise, d’abord jusqu’en 1795, puis autrichienne, ensuite, jusqu’en 1918, puis, encore polonaise, jusqu’en 1939, y sont dominants. Bref, la culture occidentale y prévaut ;

–              alors que, la langue ukrainienne, considérée par beaucoup de russes, comme un simple dialecte russe, interdite à partir d’Alexandre III, est imposée dans l’enseignement obligatoire à partir de 1922.

4)            Holodomor (famine) 1932/34

Au début des années 30, Staline décide de rompre avec la NEP (Nouvelle Politique Economique) de Lénine qui rétablissait, en fait, le capitalisme sous un socialisme théorique. Pour cela, il procède à la collectivisation de terres dans un double but :

– affaiblir le sentiment national ukrainien en plaçant sa paysannerie, très largement majoritaire, sous contrôle absolu de l’état ;

– financer l’industrialisation l’URSS à marche forcée en exportant près de 3,3 millions de tonnes de céréales entre 1932 et 1933 auprès des pays occidentaux.

Le résultat fut absolument catastrophique : cette famine délibérée provoqua entre 2,5 M et 9M de morts en Ukraine, Russie et Kazakhstan, selon les différentes estimations d’historiens. Cette famine sera l’un des éléments de la naissance du sentiment national ukrainien.

5)            Seconde Guerre Mondiale (1941/45)

–              Le 21 juin 1941, quand débute l’opération Barbarossa, les allemands sont bien accueillis par la population : les films de propagande nazie montrent des paysannes en costume traditionnel accueillant la Wehrmacht avec des icônes et des fleurs ; le lieutenant von Kagenek écrit dans ses Mémoires Lieutenant de Panzers, que les Ukrainiens les voyaient comme des libérateurs et on comprend pourquoi ! Quand Kiev est prise le 19 septembre 1941, les populations urbaines réagissent à l’identique et pourchassent les dirigeants du Parti Communiste ainsi que les Juifs en leur reprochant d’être bolcheviks !

–              Stepan Bendera (1909/1959), chef historique du nationalisme ukrainien, tente de créer un gouvernement ukrainien ; son idéologie est à la fois anti-polonaise, anti russe et antisémite, ce qui provoque des massacres de civils polonais vivant en Galicie (70.000 morts) et de juifs au cours de l’été 1941 : c’est la Shoah par balles qui fait 1,5M dans les Pays Baltes, en Biélorussie, en Ukraine et en Russie. Ces massacres sont perpétrés par une partie des nationalistes ukrainiens, dont des partisans de Bandera.

Cependant, les allemands étaient animés autant par un racisme anti-slave qu’anti sémite et Bendera est interné tandis que ses deux frères sont déportés et assassinés à Auschwitz en 1942.

En 1944, les allemands décident la création d’une armée ukrainienne anti soviétique, la division SS Galicie pour pallier à leur manque d’effectifs.  Bendera est mis à sa tête, sans empêcher la défaite allemande ; Bendera se réfugie en 1945 à Munich où il sera assassiné par le KGB en 1959.            

La répression raciste des nazis contre les slaves, considérés comme des sous-hommes, provoquent un retournement d’une partie de l’opinion ukrainienne ; une guérilla antiallemande efficace organisée par les communistes, unis avec des nationalistes ukrainiens, se met en place : la protection d’une voie ferrée demande alors les effectifs d’une division !

6)            Après 1945

Une guérilla antirusse se poursuit en Ukraine ainsi que dans les Pays Baltes jusqu’au début des années 50. Après la mort de Staline, les ukrainiens sont promus à la tête du PC d’Union Soviétique et trois Secrétaire Généraux du Parti seront d’origine ukrainienne (Khrouchtchev, Brejnev, Tchernenko).

