Vă rog să citiți acest text selectat de mine, în speranța că vă poate interesa. Cu prietenie, Dan Culcer
Sursa http://leblogdeclaudek.blogspot.fr/2010/09/la-france-et-les-tsiganes.html
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mardi 21 septembre 2010
La France et les Tsiganes
Et passent les Tsiganes….
« ...Et avant que l’image de la France ne soit complètement dévoyée par la bêtise d’une poignée d’incultes arrogants, je voudrais rappeler ce qui a pu faire aussi sa grandeur, par ces lignes" :
« Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols. Et j’ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton. »
Extrait d’une lettre de Gustave Flaubert à George Sand – 12 juin 1867
On savait que le président Sarkozy avait été élu par une forte majorité de citoyens français sur un programme de droite hyperlibérale (dans le domaine économique), et en partie d’extrême droite avec la réactualisation des thèmes de la sécurité, de la religion et de la famille (pour un homme deux fois divorcé et remarié à une mannequin qui se faisait photographier nue, la contradiction n’a pas été évidente pour le « bon peuple » qui l’a élu). Mais les dernières mesures d’expulsion prises à l’égard des Tsiganes[1] par le gouvernement français sont, en dépit des circonvolutions de vocabulaire des ministres de l’intérieur, de l’immigration et de la justice, non seulement scandaleuses, mais abjectes. Si l’on ajoute à cela la volonté de déchoir de la nationalité française des couple vivant en état de polygamie, les auteurs d’excision ou les délinquants ayant agressé les forces de l’ordre, on est obligé de convenir que cela rappelle les mesures de triste mémoire prises par le gouvernement collaborateur de Vichy à l’égard des Juifs, des militants communistes ou socialistes, des francs-maçons, des Tsiganes et de tout délinquant d’origine étrangère… [2]
Mais je souhaiterais mettre immédiatement les choses au point. Je n’appartiens pas à ces Occidentaux bêlant devant la misère du monde, pleurnichant devant les pauvres et en général ne faisant rien de concret pour soulager les malheurs des gens. En général ces gens, champions des droits de l’homme, déblatèrent leur commisération dans les salons mondains, se gardant bien d’aller au charbon, ou pratiquent la philanthropie spectaculaire cherchant certes à tempérer quelque peu la misère des gens (et c’est en ce sens honorable) sans pourtant jamais se poser la question radicale quant à l’origine de cette misère. Je reviendrai plus avant sur ce thème propre à la gauche française, dans un premier temps contentons-nous de décrire la situation.
Il est vrai que les Tsiganes des Balkans en France, essentiellement venus de Roumanie et de Bulgarie, vivent pour la plupart dans des campements de grande misère, dans les interstices du maillage routier et autoroutier de la banlieue parisienne et des grandes villes dans des conditions épouvantables d’insalubrité. Il aussi vrai que parmi ces gens il y a des délinquants, comme dans toute communauté humaine. Il est donc vrai encore (et je refuse l’angélisme) que certains groupements sont constitués de voleurs (de Vélib’, de réseaux de signalisation ferroviaire y compris ceux du TGV), de briseurs de distributeurs de billets, de recéleurs de toutes sortes. Il est aussi vrai que certains groupes sont organisés en réseau de prostitution ou de mendicité où des jeunes femmes avec leurs bébés, de très jeunes adolescents et des vieux, travaillent pour des patrons sans tirer grand bénéfice des aumônes qui leur sont faites par les passants. Tout cela est condamnable et doit l’être en terme individuel. Ce n’est pas une communauté en sa totalité qui commet des délits, mais des individus, parfois rassemblés en groupe, et ceux-là, comme le dit toujours Florin Cioba, doivent être condamnés comme délinquants, voire comme criminels si tel est le cas.[3]Mais dans un État de droit moderne, la condamnation collective n’appartient pas au droit des personnes. En agissant ainsi, le gouvernement français en dépit des virtuosités de langage de ses ministres, réhabilite, sans l’énoncer clairement, des lois raciales d’une époque que l’on croyait révolue. Personne, quelle que soit son opinion politique, ne peut ni ne doit accepter un tel procédé digne, et je ne dissimule pas mes mots, d’un État fascisant. Rappelons-nous l’adage latin, « de te fabula narratur », à savoir que la fascisation de la politique française (et italienne) présage la mise en place de régimes autoritaires pour tous dans toute l’Europe…