En 1954, Khrouchtchev, d’origine ukrainienne, décide le rattachement de la Crimée à l’Ukraine pour satisfaire les communistes ukrainiens, ce qui rencontre une forte hostilité chez ses habitants, majoritairement d’origine russe. En effet :

① La Crimée est devenue russe sous Catherine II, ce qui a donné à la Russie une possibilité d’action vers les Mers Chaudes;

② Le souvenir de la bataille de Sébastopol au cours de l’été 42 reste très vif dans l’opinion parce qu’elle a retardé la bataille de Stalingrad, ce qui a provoqué la défaite allemande.

Depuis 1945, jusqu’en 1989, les églises chrétiennes, uniates, c’est-à-dire rattachée à Rome et orthodoxes, rattachée au Patriarcat de Moscou, subissent une persécution continue, ce qui contribue à la naissance d’un sentiment national ukrainien, notamment à l’ouest de l’Ukraine.

VI)          1991 : FIN DE L’URSS : QUELLE ÉMANCIPATION ?

  1.  Au début, relative lucidité des États-Unis et maintien de l’équilibre entre l’Ouest et l’Est

Au cours de l’été 91, avant le putsch anti-Gorbatchev, le président Bush sr. (1989/93) se rend en Ukraine et dans un discours devant le Soviet Suprême à Kiev, il plaide pour le maintien de l’Ukraine dans l’URSS, lui, ex-Directeur de la CIA ! En effet, Bush avait anticipé le grave déséquilibre géopolitique que poserait le démembrement, en cours de l’URSS, qu’il tente d’arrêter.

L’avenir devait lui donner largement raison, hélas !!

Après l’échec du putsch anti-Gorbatchev, en août 91, la situation échappe à tout contrôle et Eltsine, nouvellement élu à la présidence de la Fédération de Russie, propose à ses collègues des autres républiques soviétiques de « liquider » la direction centrale de Moscou pour que chacun d’entre eux puisse être maître chez lui : c’est la fin de l’URSS !

Dans un premier temps, les présidents Leonid Kravtchouk (1991/94) dernier président du Præsidium du Soviet suprême de la RSS d’Ukraine puis président de la Rada (parlement) puis Leonid Koutchma (1994/2005) maintiennent un équilibre entre la Russie et l’OTAN et le russe reste langue officielle, à égalité avec l’ukrainien.

  • Révolution Orange 2004/05

Le second tour de l’élection présidentielle, le 21 novembre 2004, a en effet été marqué par une fraude généralisée, constatée par les observateurs de l’OCDE. Deux candidats s’affrontent, Viktor Yanukovitch, pro-russe Viktor Iouchtchenko, pro-ukrainien ; ce dernier utilise comme argument électoral les cicatrices qu’une tentative d’empoisonnement a laissé sur son visage, hélas symbole de la violence des mœurs politiques.

Dans un premier temps, Yanukovitch est proclamé vainqueur, mais, à la suite de manifestations monstre de protestations, la Cour Suprême ukrainienne annule les résultats, un nouveau second tour est organisé et Iouchtchenko l’emporte. Mais, Yanukovitch refuse de reconnaître a défaite.  Des organisations occidentales, telles le Konrad Adenauer Institut, proche de la CDU allemande, l’Open Society Institute de George Soros, ont largement contribué à cette inversion de résultats pour l’élection présidentielle de 2004. C’est la Révolution Orange.

Cependant, en 2006, les soubresauts politiques donnent la majorité des voix aux élections législatives au parti de son ancien rival Yanukovitch et conduisent le président Iouchtchenko à le nommer Premier ministre.

Dans la continuité de cette tendance, Yanukovitch remporte l’élection présidentielle de 2010, sans contestation des résultats.  Yanukovitch prend alors sa revanche : il signe les accords de Kharkov avec son allié russe et refuse l’accord d’association avec l’UE : compte tenu de l’obligation ‘’des mises aux normes de l’UE’’, les pro-russes proclament que cela signifie la fin de l’industrie ukrainienne, très largement encore aux normes environnementales soviétiques et considérées comme totalement polluante et obsolètes.

  • EUROMAÏDAN (déc.13 / fév.14)

Le refus de Yanukovitch de signer les accords prévus avec l’UE provoque des manifestations très importantes allant jusqu’à 500.000 personnes sur la principale place de Kiev, comparable à la Place de la Concorde à Paris : la presse et des ONG occidentales sont très présentes et encadrent les manifestants. Les manifestations tournent à l’émeute et 80 victimes sont à déplorer ; le 21 février 2014, le président Yanukovitch est destitué par la Rada et s’enfuit en Russie.

Le président Petro Porochenko, pro-occidental, est élu (2014-2019)   et doit affronter deux crises majeures :

① Perte de la Crimée

Le 22 février, le président Poutine qualifie le nouveau gouvernement d’illégitime. À la suite de cette déclaration, le 28 les troupes russes pénètrent en Crimée ; le 16 mars un référendum organisé par le gouvernement de Moscou vote le rattachement de la Crimée à la Russie, qui est entériné le 28 mars.

Certes, les observateurs de l’OSCE étaient absents pour valider le referendum, mais des journalistes ou parlementaires occidentaux étaient présents et ont tous confirmé que le scrutin s’est déroulé normalement et sans fraude. Un fait semble donc s’imposer : la majorité des habitants de la Crimée est plutôt favorable aux russes !

② Guerre du Donbass (14.000 morts)

Quatre chefs d’états européens se rencontrent à Minsk : Angela Merkel pour l’Allemagne, François Hollande pour la France, Alexandre Loukachenko pour la Biélorussie et Vladimir Poutine pour la Russie.

Cette rencontre aboutit aux deux accords de Minsk (2014/15), qui prévoient le retrait des troupes russes et ukrainiennes du Donbass en échange de la mise en place d’une autonomie substantielle pour cette région, dont la population est largement russophone et même russophile.

Malheureusement, les troupes ne s’en vont pas, les affrontements continuent entre russes et ukrainiens et une guerre civile ouverte se déclenche qui, en dix ans fera 14.000 morts.

  • Election de Volodymir Zelenski (2019)

L’élection de 2019 se déroule pendant la guerre civile du Donbass et dans un contexte de corruption généralisée qui atteint l’Ukraine comme tous les pays de l’ex-Union Soviétique. Un acteur et humoriste très célèbre de la télévision est candidat et facilement élu face à Porochenko.

  • Maintien de la césure Est / Ouest

Il est à noter que depuis l’indépendance en 1991, à chaque élection, une césure géographique électorale Est-Ouest très marquée divise l’Ukraine entre une partie occidentale qui vote en majorité pour des candidats pro-Union Européenne et pro-OTAN et une partie orientale pro-russe, qui vote en sens inverse.

VII) VERS LA GUERRE (1989 / 2022)

  1. Malentendu Baker / Gorbatchev de 1989

①En novembre 1989 le Secrétaire d’Etat James Baker donne à Gorbatchev la promesse orale que l’OTAN ne sera pas étendue à l’est du défunt Rideau de Fer. Mais, quand James Baker fait cette promesse, purement orale, LES DEUX PARTIES se doutent qu’elle sera inapplicable compte tenu du besoin de sécurité des pays (Pologne, Pays Baltes) qui ont été sous contrôle soviétique – et quel contrôle (déportations de masse, exécutions sommaires) ! – pendant des décennies.

Dès 1990, quand l’Allemagne se réunifie, se pose le problème de l’ex-RDA ; Shévarnadzé, ministre Affaires Etrangères de l’URSS, propose la double adhésion de l’Allemagne réunifiée à l’OTAN et au Pacte de Varsovie, ce qui aurait gelé les deux alliances, en les rendant réciproquement inapplicables. Refus États-Unis. Aussi, la RDA se retire du Pacte de Varsovie, le 30 septembre 1990, juste avant la réunification du 3 octobre suivant. L’Allemagne réunifiée devient ainsi membre de l’OTAN.