Toutefois, et il ne faut voir là aucune excuse, si le gouvernement français agit ainsi, après avoir convoqué une réunion avec les ministres roumains de l’Intérieur et des Affaires étrangères, c’est que quelque chose ne marche pas dans l’usage des sommes importantes données au gouvernement roumain pour l’intégration des Tsiganes. « La Roumanie, selon le très sérieux journal économique français Les Echos[4], reçoit 4 milliards d’euros par an pour l’intégration des Tsiganes, dont seulement 80 millions sont dépensés, soit 0,4 %. » Des questions se posent. D’une part, pourquoi ne pas utiliser l’ensemble de l’argent mis à disposition du pays, et d’autre part, où sont les projets d’intégration entrepris avec ces 0,4 % ? A regarder le pays de près, il semble que rien ou quasiment rien ne soit fait dans le sens d’une véritable politique d’intégration, serait-elle parfois quelque peu autoritaire. On trouve des groupes de Tsiganes extrêmement riches, il suffit de voir les cadeaux de mariage qu’ils offrent aux jeunes couples par exemple, les voitures de luxe qu’ils possèdent ou les palais surréalistes[5] qu’ils se font construire aux marges des villes roumaines. Mais à côté, sans que ces riches en aient le souci, on trouve des groupes d’une extrême pauvreté qui, en terme de sous-alimentation, d’hygiène et d’éducation, ne sont pas loin de vivre comme dans les pires pays du tiers-monde ! En bref, que la question de l’intégration des Tsiganes soit très complexe, je n’en doute point. Car, entre les riches qui se servent de lois antiracistes promulguées par l’UE afin de pas respecter les lois du pays dans lequel ils vivent, criant au racisme dès lors qu’on leur interdit quelque chose qui est interdit à tous les citoyens, et les pauvres qui aspirent certainement à un mieux-être, mais qui, comme tous les pauvres survivent par la mendicité, le larcin et la fourberie, et qu’il faut impérativement éduquer, le gouffre est énorme et exige sûrement des efforts importants dans la durée. Une telle démarche semble impossible en Roumanie car la classe politique est pour l’essentiel corrompue et la plupart des intellectuels publics aussi (cf. le dernier article d’Alina Mungiu in România liberà.ro : Vând opinie publicà. Negociabil, 2 sept. 2010). En effet, il faudrait que des voix de poids viennent de l’intelligentsia en vue de rappeler à l’ordre tant le pouvoir exécutif, que les pouvoirs législatifs et judiciaires. Pour eux, quand il s’agit d’anticommunisme d’opérette, c’est à qui hurlera le plus fort. Mais quand il s’agit d’un cas socio-culturel grave et important leur silence est assourdissant ? Malheureusement, il n’y a pas de Gaspar Miklos Tamas en Roumanie, il y a en revanche une bonne quantité de publicistes « délicats », voire élégants dans la forme qui disent avec élégance de tristes banalités ; en revanche, il y a très peu de polémistes lucides, érudits et capables de sortir des jeux locaux.[6] En bref, demain n’est sûrement pas la veille de la mise en œuvre des solutions pour tenter de trouver des solutions aux problèmes de l’intégration des Tsiganes en Roumanie (et en Bulgarie). Ces deux pays préfèrent les laisser partir mendier, pour vivre indignement dans des camps de fortune, au lieu de faire l’effort nécessaire afin de promouvoir un véritable programme socio-éducatif d’intégration. Ce n’est guère nouveau en Roumanie, le président ayant trouvé parfaitement normal l’émigration des médecins et des meilleurs diplômés vers les pays riches de l’UE, pourquoi ne pas aussi éliminer les plus pauvres ? Régner sur un peuple paupérisé, misérable, mal nourri, et passif, encourager les meilleurs à quitter en masse le pays semble être l’action socio-politique de la classe politique roumaine pour laquelle diriger se résume à s’enrichir personnellement.