Cette première extension de l’OTAN à l’Est change le rapport de forces en Europe au profit des États-Unis.

Puis, toujours en contradiction avec la promesse de novembre 1989, la Pologne adhère à l’OTAN en 1999. En 2004, au sommet de l’OTAN, l’extension de l’alliance atlantique, est décidée en faveur, des Pays Baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie), anciennes républiques, membres de l’Union Soviétique.

On peut considérer qu’il s’agit là d’une erreur partagée entre les États-Unis et la Russie qui se sont aveuglés mutuellement devant la précipitation des événements qui ont totalement bouleversé la géopolitique mondiale en quelques semaines : Chute du Mur, effondrement du communisme en Europe de l’Est, premiers signes de la dislocation de l’URSS. Ce processus d’engrenage fatal, qui échappe aux protagonistes, est parfaitement décrit par Thucydide dans son Histoire de la Guerre du Péloponnèse.

②En 2008, au sommet de l’OTAN à Bucarest s’ouvre la possibilité de l’Ukraine à rentrer dans l’OTAN, ce qui provoque de fortes protestations de Poutine mais aussi le double veto de Sarkozy et de Merkel

2) Dès 2014, après l’annexion de la Crimée par Poutine, accumulation des facteurs de guerre :

① Sitôt élu, Zelenski commet plusieurs erreurs majeures:

  •  Imposer l’usage de l’ukrainien comme seule langue officielle, jusque-là pratiqué seulement dans l’ouest de l’Ukraine, mais complètement inconnu dans l’est de l’Ukraine, où seul le russe était parlé : c’est comme si le provençal, le corse, ou le breton, devenait seule langue officielle en France ! ;
  • Refus, partagé avec la Russie, d’appliquer sérieusement les Accords de Minsk et maintien d’une guerre larvée qui fera 14.000 morts entre 2015 et 2022 ;
  • Déposer la candidature officielle de l’Ukraine à l’UE, ce qui implique la quasi-disparition de l’industrie ukrainienne, totalement obsolète selon les normes UE ; l’Allemagne a besoin de main d’œuvre ukrainienne, pas de son industrie. Or, cette industrie (charbon et acier) est entièrement située dans le Donbass, c’est-à-dire à l’est du pays, ce qui aurait provoqué un chômage de masse ;
  • Demander l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Or, depuis 2014, les anglo-saxons (États-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne) entraînent l’armée ukrainienne, avec les normes de combat et le matériel de l’OTAN. Cette demande est totalement inacceptable pour la Russie. En effet, cela revient à arracher à la culture russe le cœur de son histoire. Comme l’a dit l’ancien ambassadeur de France à Moscou, Jean de Glinasty : « si l’Ukraine n’est pas rentrée dans l’OTAN, c’est l’OTAN qui est rentrée en Ukraine ! »

② Contexte et fonctionnement de Poutine:

  • Les soviétiques ou les russes, fonctionnent exactement comme George Kennan éminent diplomate américain, qui fut en poste à Moscou, l’a écrit dans son fameux long télégramme en 1947, repris dans un article de la revue Foreign Affairs en juin 1947. Il y écrit que le pouvoir soviétique est « insensible à la logique de la raison, et très sensible à la logique de la force. Pour cette raison, il peut facilement se retirer – et le fait généralement lorsqu’une forte résistance est rencontrée à tout moment ».
  • Pour expliquer les racines de ce comportement, Kennan cite le livre du marquis de Custine, publié en 1843 et tombé dans l’oubli depuis, La Russie en 1839. Selon Custine, la cause principale de cet éloignement de la culture occidentale réside dans l’occupation mongole, qui a duré plus d’un siècle et demi en Russie, entre 1240 et 1380, voire plus pour la Russie méridionale et la région de Kazan, tandis qu’Attila n’est resté que moins de deux ans en Gaule.
  • De plus, Poutine, fils d’un couple d’ouvriers, a perdu deux frères aînés, morts de faim pendant le siège de Leningrad (1941/44), a été baptisé clandestinement par sa mère à l’âge de 6 ans, a failli être emprisonné comme voyou et sauvé par un professeur qui l’a mis au judo. Il est entré au KGB en 1975, à l’apogée du système soviétique, quand l’URSS était partout respectée. Il a très mal vécu l’effondrement du communisme et de la puissance soviétique et reste sceptique sur le fonctionnement de la démocratie à l’occidentale en Russie. Poutine, par son histoire personnelle, est donc très culturellement éloigné des chefs d’état occidentaux.
  • Bref, le rapport de forces doit être dominant dans les rapports de l’Occident avec la Russie.

3) Avertissement à l’Occident

                 Dès son arrivée au pouvoir comme Premier ministre, Poutine, fort de sa formation et de son expérience de tchékiste, se bâtit une légitimité dans une série de guerres qu’il gagne, sans se soucier des pertes humaines :

–              Tchétchénie en 1999 : Poutine prend sa revanche sur celle perdue de 1996 et qui avait écarté la domination russe du Caucase ; la souveraineté de Moscou y est rétablie très brutalement (200.000 morts), ce qui donne une forte popularité à Poutine, d’autant plus que les tchétchènes sont détestés par l’opinion publique ;

–              Géorgie en 2008 : Poutine occupe militairement au cours d’une guerre-éclair, deux régions du sud du Caucase, sous souveraineté géorgienne, (Abkhazie et Ossétie du Sud), mais hostiles à la Géorgie ; il utilise le même argument que l’OTAN qui avait arraché le Kosovo à la Serbie en 1999 ;

–              Syrie en 2011 : Poutine est le seul chef d’état à soutenir militairement l’abominable régime d’Assad en Syrie en lui permettant d’écraser la rébellion née avec le Printemps Arabe (2011) ; il montre que la Russie reste fidèle à ses alliances, combat l’islamisme et replace la Russie comme acteur majeur au Proche-Orient ;

–              Crimée en 2014 : avant de signer les accords de Minsk (septembre 2014), des troupes russes occupent militairement la Crimée au mois de mars et un nouveau pouvoir y est mis en place ; celui-ci y organise un referendum, certes contesté par l’Occident, mais qui reflète l’opinion majoritaire des habitants ; l’annexion qui en découle porte Poutine au sommet de sa popularité en Russie ;

–              Donbass, depuis 2014 : la violation des Accords de Minsk, par les deux parties, provoque une guerre civile larvée et la mort de 14.000 personnes

4) Eléments déclencheurs :

  • Poutine reçoit le soutien de son opinion, indignée par les humiliations subies par la Russie depuis 1991 : des « experts » des Big Five (Ernst & Young, Accenture, McKinsey, etc.)  sont présents dans tous les ministères pour dicter la politique économique alors que la mendicité est omniprésente à Moscou et toutes les grandes villes de Russie, pour la première fois depuis la Guerre Civile (1918/22) ;
  • La débâcle américaine à Kaboul en 2021, où la télévision montre des gros porteurs de l’US Air Force partir en catastrophe, avec des afghans s’accrochant aux roues des avions, rappelle celle du Vietnam en 1975 et détruit le prestige des États-Unis dans l’opinion publique russe ;
  • L’enlisement de la France en Afrique depuis 2012, où les succès tactiques réels de l’opération Barkhane sont effacés par l’absence de solution politique, empêchée par des gouvernements africains parfaitement incompétents.

Aussi, en octobre 2021, Poutine adresse un quasi-ultimatum à l’OTAN, quand il exige le retrait de l’Alliance Atlantique des Pays Baltes et de la Pologne de l’OTAN. Poutine sait parfaitement que cette exigence est impossible à satisfaire quand on connaît les conditions épouvantables de l’occupation soviétique en 1939/40 (déportations massives et exécutions sommaires de masse).