Ces considérations n’exonèrent en rien les affreuses méthodes françaises dont on sait par ailleurs qu’elles sont totalement inefficaces, les expulsés pouvant fort bien revenir dans quelques mois puisqu’il n’est pas écrit sur leur passeport qu’ils ont été renvoyés dans leur pays d’origine avec un petit pécule de 300 euros. Mais ce qui est peut-être plus troublant pour moi, citoyen français, c’est l’attitude de la gauche, voire de l’extrême gauche française. Laissons le Parti socialiste à ses basses manœuvres électoralistes, sa démagogie est l’image même de sa dérive idéologique vers le nouveau libéralisme économique. Certains maires PS, sachant que nombre de leurs concitoyens ne supportent plus la présence des Tsiganes mendiants dans les rues et sur le parvis des églises et des places, ou la multiplication des musiciens plus ou moins talentueux présents dans les wagons du métropolitain, du RER et des trains franciliens, n’hésitent pas à soutenir les méthodes sarkozyiennes d’expulsion, espérant gagner les voix des électeurs sarkozistes ou lepénistes. Rien d’étonnant chez les socio-traîtres. Mais bien plus inquiétante, et signe d’une mentalité critique à la dérive, est la position de l’extrême gauche qui, hormis une attitude philanthropique et antiraciste velléitaire, ne recherche aucune explication des causes de la pauvreté qui mène tant de gens à quitter un pays pour aller vivre ailleurs, là où ils ne sont plus chez eux en raison de la langue, du style de la vie relationnelle, en bref de la culture. Car remarquons en passant que les Manouches français ou les Gitans andalous ne veulent rien savoir de ces Tsiganes venus de l’Est. L’extrême gauche ne se pose même pas la question quant à l’origine de cette pauvreté insigne, présente depuis la fin du régime communiste en Europe de l’Est. Elle agit au travers d’ONG dont les actions caritatives, pour nécessaire qu’elles soient dans l’urgence, masquent l’essentiel des questions de fond.
La première : pourquoi les gouvernements de l’ex-Europe communiste ne font-ils rien pour intégrer les Tsiganes alors que l’UE n’est pas avare de soutiens financiers ? Pourquoi les richissimes Tsiganes n’organisent-ils pas des sociétés d’entraide sur place pour les plus démunis des leurs, car, à leur manière, ils reproduisent la généralité des rapports de classe de notre capitalisme tardif ? La seconde : pourquoi les groupes d’extrêmes gauches français n’expliquent-ils pas à leurs militants et sympathisants ces impasses et la manière dont vingt ans de postcommunisme ont engendré un bien plus grande misère chez une majorité de Tsiganes que durant la période communiste qui a connu un temps un début de promotion sociale ? Car ce qui ressort de cette indignation réduite à de la simple charité et à des vociférations antiracistes de manifestations sans effets[7], c’est l’oubli de l’essentiel, à savoir que la paupérisation absolue de groupes sociaux entiers (et il est symptomatique que ces ONG de gauche et d’extrême gauche ne parlent jamais des Roumains ou des Bulgares non tsiganes très pauvres, et il y en a à Paris !) est inversement proportionnelle à l’enrichissement massif d’une infime minorité. Mais parler de cette dynamique impliquerait, par exemple, le maintien dans les programmes des partis d’extrême gauche de la lutte de classe comme thème central, et du rôle décisif du pillage de la propriété publique des ex-pays de l’Est, de la Grande Braderie qui s’y est produite et s’y produit toujours dans la formation de ces groupes de pouilleux misérables. Or l’expression « lutte de classe » et ce qu’elle implique comme agir ont disparu des programmes de ces partis, au point que je me demande toujours ce qu’il y a de véritablement anticapitaliste chez le Nouveau Parti anticapitaliste de Besancenot, qui a purement et simplement gommé cette expression de ses buts. Le Parti communiste français, quant à lui, a éliminé depuis belle lurette toutes références à la lutte de classe et n’est plus présentement que le parti des petits fonctionnaires en voie de paupérisation. Quant aux Verts ils représentent la fraction des nouvelles upper middle class (les bobos des grandes villes) qui rêvent d’une consommation plus écologique, de nourritures plus « bio » (et très chères), sans jamais perdre de vue les avantages essentiels qu’apporte la société de consommation de masse… On le constate, en France comme en Italie, plongées dans une crise économique dont personne ne peut prédire la fin, les Tsiganes sont bien plus un prétexte démagogique de combat dans le champ de la politique intérieure qu’un sujet d’étude et d’action avec ses antinomies, lequel exige des élucidations complexes et des pratiques pouvant se révéler contradictoires. Enfin et non des moindres, il faut souligner le peu de place qui est faite à la parole des intéressés. Certes, ils ne parlent pas ou très mal le français, mais à Paris rien de plus facile que de trouver un interprète de qualité (j’en connais au moins trois sinon plus !).
Plus encore, l’expulsion des Tsiganes de France révèle, malgré les convocations à Bruxelles, le peu de pouvoir de l’UE dès lors qu’il ne s’agit pas de bénéfices économiques et des instruments législatifs et/ou idéologiques pour les imposer au profit des pays riches de l’UE. La France se moque d’une condamnation de l’UE dans le cas des Tsiganes, comme elle se moque pareillement des remontrances qui lui sont faites pour l’inhumanité de son système carcéral… Il semble bien que le « pays des droits de l’homme » soit devenu, ce que l’on savait de longue date, le pays des non-droits de l’homme, et que la générosité ou le simple droit ne vaut que lorsqu’il apporte des avantages économiques (importation de travailleurs compétents à bon marché ou intégration au marché des gens de couleurs) ou politiques (faire pression sur tel ou tel pays en accueillant ses émigrés)…
Tout cela ne présage que les « Hauteurs béantes » pour parler comme Zinoviev…
Claude Karnoouh
Paris, 6 septembre 2010
[1] J’écris et je dis Tsigane parce que je me refuse aux diktats du vocabulaire politiquement correct, un sourd est un sourd et non un malentendant, un aveugle est un aveugle et non un malvoyant, un voyouterie est une voyouterie et non un « acte d’incivilité », etc., etc. De plus ne soyons pas plus papiste que le Pape, dès lors que le « roi » des Tsiganes roumains, Florin Cuiabá, a fait savoir que le terme Rom lui déplaisait profondément et qu’il était Tsigane, un point c’est tout, depuis des centaines d’années (cf. Adevàrul, dimanche 22 août 2010). En effet, tous seraient alors des Roms, mais alors quid du Gitan d’Andalousie et du flamenco, du Gypsy anglo-saxon, du Zigeuner germanique, du ЦЫГАН russe, du Zingaro italien, du Manouche, devenu jazzman après Django Reinhardt, et aussi de ceux qualifiés par de vieux mots français, encore usités dans ma jeunesse rurale, comme Romanichels ou Bohémiens.
[2] Cela me rappelle les lois allemandes du IIIe Reich sur la notion de culpabilité collective, le Sippenhaftgesetz, cette loi nationale-socialiste qui rendait la parenté coresponsable des actes de leurs fils et qui punissait de déportation leurs familles.
[3] Adevàrul, dimanche 22 août 2010 : « Hoţii trebuie pedepsiţi indiferent că sunt romi, români, fracezi sau italieni ». Position parfaitement moderne définissant l’État de droit.
[4] Les Echos, Paris, 1er septembre 2010.
[5] La seule réalisation architecturale intéressante du postcommunisme, entre Dallas et Disneyland, entre les Palais indiens et les pseudos cher aux riches américains des années 1930. Voir le palais dans lequel Orson Welles fait finir la vie de Charles Foster Kane, Xanadu, dansCitizen Kane, 1940.
[6] Pour ce qui de la lucidité voir Ciprian Mihali, « Care drepturi ale omului, ei tigani », inCritic Attac, 26 août 2010, et surtout, celui de Vasile Sebastian Dâncu, « România care nu stie sà spunà NU », in Cultura, 25 août 2010.
[7] La manifestation de samedi 4 septembre 2010 à Paris a rassemblé 80.000 personnes ce qui n’est vraiment pas grand chose, par rapport au CPE par exemple. La France profonde, celle des collabos de tout acabit, cette France infâme, sordide, approuve la politique du chef de l’État.
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