VII)        QUELLE PAIX EN UKRAINE ?

Avant d’envisager le rétablissement de la paix en Ukraine et pour analyser correctement cette guerre, nous devons savoir qu’en liaison avec ce conflit, trois guerres sont en cours, à étudier par ordre d’importance croissante

1)            Ukraine /Ukraine

Comme nous l’avons vu précédemment, schématiquement, l’Ukraine, essentiellement russe de culture, de religion et d’histoire reste néanmoins tiraillée vers deux directions

–              Pour les deux-tiers, situés à l’est de Kiev et orientés vers la Russie, dont elle est à la fois la mère et la sœur ;

–              Pour un tiers, situé et orienté vers l’ouest, parce que sa partie occidentale a été pendant plusieurs siècles sous contrôle polonais puis autrichien : la ville polonaise de Lemberg est devenue Lvov en URSS, puis Lviv en Ukraine ; les Uniates, catholiques de rite orthodoxe, sont concentrés dans cette région-là.

La guerre civile qui dure depuis 2014 et a provoqué 14.000 morts jusqu’en 2022 en est le résultat concret

2)            Russie / Ukraine

–              L’Holodomor (1931/34), avec ses millions de morts, même s’il n’est pas réduit à l’Ukraine, a contribué à la naissance d’un sentiment national ukrainien et d’une solide rancune récurrente antirusse ;

–              Après 1991, les réseaux d’énergie (gaz) sont orientés Est/Ouest (Russie /UE) et un conflit commercial et géopolitique nait entre la Russie et l’Ukraine (tarifs de transit ; détournement d’une partie du gaz par les ukrainiens) ;

–              Le refus ukrainien d’appliquer les Accords de Minsk (2015), notamment en imposant l’usage de l’ukrainien comme seule langue officielle, ce qui contredisait lesdits accords qui prévoyaient une autonomie substantielle pour les oblasts du Donbass et de Donets, où seul l’usage du russe était pratiqué ; ce refus maintien la guerre civile dans ces régions ;

–              L’adhésion, de fait à L’OTAN à partir de 2008 : par l’aide militaire apportée par les Anglo-saxons et les polonais, l’Ukraine sort de l’orbite russe et repasse dans l’orbite occidentale, conformément à une récurrence géopolitique qui dure depuis le 10ème siècle.

Imaginons la réaction de l’Angleterre si l’Irlande ou l’Ecosse, après sécession, adhérait à une alliance ouvertement anti-anglaise !

–              Enfin, l’attaque de 2022 et la guerre qui dure depuis plus d’un an et demi, les massacres délibérés de civils par l’armée russe et la mobilisation de tout un peuple, constituent un formidable creuset du sentiment national ukrainien

3)            États-Unis / Russie

–              En 2009, les États-Unis sont devenus la seule superpuissance mondiale avec la volonté de maintenir cette hégémonie. Aussi, pour la mettre en application, le Président Obama pose 3 axiomes :

① « Russie? Puissance régionale ! » En effet, selon Obama, le PIB russe est égal à 3% PIB occidental (États-Unis + Canada + UE + Japon + Corée), soit plus ou moins celui de l’Espagne ou des Pays-Bas ;

② L’avenir du monde est concentré dans le triangle San Francisco, Shanghai, New-Delhi (ou Singapour) et Obama se désintéresse du reste du monde. En effet, depuis 1945, toujours selon Obama, l’Europe est sortie de l’Histoire et depuis 1989, les États-Unis sont les seuls maîtres du monde ;

③ Priorité des États-Unis: LA CHINE! Pour cela, Maintenir une Europe disciplinée sous contrôle américain, et appliquer le théorème Brzezinski théorisé dans son livre Le Grand Echiquier : la Russie plus l’Ukraine constituent ensemble un Empire, qui a de l’influence en Europe et qui concurrence les États-Unis ; par contre, la Russie sans l’Ukraine entraîne la Russie rejetée vers l’Asie, sans influence en Europe, laquelle Europe devient soumise aux États-Unis.

En effet, la guerre actuelle en Ukraine constitue une partie du conflit général entre Thalassocraties Anglo-saxonnes (États-Unis, Canada et Grande-Bretagne) et puissances continentales (Allemagne, Russie).

Selon le géopolitologue McKinder, le grand danger qui menace ces Thalassocraties se trouve dans l’alliance entre la Russie et l’Allemagne, ce qui implique de mettre l’Ukraine en Russie, ce que veulent ABSOLUMENT éviter les États-Unis

Dans cet esprit, Wess Mitchell, Secrétaire d’Etat adjoint des États-Unis (2017/19) a déclaré : « Il est toujours d’un intérêt primordial pour les États-Unis, en matière de sécurité nationale, d’empêcher la domination de la masse terrestre eurasienne par des puissances hostiles … L’établissement d’un contrôle total sur l’Eurasie est déclaré comme la tâche la plus importante pour les États-Unis. Une revendication claire est faite en faveur d’une victoire de la civilisation maritime sur la civilisation continentale, centre et seul pilier qui soutient la Russie. (…)  Washington avance ouvertement la priorité des exigences les plus strictes de la géopolitique dans le sens le plus catastrophique (la mer doit inonder la terre) … Un défi est lancé à l’existence même de la Russie : elle ne peut mettre fin à sa domination dans sa propre zone géographique vitale qu’en se fragmentant en petits États fantoches (!) ».

Pour des raisons évidentes, la Russie ne peut prendre cette déclaration que comme une déclaration de guerre.

Or, Obama commet une triple erreur concernant la guerre d’influence entre Russie et les États-Unis :

–              ①« La Russie ? Une puissance régionale avec un PIB minuscule ! ». Cependant, le PIB russe est surtout composé de capacités de production industrielle, alors que les États-Unis sont plus orientés vers les services (financiers, juridiques, marketing, etc.) : ainsi, la production de machines-outils, est bien plus importante en Russie que dans le reste du monde. Les conséquences pratiques sont évidentes pour l’aide à l’Ukraine en armement, qui a vidé les stocks de l’OTAN, alors que la Russie dispose d’une production d’armements très importante, qu’elle utilise pour alimenter la guerre.

–              ②«La Russie ? Puissance régionale ! »  Il suffit de regarder une carte pour constater le gigantisme géographique du pays : la superficie de la Russie représente celle de la totalité de l’Amérique du Nord (États-Unis, Canada, Mexique) et un quart des terres émergées dans l’hémisphère nord ; la Russie a des frontières avec les États-Unis, le Japon, la Chine, l’Asie Centrale, la Scandinavie, la Pologne ; s’il s’agit d’une puissance régionale, de quelles régions s’agit-il ?

En géopolitique, il est stupide de réduire l’importance d’un pays uniquement à son PIB ou à sa géographie. Tout dépend des circonstances. Par exemple :

–              Le Chili, qui contrôle le passage de Drake entre le Pacifique et l’Atlantique et 80% de la production mondiale de cuivre. Ces deux paramètres constituent les deux principales causes du putsch de Pinochet en 1973. Le Passage du Nord-Ouest, maintenant disponible en été, reste très aléatoire, tandis que le canal de Panama reste très vulnérable à une attaque ;

–              Taïwan, qui contrôle toute la mer de Chine Méridionale, où passent le tiers du trafic maritime mondial et 50% des hydrocarbures : l’importance de ce commerce maritime est la principale cause du conflit Chine /États-Unis ;

–              Gibraltar, qui bloque le passage entre la Méditerranée et l’Atlantique : ce passage reste capital pour permettre à la marine américaine de peser sur la crise du Proche-Orient ;

–              ③ « La Russie ? Puissance régionale ! »  Obama oublie du Théorème de Nixon, posé en 1994, après avoir passé plusieurs semaines en Russie, à la demande de Clinton : la Russie est le SEUL pays qui peut détruire les États-Unis, avec plus de 6.000 têtes nucléaires. Par conséquent ce pays doit rester la priorité des États-Unis, même devant la montée en puissance de la Chine ;

–              dans cet esprit, Poutine, président d’une Russie, « puissance régionale », profite de l’élection présidentielle de 2016 pour se rappeler au bon souvenir d’Obama en intervenant dans le processus électoral de l’élection présidentielle américaine, notamment en lançant une cyber attaque massive pour divulguer les mails de la candidate démocrate, Hillary Clinton ce qui sera une des raisons de sa défaite.

En photo, nous voyons que la leçon moralisatrice d’Obama adressée à Poutine au G20, réuni en Chine en septembre 2016, laisse son interlocuteur russe parfaitement indifférent.

CONCLUSION

1° Les États-Unis sont les bénéficiaires de cette guerre, parce qu’ils réarment les membres de l’OTAN (le nouveau chasseur furtif F-35) et vendent leur gaz de schiste pour remplacer le gaz russe ;

2° La Chine, est parfaitement consciente qu’elle constitue la cible principale après la Russie et lui apporte donc un soutien très important. Cette alliance Russie / Chine est due à l’ennemi commun, États-Unis et fonctionne pour l’instant bien, malgré le contentieux potentiel entre ces deux pays qui est très profond.

En effet, la Chine n’a toujours pas reconnu l’annexion de tous les territoires à l’est du fleuve Amour en Sibérie Orientale ; de plus, Kissinger, toujours actif à l’âge de 100 ans, rappelle à qui veut l’entendre que les chinois méprisent les russes qui détestent les chinois… Le souvenir de Gengis Khan est toujours présent dans l’inconscient russe !

3° La Russie est la seule et dernière puissance qui peut barrer la route à la volonté américaine de contenir la Chine ;

4° En conséquence, toute paix en Ukraine doit donc d’abord résoudre le conflit Russie / États-Unis !

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*         *

Pour cela, il est nécessaire de se remémorer l’article prémonitoire publié dans la Revue de la Défense Nationale en février 1955 par l’Amiral Castex, stratégiste bien connu, qui fait autorité chez les Anglo-saxons et intitulé : « Russie, rempart de l’Occident ».

Dans cet article, il met en garde contre la montée en puissance de la Chine et l’intérêt évident des occidentaux de bénéficier d’une Russie forte, entre eux et la Chine. Cela implique une révolution conceptuelle « copernicienne » :

  • Accepter de laisser l’Ukraine sous influence russe et de restaurer un climat de confiance entre les Thalassocraties Anglo-saxonnes (États-Unis, Canada, Grande-Bretagne) et les puissances continentales (Union Européennes, Russie, Ukraine) ;
  • Placer l’Ukraine sous le même régime de neutralité que l’Autriche, garantie par le Traité d’État de 1955, signé entre les États-Unis et l’Union Soviétique ; ce traité a permis l’évacuation de l’Autriche par l’Armée Rouge dès 1955, tout en permettant à l’Autriche de rester une démocratie libérale et d’intégrer l’Union Européenne en 1995 ;
  • Enfin, imposer aux États-Unis de pratiquer une politique étrangère réaliste : en effet, le Président Nixon, en 1972, a compris, simplement en regardant une carte du monde, que les États-Unis ne pourraient jamais contenir l’expansion de l’Union Soviétique sans l’aide de la Chine. Or, 50 ans plus tard, la Chine est devenue la première puissance mondiale, à parité avec les États-Unis ; en conséquence, l’expansion chinoise ne pourra être contenue que par une alliance entre États-Unis, l’Union Européenne et la Russie, toujours en regardant cette même carte du monde ; comme le dit Kissinger, le contentieux civilisationnel, historique et géographique entre la Russie et la Chine constitue un levier suffisant pour y arriver.

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